« Le statu quo pratiqué par facilité sclérose l'entreprise » - (Vincent Bouquet - Les Echos, 24 octobre 2016)

Habitué au retournement d'entreprise, le PDG d'Elior Group mise sur la rapidité d'exécution, la prise de risques et le contact direct avec ses équipes pour mener à bien la vision qu'il incarne.

Fort de vos succès chez Vediorbis, Geoservices et Altran, vous avez une réputation de redresseur d'entreprise. Existe-t-il une « méthode Philippe Salle » ?

Je ne sais pas s'il existe une « méthode » à proprement parler mais il est certain que je procède toujours de la même manière. D'abord, je construis une vision à partir d'une analyse fine du marché. En fonction de celle-ci, j'élabore une stratégie et je compose le Top 20 et le Top 100. Le changement peut aller de 0 à 100 % des effectifs car je n'ai aucune idée préconçue en la matière. Je cherche simplement des personnes qui adhèrent à la vision que je propose, qui sont loyales et très autonomes car je délègue beaucoup, en plaçant la barre assez haut. Enfin, en moins de six mois, je mets à exécution le plan de transformation qui découle de cette stratégie.

A votre arrivée chez Elior Group, vous ne connaissiez pas le secteur de la restauration. Comment vous y êtes-vous adapté ?

Je pense que mes années chez McKinsey m'ont permis de forger cette capacité d'adaptation. En six mois, je suis capable de comprendre 80 % des enjeux d'un marché. Un diagnostic que j'affine par la suite, pendant deux ou trois ans, et qui me sert à construire mon second plan de transformation.

Second plan que vous n'avez parfois pas le temps de mettre en oeuvre…

Quand j'arrive dans une entreprise, je me dis toujours que je ne ferai pas plus de deux mandats, et parfois il est vrai que je pars plus tôt. Aucun patron ne devrait rester plus de huit ou dix ans à la tête d'une même entreprise. Le pouvoir use les dirigeants, or l'entreprise doit se renouveler sans cesse, et cela passe selon moi par un afflux de sang neuf.

Comment faites-vous alors pour asseoir votre pouvoir ?

Certaines personnes, dont je fais partie, ont une autorité naturelle. Je vis l'entreprise du matin au soir, j'aime me mettre en danger et j'incarne véritablement la vision que je propose et que je déploie avec une grande constance. J'aime trouver le moyen de porter l'entreprise vers d'autres sommets. Les équipes n'attendent que ça !

Quelques semaines seulement après votre arrivée chez Elior Group, vous avez réalisé plusieurs acquisitions. La rapidité d'exécution est-elle capitale pour diriger ?

C'est effectivement l'un des actifs d'une entreprise car c'est en accélérant que l'on est capable de doubler ses concurrents. Ce n'est pas toujours simple car cela me demande de prendre beaucoup de décisions, dont des mauvaises. Mais je préfère prendre de mauvaises décisions que ne pas en prendre du tout. Le statu quo, pratiqué par facilité par de trop nombreux dirigeants, sclérose l'entreprise. J'encourage d'ailleurs tous mes collaborateurs à prendre des risques. L'échec n'est jamais grave, il ne faut simplement pas commettre deux fois la même erreur.

Une fois par trimestre, vous rencontriez tous les salariés d'Altran. Comment maintenir ce type de contact chez Elior Group ?

La taille d'une entreprise est son plus grand danger car elle peut éloigner le dirigeant de ses salariés. Il m'est impossible de rencontrer l'ensemble des 120.000 collaborateurs d'Elior Group et m'adresser au Top 100 ne suffit pas. Chaque responsable de site doit savoir pourquoi on lui demande tel ou tel objectif. En 2017, j'envisage donc de mettre en place un canal de communication plus direct avec eux. Cela passera peut-être par un réseau social d'entreprise ou par Twitter mais je veux que l'information puisse remonter jusqu'à moi le plus facilement possible.

Vous êtes ceinture noire de karaté et un lecteur assidu de « L'Art de la guerre » de Sun Tzu. Qu'en retirez-vous ?

Le karaté vous apprend à ne jamais être surpris, à travailler sur votre anticipation. De son côté, Sun Tzu assure que la phase de préparation est le plus important pour une armée. Ces philosophies, je les fais miennes, pour diriger le plus sereinement possible.

Christophe Gouriou

EPFL Board Academy Certification. ESG Executive and Board Coaching. Member of the CVCI Business Club and CCI France Suisse

8 ans

Radical!.. attendons pour voir :-)

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