Le storytelling ? Exercice imposé du manager, du leader et du coach ?
En 2006, après une semaine de formation intensive en entrepreneuriat au MIT, je suis rentré en Europe convaincu de l’importance et de la puissance du storytelling.
Aujourd’hui, plus que jamais, que l’on soit startuper, entrepreneur, manager, le leadership devrait s’appuyer sur la capacité de raconter des histoires. Pour influencer, convaincre et inspirer … les équipes, mais aussi les clients, les investisseurs et toutes les parties prenantes.
Oserais-je demander comment un leadership efficace peut-il encore exister sans un minimum de capacité narratives ?
Ces 6 dernières années, pour le compte d’EY et de la Solvay Brussels School of Economics and Management, j’ai eu la chance de rencontrer un CXO ou CEO par semaine. La plupart d’entre eux rencontrent de sérieux problèmes pour expliquer la stratégie de leur entreprise, pour la rendre concrète, utile. Les rares études sur la perception de la stratégie par les managers et leurs équipes confirment de manière interpellante cette difficulté à expliquer et rendre concrète la stratégie d’entreprise.
Qui sont concernés ? Les N-1, les N-2, les leaders de départements ou de business units.
Il y a heureusement des exceptions qui confirment la règle. Ces dernières années deux entreprises au moins se sont sérieusement investies pour s’assurer que la stratégie était correctement comprise : ABInbev et EVS.
Chez ABI, le nouveau CEO a déclaré que la compréhension de la stratégie était une priorité. Avec des moyens. Pour la première fois, j’ai eu en face de moi des middle managers capables non seulement d’expliquer la stratégie de l’entreprise (purpose, vision à 3 ans, activités-clés, objectifs, valeurs, …), mais aussi d’expliquer quelles étaient leurs contribution à cette stratégie.
Chez EVS, l’entreprise a pris le temps et les moyens pour expliquer en détail et visuellement la stratégie de l’entreprise et de la rendre accessible à tout un chacun. D’une manière incroyablement simple et efficace.
Il est donc loin le temps où la stratégie était gardée secrète et scellée dans le coffre-fort du CEO.
Mais revenons à la narration et les manières dont elle peut soutenir le leadership.
Lorsque je coache des startupers ou des leaders, tous ne sont pas à l’aise avec le storytelling.
Tous ne s’estiment pas doué pour mettre leur stratégie en histoire. Pour certain, le storytelling reste un art qui se rapproche du charisme, une sorte de don inné.
C’est une méprise. Aujourd’hui, il existe une science derrière l’art de raconter des histoires. Et une science, cela s’explique, cela s’enseigne. Un manager ou un entrepreneur peut en comprendre les ressorts, les trucs et astuces pour intégrer la narration dans son leadership. Mieux il doit le faire …
L’article “Science behing Storytelling[1]” de Lani Peterson, publié par Harvard Business Publishing, explore cette dualité de la narration en tant qu’art et science, soulignant son rôle crucial dans les contextes éducatifs et professionnels.
Peterson argumente qu’il existe aujourd’hui des composantes scientifiques avancées derrière la narration. Cete science nous permet de mieux comprendre, et donc de mieux expliquer, pourquoi la narration est le meilleur moyen de communication et comment elle rend les récits non seulement captivants mais aussi pédagogiquement puissants et engageant pour celles et ceux qui les reçoivent.
J’avais envie avec ce post de vous expliquer d’abord pourquoi la narration est si efficace et ensuite en déduire comment apprendre à raconter de vraies histoires.
Concrètement, la narration active des régions spécifiques du cerveau, comme les aires de Broca et de Wernicke, qui traitent le langage.
Mais la narration active aussi d’autres zones qui nous permettent de réellement « « vivre les événements racontés comme si nous les expérimentions personnellement.
Des études citées par l’entrepreneur Leo WIDRICH dans son essai “The Science of Storytelling : What Listening to a Story Does to Our Brains” démontrent que lorsqu’on écoute une histoire digne de ce nom, les zones du cerveau qui s’activent ne se limitent pas à celles liées à la compréhension verbale, mais incluent également celles impliquées dans les expériences personnelles, les émotions et même les interactions sociales.
