LE SANG VERSÉ N'A PAS D'OREILLES
Le 19 septembre 2002, l'Éburnie se réveilla avec une gueule de bois, meurtrie après une nuit où la musique de la vie a été étouffée par le silence de la mort. Cette nuit, YACE Marcellin, un Maestro des maestros, fut emporté, tout comme d'autres âmes illustres et des serviteurs dévoués de notre nation.
À cette époque, les médias n'étaient pas encore inondés par les Fake News et nous avons très vite appris que de jeunes mutins s'étaient payés le luxe de procéder à un dépeçage géographique et politique de notre mère bien-aimée patrie en s'engageant dans une guerre contre les autorités en place, "démocratiquement" élues.
Comment avons-nous pu en arriver là alors que notre pays était "béni de Dieu" ? Quelle incompréhension ou querelle familiale pouvait justifier que les enfants de la patrie décident de l'éventrer parce-qu'ils se sont sentis "exclus"?
Le sang versé n'a pas d'oreilles pour entendre les réponses.
Mais les survivants portent le fardeau de célébrer les âmes des innocentes victimes de la barbarie des causes inhumaines. Depuis ces événements, chaque 19 septembre est devenu un jour de douleur, de souvenir et d'hommage.
Ainsi, le 19 septembre 2011, les images d'un autre séisme qui a ensanglanté l'Éburnie étaient encore vivaces dans les mémoires. En 2010, en effet, l'awale électoral avait désigné un premier vainqueur, mais l'arbitre a avoué plus tard qu'il avait été habité par le diable. C'est donc grâce à la "communauté internationale" et à l'aide d'installateurs sur commande de la démocratie que le vrai vainqueur a pu être investi pour gouverner.
Mais pour une simple affaire d'awale électoral, plus de 3 000 âmes ont vu leur séjour terrestre abrégé alors qu'ils nourrissaient tous, des projets magnifiques d'avenir pour briller et propulser ce pays de nos pères au sommet des nations prospères. Tous. Du cordonnier aux Namas, des Zougloumen, aux vendeuses des marchés Gouros, des étudiants "cambodgiens" ou non, aux entrepreneurs et aux cadres "BCBG" de tous bords.
La justice nationale et la justice internationale se sont mêlées à nos palabres de grands chefs. Hélas, on a pensé que cette dernière allait au moins chez les Blancs nous dire une fois pour toutes, une seule et unique vérité à écrire dans nos livres d'histoire déjà tâchés de sang. Mais c'était sans compter avec les incroyables talents cachés de ces magiciens du droit qui ont inventé dans leur verdict le match nul pénal. Personne n'est coupable dans notre guerre !
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Le sang versé n'a pas d'oreilles pour entendre les explications de l'inexplicable.
Mais comment apaiser les âmes qui pleurent encore dans l'au-delà et qui attendaient désespérément d'entendre les appels au pardon sincère de ceux qui ont précipité avec un billet d'avion aller-simple le voyage du non-retour pour juste une affaire d'awale politique ? Le sang versé n'a pas d'oreilles pour entendre les réponses à titre posthume.
Ce 19 septembre 2023, on se souvient encore de la tragédie de la fin de l'année 2020 quand, pour la course au tabouret royal, les chefs n'ont pas pu s'entendre quand l'arbitre a donné le résultat de la finale.
Cette fois-ci, on s'est contenté du championnat national de la justice pour espérer qu'on trouve au moins le sentier menant vers la demeure d'un coupable parmi les semeurs de morts en matière électorale. Rien. Hélas, malgré les cerveaux et grands talents qui font la noblesse de cette profession, refuge unique de toute une société encore balafrée par ses divisions, nous n'avons pas atteint le niveau tant espéré pour se voir attribuer en rêve le Prix Nobel de la Justice. Donc, il faut dans les prières pour nos morts solliciter aussi leur patience.
À l'approche de l'année électorale 2025, qui fait déjà décoller des angoisses légitimes avec ces réconciliations de façade, demandons à nos grands chefs et à nous-mêmes de toujours garder présent à l'esprit l'image du cordon ombilical de couleur orange blanc et vert qui nous unit. Nous sommes les enfants sortis des entrailles d'une mère unique : la Côte d'Ivoire.
Attention ! Le sang versé n'a pas d'oreilles.
Michel Kizito BRIZOUA-BI
Avocat
il faut tout un village pour éduquer un enfant
1 ansMerci de nous le rappeler Kizito. En tout cas plus personne n'en parle alors qu'il faut en tirer les leçons.
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1 ansQuelle belle plume. Tout est dit.
Head of Cocoa Sustainability, Côte d'Ivoire, Olam International
1 ansC’est un article très bien écrit qui m’aura appris l’expression de l’awale électoral… Merci Maitre pour ton engagement sain et courageux
Tech/Team Lead | Cloud - DC - Network Solution Architect | Large-scale Projects | Freelance (JNCIE-SP)
1 ansEn effet, Sept 2001, Sep 2011, Nov 2020 entre autres dates à commémorer dans le calendrier national et mémoire collective.