Le trésor caché des retailers

Les retailers vivent une mutation profonde et les géants du e-commerce comme Amazon redéfinissent les contours d’un business model vieux de 40 ans : au business d’achat-vente vient s’ajouter un business nouveau, qu’imposent progressivement les marketplaces.

Pour continuer à remplir les attentes des consommateurs les retailers doivent développer rapidement ce nouveau canal de vente qui répond à une logique de longue traine : proposer un très grand nombre de références.

Les retailers actuels possèdent justement un actif patiemment constitué au fil des années : leur base fournisseurs ! Mais « l’activer », c’est-à-dire la rendre disponible en ligne, est un défi immense qui leur faut relever !

 

Tous les retailers doivent se doter d’une marketplace

La demande et les attentes des consommateurs est toujours la même : du choix, de la facilité de recherche, de la lisibilité, du service et bien sûr un rapport qualité-valeur/prix adéquat. Pour y répondre le plus favorablement possible, nous pensons que tous les retailers doivent se doter d’une marketplace.

Amazon a construit un modèle imbriqué, où la partie « commerce classique » (achat vente de produits avec une marge brute au milieu) est complétée par une place de marché où la firme met en avant des millions de vendeurs tiers et prélève juste une commission (en moyenne de 12%).

Si en termes de volume d’affaires la partie commerce d’Amazon est encore majoritaire, la rentabilité de son modèle économique provient elle essentiellement des commissions de sa marketplace. En effet, le géant de Seattle perd environ 10Mds$ sur son commerce, mais se rattrape plus que largement avec les 15Mds$ de commissions de la place de marché.

Ne pas avoir de marketplace performante et ne faire que du « commerce », c’est donc se battre à armes inégales, lutter avec un concurrent qui accepte d’y perdre de l’argent. Et c’est donc logiquement et mécaniquement se condamner.

Et d’ailleurs, les chiffres sont là : plus de la moitié de la croissance du e-commerce est due aux marketplaces. Dans le top 100 du e-commerce français, on compte 30% de marketplaces. Celles-ci représentent plus de 30% des ventes des 40 plus grands sites e-commerce français (fevad).

 

Le e-commerce est un business de longue traine

Regardons à nouveau Amazon : rien qu’en France, c’est 2,5 millions de références stockées pour 250 millions de références proposées. Pour 1 référence stockée, Amazon propose donc 100 références en marketplace.

Pour Darty par exemple, la marketplace c’est 20% de trafic additionnel, soit 1,7 millions de visiteurs uniques. Il suffit d’appliquer le taux de transformation e-commerce pour avoir une estimation de l’accroissement de ventes additionnelles par ce canal.

Nos statistiques de vente (plus de 800 marques sur plus de 60 marketplaces, représentant les univers de la mode, de la maison, de l’enfant, du jouet, du sport etc …) le montrent : il existe une parfaite linéarité entre le nombre de ventes et le nombre de références présentes en marketplace. Cela s’observe de surcroît sur toutes les catégories : « tout » se vend pourvu qu’on apporte au client une promesse détaillée (fiche produit riche et complète) et qu’elle soit démontrée par le service (livraison, service client, et bien sûr qualité du produit).

La marketplace doit offrir un très grand nombre de références aux clients.

 

Les bases fournisseurs : le trésor des retailers

Les retailers ont aujourd’hui un véritable actif qui est leur base de fournisseurs, patiemment constituée à travers les années. Nous l’affirmons sans ambiguïté, ces bases constituent un véritable trésor, une riche valeur.

Pourquoi un trésor ? Parce que ce sont des partenaires qualifiés, avec des relations commerciales existantes (actives ou non), qui proposent des produits attendus par les consommateurs. Le sourcing, la qualification et la prise de contact commercial ont déjà été réalisés.

Cela concerne tous les fournisseurs : actifs et non actifs et tous leurs catalogues de produits, soit des millions de références !

D’ailleurs, le succès d’un retailer tient au moins pour moitié à sa capacité à « acheter », où ce terme comprend le sourcing, la qualification, la négociation et la capacité à proposer à la vente les produits.

Pourquoi donc déployer d’énormes efforts pour faire grandir le catalogue marketplace en sourçant « en dehors », alors qu’on pourrait déjà s’occuper largement avec ce qu’on connaît le mieux ?