N’avez-vous jamais frissonné à l’évocation d’une histoire bien structurée et bien délivrée ?
Les effets neurologiques de la narration incluent la libération de cortisol, qui aide à la formation de la mémoire, de dopamine, qui renforce l’engagement, et d’ocytocine, qui favorise l’empathie et le renforcement des relations sociales.
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Ces réactions chimiques ne sont pas anodines ; elles façonnent notre réceptivité et notre réactivité aux enseignements véhiculés à travers les histoires. Elles nous font vivre les histoires. Nous en devenons acteur.
Raison pour laquelle, par exemple, nous utilisons l’expression « je vois ce que tu veux dire ». Cette expression traduit le fait que les éléments de l’histoire ont engendré une série d’images dans votre cerveau. En assemblant ces images vous avez composé votre propre film sur l’histoire. Et il est plus facile de croire un film quand c’est vous qui l’avez réalisé.
Lorsque nous énumérons des données, des faits nous proposons à notre interlocuteur des points dénués de relations. C’est l’histoire qui va connecter les faits pour composer une image qui va donner du sens aux faits.
En plus de stimuler individuellement chaque auditeur, la narration peut également créer des lien entre les cultures et les expériences personnelles, permettant un échange de perspectives enrichissant.
Si l’on se projette dans le monde de l’entreprise, le storytelling permet aux individus et aux groupes de mettre en contexte, de visualiser et de donner du sens aux informations complexes comme par exemple la stratégie.
Une raison d’être, une vision stratégique, des missions statement ou encore des objectifs stratégiques vont être beaucoup mieux compris et intégrés s’ils sont insérés dans une histoire.
La narration, bien utilisée, va faciliter un apprentissage profond et durable. Dans les organisations, cela se traduit par une meilleure rétention des stratégies et des valeurs, et une capacité accrue à innover et à résoudre des problèmes de manière créative. Voire à mieux comprendre comment transformer la stratégie de l’entreprise en tactiques opérationnelles.
On peut également appréhender la narration comme un outil démocratique et inclusif, fonctionnant avec tous les types d’apprenants — visuels, auditifs et kinesthésiques — leur permettant d’engager et de construire leur compréhension d’une manière qui résonne avec leur mode d’apprentissage préféré. C’est valable dans une université comme dans une entreprise
Vanessa Boris, dans son article “What Makes Storytelling So Effective For Learning”, affirme que les leaders qui utilisent le storytelling peuvent inspirer et enseigner de manière plus efficace en touchant un public plus large.
En résumé, la science derrière la narration révèle son potentiel puissant comme outil pédagogique et communicatif.
En intégrant la narration dans les cultures organisationnelles et les programmes d’apprentissage, les leaders peuvent non seulement transmettre des informations, mais aussi inspirer l’innovation et forger des liens profonds au sein de leurs équipes, exploitant ainsi les aspects les plus fondamentaux de notre humanité pour favoriser la croissance et le développement personnel et collectif.
Bref, le storytelling devrait s’apprendre dans les business school et pourquoi pas dans toutes les facultés. Et vous ?
Pr Bruno WATTENBERGH
[1] Telling stories : How leaders can influence, teach, and inspire. Vanessa Boris & Lani Peterson
Senior Marketing Manager at Belrobotics & ECHO Robotics with expertise in marketing strategy, digital & automation.
7 moisOn oeur dire que actuellement c’est cata. Quand on voit ce qui passe sur Linkedin … ces espèces d’histoires du style, j’ai mangé une pomme ce matin et ça y est j’ai compris le sens de la vie que j’applique à mes équipes … 🙄🙄
MENTOR SPIRITUEL & INTIMITÉ SACRÉE Ma mission est d'inspirer les leaders à découvrir leur raison d'Être et la transformer en superpouvoir
7 moisLe meilleur storyteller est celui qui maîtrise son storytelling personnel, pour ne pas celui de son monde intérieur.
CEO I Leader I Mentor | Coach I Lifelong learner
7 moisLors de la finalisation de notre plan stratégique, le plus difficile fut en effet de raconter l’histoire et d’ainsi connecter tous ces points relevants individuellement dans une trame commune.