Le saviez-vous ?

Le saviez-vous ?

La loi n°22/068 du 27 décembre 2022 portant lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive en République Démocratique du Congo (LBFTP) énumère à son article 2 une liste des professions soumises aux obligations qu'elle prescrit (les assujettis), et qui, dans le cadre de leurs activités, "...réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des dépôts, des échanges, des placements, des conversions ou tous autres mouvements de capitaux."

Au nombre des assujettis se trouvent les avocats lorsqu'ils "conseillent ou assistent des clients ou agissent en leur nom et pour leur compte dans l’achat et/ou la vente de biens, d’entreprises ou de fonds de commerce, de titres ou d’autres actifs, la manipulation d’actifs, lors de l’ouverture de comptes bancaires, la constitution, la gestion ou la direction des sociétés, des fiducies ou de structures similaires, ou de toutes autres opérations financières" (art. 2(7)). Parmi les obligations imposées aux assujettis figure l'obligation de déclaration (Art. 90(1)), qui impose aux assujettis d'informer sans délai la Cellule de Renseignements Financiers (CENAREF) de toute opération suspecte dans le cadre de celles prévues à l'article 2(7), avant leur réalisation, lorsqu’elles portent sur des fonds suspectés de provenir de l’accomplissement d’une ou de plusieurs infractions, ou d'être liés au financement du terrorisme. En dehors des poursuites qui peuvent être engagées contre un avocat pour violation de l’obligation de déclaration, l’avocat peut engager sa responsabilité pour blanchiment d’argent sur le fondement de l'article 2(3) ci-dessus. Ici, l’intention (ou la connaissance) en tant qu'élément constitutif de l'infraction peut, selon l'article 5(3), être déduite des circonstances factuelles objectives.

La Landgericht de Frankfurt (tribunal régional de Francfort) a jugé dans sa décision du 4 mai 2000, confirmée ensuite par la Bundesgerichtshofs (Cour fédérale - BGH) du 4 juillet 2001, que le fait pour un avocat d’accepter de l'argent liquide, comme avance sur ses honoraires alors qu’il sait, ou qu'il aurait dû savoir, que cet argent provient d’activités illégales, constitue du blanchiment d’argent. In specie, le client de l’avocat était poursuivi pour fraude, infraction soupçonnée d’être à l’origine de l’argent sale. Bien que confirmant l’arrêt de la BGH, la Bundesverfassungsgericht (la Cour Constitutionnelle allemande), saisie pour violation de l’article 12(1) de la loi fondamentale (le droit d’exercer la profession de son choix…), considéra notamment que le profil particulier de la profession d'avocat devait être pris en compte par une interprétation plus restrictive de l'élément moral dans l’établissement de  l’infraction de blanchiment. La Cour a considéré que lors de la détermination de l’élément moral de l'infraction de blanchiment, une "Glaubwürdigkeitsvermutung" (une présomption de crédibilité) de l’avocat à l'égard de son client, découlant du principe de la présomption d'innocence, devrait être pris en compte.

Toutefois, cette présomption de crédibilité ne devrait pas non plus être une "Freibrief zur Verkennung der Realität" (carte blanche pour mal juger la réalité ou pour simplement ignorer ce qui est évident). C’est ainsi que l’argument du requérant, selon lequel seul un aveu du client aurait permis d’établir la "Mens Rea" (ou l'intention criminelle) dans le chef de l'avocat de la défense, a été rejeté par la Cour.

Pierre Shama Busha Pongo, LL.M.Eur.

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