 

Mais ce trésor est dormant !

Cet actif capital et différenciant se voit logiquement fortement léverager par une place de marché, ce qui représente ainsi une autre motivation stratégique pour y aller sans hésitation rapidement, avec conviction et moyens adéquats.

Nicolas Houzé le dit « Pour notre site marchand Galerieslafayette, j’ai fixé aux équipes l’objectif d’y proposer le million et demi de références de notre magasin amiral parisien à horizon 2020 ».

Si la plupart des retailers se sont dotés d’une marketplace, force est de constater que tous ne mettent pas encore en application le principe clé de la marketplace qu’est la longue traine.

En dehors d’une décision « stratégique » de ne pas se déployer en marketplace (qui est de plus en plus rare, la seule question restante devant être « quand » et « comment »), c’est le sous équipement des vendeurs ou marques pour opérer en marketplace qui est le facteur bloquant.

En effet l’ajout de ce nouveau canal de vente pour un fournisseur ou marque, nécessite de maîtriser les 5 aspects suivants, tous clés dans la réussite d’un déploiement en marketplace.

  1. Posséder un catalogue digital marketplace : il s’agit d’un catalogue à la structure propre : nombre et type d’images, attributs, catégorisation et variations (taille / couleurs), souvent assez différent du catalogue présent sur l’eshop de la marque ou du vendeur.
  2. Assurer une automatisation des échanges de données : il est nécessaire d’envoyer une mise à jour des stocks, de récupérer les commandes, d’envoyer la mise à jour des statuts de commande et information d’expédition toutes les 2 heures ou moins.
  3. Logistique B2C : évidemment être capable d’expédier un produit unitaire au client final en moins de 24h, idéalement en transmettant automatiquement les commandes à la logistique.
  4. Service client : assurer un service aux clients de tout premier plan est devenu une exigence et un enjeu majeur pour les marketplaces qui veillent de près à ce que chaque vendeur prenne la mesure de cette importance (réponse en moins de 24h, réponse au téléphone, traitement rapide et efficace de tout retour et litige).
  5. Facturation & consolidation financière : dernier sujet presque toujours passé sous silence, l’ajout d’une comptabilité B2C si elle n’existe pas déjà, la facturation client pour chaque vente et la bonne réconciliation des flux et le lettrage des ventes demandent un outillage spécifique.

S’il manque une de ces 5 clés, le vendeur ou la marque ne peut pas se déployer en marketplace.

 

Quelles solutions pour activer sa base fournisseurs ?

Observons encore une fois Amazon et analysons ce qui fait le succès du fascinant duo retail-marketplace.

La technologie

Amazon a investi en cumulé des dizaines de milliards de dollars dans son infrastructure technologique (rien qu’en 2017 Amazon aura investi 16Mds de dollars en R&D et compte plus de 20 000 développeurs dans ses effectifs). L’onboarding, le pilotage, l’évaluation et même la sanction des vendeurs en marketplace sont entièrement automatisés ! L’obsession pour l’automatisation fait descendre les coûts opérationnels extrêmement bas. En France, Amazon gère des lignes de business en centaines de millions d’euros avec quelques dizaines de personnes. L’ajout d’un nouveau vendeur représente un coût marginal nul.

La logistique

Amazon compte déjà 5 centres de distribution en France cumulant 350 000 m2, et en ouvrira un 6ème prochainement à Brétigny-Sur-Orge. Les robots permettant d’accélérer la préparation de commandes font peu à peu leur apparition (Amazon opère sa filiale Amazon Robotics depuis 2003 et a acheté la société Kiva Robotics en 2012 ; le centre de Brétigny-Sur-Orge sera équipé de 3 000 robots). L’exigence de service imposée par Amazon sur sa marketplace se traduit par une lourde réalité : très peu de comptes vendeurs sont toujours ouverts 24 mois après leur ouverture, à cause du non-respect des indicateurs de performance qui arrive tôt ou tard. Amazon propose alors au vendeur exclu de basculer sur le service Fulfillment By Amazon (FBA), la logistique par Amazon.

