LE risque létal pour la grande distribution
Tout le monde parle de la grande distribution et tout le monde évoque l’émergence du E-commerce comme étant à la fois un risque et une opportunité. C’est évidemment incontestable que le E-commerce représente une nouvelle donne du retail en général, comme il en est dans de nombreux domaines comme les voyages, la publicité...
Pourtant, les chiffres E-commerce de la grande distribution ne corroborent pas cela et l’effet Covid est désormais derrière elle, avec des chiffres d’affaires on-line revenus à leurs niveaux anciens, voire en-dessous. C’est vrai pour toutes les enseignes, en France et très vraisemblablement en Italie.
Le E-commerce n’est donc pas près de représenter un risque majeur pour la grande distribution, à moins que…
Autrefois, un proverbe rappelait que le commerce c’était « acheter pas cher – vendre cher » ; maxime simple mais incontestable, qui rappelle que le commerçant est un intermédiaire, au milieu entre le producteur et le consommateur.
Que s’est-il passé au cours des 15 ou 20 dernières années ?
La grande-distribution a continué à exiger des baisses de prix à ses fournisseurs, au travers de négociations musclées et du rapprochement de centrales d’achats. Etranglés, au bord du suicide, pas mal d’agriculteurs ont alors décidé de franchir le pas de la désintermédiation. Ils se sont dit, sous la contrainte de prix d’achat ridiculement bas qu’ils n’avaient pas d’autre choix que celui du circuit court.
Pourquoi continuer à crever la dalle à vendre du lait entier 30 cts à une centrale alors que je peux le vendre 90 cts en direct à des consommateurs ? Pourquoi détruire mes pêches moches ou les transformer en confitures alors que les consommateurs avertis ne demandent pas mieux que de me les acheter ?
Rappelons qu’à part quelques personnes clairvoyantes et courageuses, la plupart ne change ses habitudes que sous la contrainte ; ce fut le cas des circuits courts pour les agriculteurs, qui représentent désormais autour du quart de la consommation alimentaire en France (avec de très fortes disparités régionales).
Les circuits courts ne sont donc pas seulement le fruit philosophique d’un retour à la terre mais la très classique conséquence de l’action en réponse à une contrainte.
Il n’est quand même pas sans intérêt de rappeler que la grande distribution a inconsciemment scié la branche sur laquelle ils étaient assis par la pression sur les achats, gage de rentabilité à court terme mais puissant vecteur de bouleversement du business model.
Et bien on est en droit de se demander si l’histoire n’est pas en train de se répéter, à l’autre bout du spectre – cette fois-ci avec les industriels.
Les récentes discussions avec des responsables de plusieurs enseignes, en France et à l’étranger laissent à penser qu’elles caressent l’espoir de réduire le nombre de références des marques nationales et d’augmenter le poids relatif des MDD.
En gros, réduire leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs et augmenter leurs marges.
Bien évidemment, les fournisseurs sont supposés accepter cela sans broncher, ce qui risque de ne pas être le cas.
Il est en effet très possible qu’ils finissent par s’agacer d’une présence réduite sur les linéaires et de la montée en puissance des marques de distributeurs qui les prive de CA et pire, de fonds de commerce.
Dans le passé, ces confrontations entre grands retailers et marques phares ne duraient jamais bien longtemps au motif qu’ils ne pouvaient se passer l’un de l’autre. Ça n’est plus le cas à présent où ces grandes marques sont en capacité de communiquer et de vendre directement aux consommateurs, grâce à cette désintermédiation issue d’Internet.
Ainsi, en Chine, L’Oréal réalise désormais plus de la moitié de son CA on-line en BtoC, alors que cette célèbre maison ne l’envisageait même pas il y-a moins de 5 ans !
Techniquement le modèle est quasi prêt à opérer des flux directs de ces grands acteurs de l’industrie agroalimentaire vers les consommateurs ; il ne reste plus que l’étincelle d’allumage.
La grande distribution ferait bien de se rappeler l’adage du début de ce papier – elle ne vit que de l’intermédiation entre des consommateurs et des fournisseurs ; oublier l’un ou l’autre pourrait se révéler tragique.
Chief Transformation Officer at Louvre Hotels Group (Jin Jiang International)
4 ansCher Axel, j’ai bien peur de devoir tempérer ton propos sur le retour à la normale voire la régression généralisée post-déconfinement du CA ecommerce alimentaire pour "toutes les enseignes en France". Pas toutes en tout cas ;-)