Les affaires publiques : le talon d’Achille des Startups

Les affaires publiques : le talon d’Achille des Startups


Paris, été 2018, une entreprise américaine bouleverse les mobilités dans la capitale. Tout droit venue de San Francisco, la startup Lime révolutionne la façon de se déplacer en proposant des trottinettes électriques en libre service. Une chose est sûre, le free floating est un succès complet auprès des jeunes générations. L’entreprise dépasse les 26 millions d’euros de chiffre d’affaires en France et atteint la rentabilité au bout de 5 ans d’existence. Ce scénario est le rêve de toute startup. Mais voilà qu’en septembre 2023, les trottinettes électriques seront interdites à Paris car ce concept s’est retrouvé en opposition avec l’intérêt politique de la majorité municipale. Les concurrents de Lime subissent le même sort. Le marché est mort. Les trottinettes électriques en libre service doivent quitter la capitale.

Lorsque le monde politique s’empare d’une innovation, celle-ci est toujours sujette à débat. Les startups n’ont généralement pas la volonté ou les moyens de s’engager dans un débat public et d’influencer le monde politique. Les dark-stores littéralement chassés par la mairie de Paris en sont un autre exemple. Combien d’entreprises avant-gardistes sont devenues des cibles à abattre par des décideurs publics ? Combien d’autres business plans de startup sont morts des mêmes causes ? Gisant sur l’autel de l’action politique, et, il faut le dire, parfois politicienne.

Le monde politique peut être destructeur pour une startup mais, paradoxalement, ce même monde public peut devenir un incroyable tremplin.  Mistral AI, le champion français de l’intelligence artificielle (105 millions de dollars réunis un mois après la création de l’entreprise) a parfaitement compris que si elle voulait se développer, elle devait chercher des appuis politiques. C’est pourquoi Cédric O, ex-ministre du numérique, est devenu leur conseiller. Cela a notamment permis au directeur général de la startup d’expliquer son opinion de la réglementation européenne au Président de la République. La construction et l’entretien intelligent du réseau est la clé pour réaliser ce genre de prouesse. L’objectif est d’entrer en contact avec les bons interlocuteurs au bon moment et avec le bon discours pour désamorcer une crise ou s’ouvrir une fenêtre d’opportunité.

Si ce n’est pas encore le cas en France, aux États-Unis, l’importance d’avoir de bonnes relations publiques est actée. Outre Atlantique, le lobbying est une compétence de base des startups. Ce qu’ils ont compris, c’est qu’un décideur politique local ou national a un impact immense sur le développement -ou l’échec- d’une startup.

Mais convaincre des élus n’est pas la même affaire que de convaincre des investisseurs. Pour prouver l’intérêt social de l’entreprise, il ne suffit pas de démontrer sa rentabilité financière. Lorsque l’on s’adresse à la sphère publique, il faut savoir défendre l’intérêt général tout en maîtrisant les codes et les techniques propres au milieu politique.

Ainsi, un entrepreneur peut avoir trouvé l’idée du siècle, sa startup peut avoir été parfaitement montée, ses investisseurs pleinement convaincus, il y aura toujours ce point de vulnérabilité, cette épée de Damoclès au-dessus de lui. Comme le talon d’Achille lors du siège de Troie, les relations publiques peuvent s’avérer être un point de vulnérabilité fatal. Mais à la différence du Héros de la mythologie grecque, une startup peut transformer cette faiblesse en une force puissante par un travail patient et rigoureux en affaires publiques.

Benjamin Chkroun, 

associé chez CorioLink

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