Le temps des mérules et des écrans plats / Episode 51 / la fausse écologie
La Mérule est une espèce de champignons basidiomycètes de la famille des Serpulaceae. Son épithète spécifique, lacrymans ou « pleureuse », vient des larmes colorées et collantes qu'exsude son mycélium. Elle est le plus grand ennemi du bois, de la cellulose et du papier. La mode est aux mérules : aux ennemis du papier dans les boites aux lettres, à ceux qui compromettent l’avenir de nos forêts en pensant les sauver. On connait aujourd’hui l’orthorexie, l’obsession d’une alimentation correcte, ce trouble du comportement alimentaire qui au nom du combat légitime contre la malbouffe engendre des névroses, et fait perdre parfois le plaisir de savourer et la convivialité qui va avec. On connait bien la cause des produits « sans », sans gluten, sans lait, sans aspartame, sans huile de palme. Nous vivons la mise à l’index parfois outrancière des féculents, de la viande, des œufs, des produits laitiers, des graisses, des sucres, du sel. Nous expérimentons le tri sélectif dans l’alimentation, qui engendre le meilleur comme le pire. Nous allons découvrir les joies et les peines de la karthorexie, ou Papyrorexie : la diabolisation du papier qui pourrait achever de dévorer le livre, la presse écrite et l’Imprimé Publicitaire après avoir passé à la broyeuse et à la déchiqueteuse le courrier, les dictionnaires et les bottins. Sacré facteur de désocialisation ! Après avoir lutté contre les aliments transformés, nous allons promouvoir la pensée non transformée, c’est-à-dire la non-pensée. La pensée « naturelle », celle du dinosaure qui regarde tomber les météorites. Certains pensent que l’histoire est née de l’écriture, au terme d’une préhistoire où les mots n’avaient pas trouvé de supports. Longtemps nous avons vécu l’ère du « Push » : le papier venait nous chercher, nous apporter l’info. Nous sombrons dans l’ère du Pull : c’est à nous d’aller chercher l’info sur des écrans. L’info risque de rejoindre les clichés de nos smartphones. A force de ne jamais les imprimer, nous deviendrons amnésiques ou très manipulables. Notre boite aux lettres desservie par notre facteur n’a pas besoin d’être branchée ou connectée : elle est l’aboutissement d’un réseau humain. Notre BAL digitale ne relève plus depuis longtemps du simple barrage d’une étiquette autocollante. Le déchet digital n’est jamais recyclable. Il remplace notre banquise qu’il fait fondre par un grand tombeau de verre et d’écrans. Il nous transforme tous en visiteurs de prisons, fascinés par les poissons rouges digitalisés de nos fonds d’écrans, grands amateurs de bulles digitales.
Jean-Pierre Guéno
Maire-Adjoint de Châtillon (Hauts-de-Seine, 40 000 hab.)
5 ansEt n'oublions pas que ce sont les arbres jeunes, en pleine croissance, qui captent le plus de C02. L'idée est donc d'abattre les vieux arbres (sauf bien sûr les arbres enregistrés comme étant remarquables) pour faire du papier et autres choses et évidemment de les replanter au fur et à mesure. Les propositions des entreprises de dématérialiser ses envois au profit de l'environnement ne sont que des leurres qui visent en fait à diminuer leurs dépenses sans pour autant vous en faire profiter. Les Tartuffes. Et puis l'on sait maintenant qu'un e-mail avec une pièce jointe d'1 Mo est plus polluante qu'un courrier transportant ce même volume d'information. Fallait aussi le dire.