Le service client

Amazon est l’entreprise la plus customer-centric et customer-obsessed du monde. A tous les Board d’Amazon, il y a une chaise vide, celle du client. L’obsession du service au client est partout. Tout vendeur se doit d’adresser les demandes clients très rapidement et de ne jamais avoir de réclamation. Les avis clients jouent partout : ranking des offres, buy box etc … Bénéficier d’un service client qui agit très vite, répond efficacement et précisément, est connecté à logistique pour tout sujet de livraison ou retour, déclenche des remboursements en quelques heures après réception du retour devient un standard. Un standard élevé difficile à exécuter.

C’est donc bien le triptyque classique du succès en e-commerce qui s’impose encore quand il s’agit de la marketplace : technologie, logistique et service client. Cependant, dans une configuration marketplace avec un très grand éclatement de la base vendeurs, sa mise en place est bien moins évidente.

Les trois questions posées pour basculer en marketplace l’intégralité de sa base fournisseurs sont donc les suivantes :

  1. Comment les retailers peuvent-ils bénéficier d’outils technologiques avancés pour faciliter l’ajout des catalogues digitaux de leurs fournisseurs, automatiser leurs échanges de données et faciliter leur consolidation financière ?
  2. Comment les retailers peuvent-ils organiser une logistique B2C performante en qualité de service et en coûts pour leurs vendeurs, fournisseurs et marques ?
  3. Comment les retailers peuvent-ils mettre en place un service client aux meilleurs standards du marché ?

Un concept simple répond à ces 3 questions : la mutualisation

 

La mutualisation : levier pour partager les coûts

Une technologie mutualisée

La technologie se prête particulièrement bien à la mutualisation. Des investissements importants sont nécessaires pour créer des outils performants et ce sont principalement des coûts fixes. Leur mise à disposition en Saas permet de faire payer ces investissements à un grand nombre sur la base de leur usage. Encore faut-il penser ces outils en mutualisé dès leur conception : la plupart des solutions de connexions aux marketplaces fonctionnent en « point à point » et traitent chaque marketplace complètement isolément : catégorisation séparées, mapping d’attributs propres à chaque marketplace avec parfois plusieurs répétitions de mapping si le vendeur adresse des univers de produits différents. Une réflexion réelle sur la mutualisation conduit par exemple à imaginer un catalogue marketplace unique et universel compatible par nature avec toute marketplace, existante ou nouvelle.

Une logistique mutualisée

La logistique est une industrie à coûts très majoritairement fixes où le volume écrase mécaniquement les tarifs. C’est d’ailleurs grâce à ses volumes qu’Amazon peut proposer des tarifs compétitifs. Un rapide comparatif pour un colis d’1,5kg aux dimensions standards (sac à main, grille-pain …) : en Fulfillment By Amazon le coût d’expédition est de 8,35€ (incluant le coût d’entrée en stock, la préparation de commande et le transport) et le coût de stockage de 0,26€/mois. Avec un logisticien spécialiste du e-commerce qui permet une forte mutualisation, le coût d’expédition est de 7,47€ (0,44€ d’entrée en stock, 2,06€ de préparation de commande et 4,97€ de transport) et le coût de stockage de 0,15€/mois. Soit respectivement -10% sur l’expédition et -42% sur les coûts FBA !

Enfin, plus les process sont automatisés et rodés, plus les systèmes sont connectés (automatisation des annonces d’entrée en stock, des transmissions de commandes des états de stocks, des retours …), plus le logisticien est confiant pour inclure une optimisation de ses coûts de gestion dans ses tarifs. Là encore la technologie a un fort effet de levier.

Un service client mutualisé

Le service client est encore majoritairement assuré par des personnes physiques, surtout en marketplace puisque les demandes sont transmises de manières hétérogènes, via différents systèmes et différentes technologies et par messagerie. Leur traitement par des robots viendra plus tard. On peut qualifier les coûts d’un service client comme variables par palier. Donc ni complètement fixes, parce que le nombre d’agents peut être augmenté lorsque le volume croit, ni complètement variables parce qu’il faut supporter le coût plein d’un agent même si le volume d’événements (message ou appel) est faible.

Prêtons-nous au calcul du montant du volume d’affaires que peut assumer un seul agent. On compte entre 10 à 12 événements qu’un agent peut traiter par heure, un événement étant un message ou un appel, soit 70 à 90 événements par jour. Pour le traitement d’un retour en marketplace, on peut compter 3 événements : 1) accuser réception de la demande de retour du client en incluant dans la réponse les informations et modalités de retour, 2) adresser un message à sa logistique, en plus du déclenchement de l’annonce du retour (peut être facultatif), 3) confirmer au client le bon déclenchement du remboursement suite à la réception et au contrôle du colis retourné. Un agent peut donc traiter 23 à 30 retours par jour, en supposant qu’il ne traite que des retours (hypothèse conservatrice car elle diminue la productivité de l’agent). Disons 25 retours.

