LE TRAVAIL À SA JUSTE VALEUR
Il y a débat sur la manière de rémunérer un salarié, par son salaire, partie intégrante du contrat de travail et par des avantages comme les primes, la flexibilité des horaires et autres supposés répondre à des attentes des salariés. On observe depuis quelques années une intention de la part des employeurs de privilégier la partie avantages propices à plus d’ajustement d’une année à l’autre avec comme conséquence une évolution des salaires moins dynamique.
L’intérêt pour l’employeur est évident car cette partie variable offre la possibilité de distribuer la richesse créée en fonction des résultats de l’entreprise, par ailleurs soumise à l’appétit des acteurs financiers. Mais pratiquée à outrance, elle conduit à une relative stagnation des salaires et à ne plus rémunérer les salariés pour leur valeur travail.
Des exemples flagrants et récents dans le monde de la santé ou de la grande distribution, mais aussi dans bien d’autres domaines comme celui de l’éducation, viennent corroborer cette affirmation. Les salaires proposés à ces salariés, à l’embauche ou après de nombreuses années d’ancienneté sont parfois très en dessous de ceux pratiqués en Europe plaçant la France, septième économie mondiale, loin derrière des pays moins développés. Ce qui est un comble et, comme nous l’avons constaté, dramatique en période de forte inflation.
Cela revient à considérer le salaire comme un consommable soumis aux caprices des marchés et au mécanisme de l’équilibre entre l’offre et la demande par ailleurs dévoyé par les excès d’un capitalisme conquérant. Il faut se rappeler que le salaire doit permettre de rémunérer un travail à sa juste valeur, indépendamment de toutes considérations de concurrence. Il doit tenir compte des qualifications professionnelles nécessaires pour exercer une activité, de l’environnement du travail (par exemple, sécurité, disponibilité, pénibilité) et de l’apport de chaque salarié par rapport aux enjeux sociétaux et économiques de l’entreprise (lequel devient de fait acteur dans la transition écologique).
Dans mon livre « Une irrésistible envie de Beau », édité par la société des écrivains en 2013, dont un extrait est présenté à la fin de cet article, je laisse aller mon humeur, ma saine colère, pour dénoncer l’injustice qui frappe les « artisans du faire », la place excessive prise par les agents du « faire faire » et la sacralisation de leurs rôles dans une société du « paraître ».
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EXTRAIT :
Les médecins généralistes dans leurs cabinets, autrefois tant respectés, sont désormais des travailleurs de l’ombre, comme le sont nos ouvriers dans leurs usines, nos ingénieurs et techniciens dans leurs bureaux d’études, nos chercheurs dans leurs laboratoires, nos infirmières dans les hôpitaux, nos instituteurs et professeurs dans leurs salles de classe, nos artisans dans leurs ateliers, nos commerçants dans leurs boutiques, nos paysans dans leurs champs. Sans esbroufe et avec de saines convictions, ils s’occupent de notre santé, apportent du savoir à nos enfants, nous nourrissent, créent et transforment de la matière, produisent de la vraie valeur ajoutée directement contributrices de la création de richesses. Travailleurs de l’ombre par opposition à ceux désormais sous les projecteurs médiatiques, inondés de la lumière du bling bling des affaires chères à notre président, adulés comme des héros des temps modernes. Ils nous fascinent par leur réussite foudroyante, leur richesse, leur aptitude à se mettre en scène. Ils pratiquent avec aisance la communication, et font la une de nos journaux, radios et télévisions. Ils sont notamment avocats d’affaires, juristes, financiers, fiscalistes, experts en communication, en marketing, en management, auditeurs, prévisionnistes, conseillers en tous genres.
Notre société a cessé d’admirer ces travailleurs de l’ombre, elle a succombé, envoûtée par «le paraître », par la forme aux dépens du fond dans une quête du « toujours plus et du toujours plus vite » aux dépens du « mieux ». Elle a cessé d’être patiente, en refusant de donner du temps au temps, du temps simplement pour faire, méprisant les idées, les « besogneux » du faire. La place qu’elle leur accorde, la rétribution de leur travail n’ont cessé de se réduire au cours des dernières décennies au profit de ceux qui, sous la lumière, ont su prospérer et se sont enrichis en regardant faire. A la périphérie de ceux qui font.
#la papaye verte