Les taux de retour en France varient de 5% à 20% suivant les produits. Prenons une moyenne de 15%. Un agent est donc pleinement occupé s’il traite les retours d’un volume total de 167 commandes par jour. En comptant un panier moyen à 50€, cela correspond à un volume d’affaire(s) annuel d’environ 2M€.

Donc 1 agent pour 2M€, puis 2 agents pour 4M€. Les paliers sont tout de même significatifs et on comprend aisément que la mutualisation entre plusieurs fournisseurs a beaucoup de sens !

Enfin il est important de garder en tête que ces 3 mutualisations, technologique, logistique et service client sont intimement liées !

Les niveaux de stocks proviennent de la logistique et la logistique reçoit les commandes, elle doit donc être connectée aux back-offices des marketplaces. Le système qui réalise ces connexions doit offrir une gestion des niveaux de stocks. La logistique doit également être connectée pour que les remises en stocks des retours déclenchent automatiquement les remboursements. Plutôt que d’avoir une connexion pour chaque marketplace, il est préférable d’avoir un hub qui gère ses échanges de données sensibles.

Le service client doit être en contact étroit avec la logistique pour la bonne gestion des retours (tous les retours ne sont pas automatiquement remis en stock) et l’arbitrage ou non sur le déclenchement d’un retour partiel ou complet.

Il faut former son service client aux process logistiques et aux process de remboursements soit pour chaque back-office de chaque marketplace, soit pour un back-office centralisé pré-connecté à chaque marketplace.

 

Qui doit organiser la mutualisation ?

On constate que les retailers s’emploient parfois à prendre en charge la mutualisation de la logistique. Cdiscount Fulfilment déploie une offre similaire à celle d’Amazon FBA. Fnac offre aussi à certains vendeurs de gérer leur logistique B2C. Si l’approche est pleine de bon sens elle pose (néanmoins) 2 problèmes majeurs aux vendeurs (fournisseurs et marques) sur les marketplaces : 1) les colis sont marqués « Amazon », « Cdiscount » ou « Fnac », quelle que soit l’origine de la commande. Une commande passée sur Fnac peut donc être livrée avec un colis aux couleurs d’Amazon. C’est pour le moins confusant ! 2) la marketplace qui assure la logistique possède une vue sur l’entièreté de l’activité marketplace du vendeur, quels volumes et quels produits sur quel canal de vente. C’est délicat !

S’ils exposent tous des API et des backoffices pour les vendeurs, ils ne proposent rien qui mutualise l’effort global multi-marketplaces pour un vendeur. Dans quelques cas plus rares, les retailers avancent sur le terrain de la mutualisation technologique : Zalando a fait l’acquisition de TradeByte (outil de feed management leader en Allemagne) et Anatwine (solution de délégation pour très grands comptes au UK). Cdiscount a racheté BeezUp, feed manager français. De même que pour la logistique, se pose le problème de la visibilité sur l’entièreté de l’activité marketplace. On pourrait voir une consolidation du marché par ce biais cependant.

Enfin, rien concernant le service client qui reste complètement côté vendeur. Aucune marketplace ne propose de le prendre en charge. C’est évidemment délicat et complexe car il faut une visibilité sur toute la chaîne de valeur du vendeur pour pouvoir apporter une réponse rapide et efficace.

On comprend donc qu’une solution externe complète, proposant mutualisation technologique, mutualisation logistique et mutualisation du service client fait beaucoup de sens ! De surcroît, si cette solution peut ne pas être capitalistiquement liée à un retailer, c’est mieux.

Elle prend à sa charge les investissements technologiques, et peut s’appuyer sur les meilleurs spécialistes de chaque profession, logistique et service client. Au besoin, et avec la montée en puissance des volumes, elle peut internaliser une partie de chaque métier. Chaque client (que ce soit le fournisseur, la marque ou le retailer), se voit facturer une petite partie de ces coûts, en fonction de l’intensité d’usage qui est faite.

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