Les cent jours : quel bilan ?

Les cent jours : quel bilan ?

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Le 17 avril 2023, près d’un mois après l’invocation de l’article 49-3 par Élisabeth Borne pour faire passer la réforme des retraites, la contestation sociale sans précédent qu’elle a provoquée ne s’est toujours pas tarie. L’accumulation de choix politiques perçus comme pernicieux ont fait durer la protestation, en témoignent l’utilisation d’un projet de loi rectificatif de la sécurité sociale, de l’article 47-1 qui limite le temps des débats au Parlement et le très attendu avis du conseil constitutionnel.


Ce 17 avril, le Président de la République a pris la parole pour tenter d’apaiser la situation. Au cours de cette interview, Emmanuel Macron a donné cent jours -soit jusqu’au 14 juillet- à sa Première ministre pour trouver une majorité et accomplir une feuille de route détaillée. À ce moment-là, cette annonce est perçue comme un sursis pour la cheffe du gouvernement avant un hypothétique remaniement.

Une feuille de route détaillée

Quelques jours après cette allocution, le 26 avril, Elisabeth Borne présente à la presse sa “feuille de route des cent jours”. Celle-ci expose des projets et propositions de loi à faire avancer, des plans gouvernementaux à présenter, les comités interministériels à réunir et les autres annonces ou communications que le gouvernement devra réaliser dans ce délai serré.


Avant de faire le bilan de la réalisation de cette feuille de route, il est nécessaire de préciser que les trois mois qui se sont écoulés depuis l’annonce du Président ont été pour le moins mouvementés. Cela a pu entraver l’action du gouvernement. Les manifestations contre la réforme des retraites ont mis du temps à s’essouffler. La proposition de loi du groupe Liot qui visait à abroger cette même réforme a cristallisé le monde politique pendant plusieurs semaines. L’attaque au couteau d’Annecy a ému la France entière avant qu’un séisme en Charente et qu’une explosion dans Paris ne viennent remplir les agendas ministériels. À partir du 27 juin, les émeutes qui ont fait suite à la mort du jeune Nahel M. ont monopolisé l’action gouvernementale, entravant toujours un peu plus la mise en œuvre de cette feuille de route.


Quelques jours avant la date fatidique du 14 juillet, Elisabeth Borne affirme dans Le Parisien avoir “délivré” la feuille de route des 100 jours. Vérifions donc cette affirmation.

Une feuille de route réalisée ? 

Les projets de loi annoncés par Elisabeth Borne sont tous réalisés ou sont en cours de réalisation. Le projet de loi pour l’accélération nucléaire a été promulgué et les projets de loi pour sécuriser l’espace numérique, pour l’industrie verte, la justice, le plein emploi et le partage de la valeur sont en commission au Parlement. La proposition de loi sur la territorialisation de la ZAN vient d’aboutir sur une CMP conclusive et la proposition de loi santé et territoires soutenue par le gouvernement est examinée en commission des affaires sociales au Sénat.

À l’exception du plan export dont l’annonce, initialement prévue le 6 juillet, à été repoussée, tous les plans gouvernementaux prévus par la feuille de route (plans mixité sociale à l’école, métiers d’art,  fraude, “Quartiers 2030” et “France ruralité”) ont été présentés.


Tous les comités interministériels prévus par la Première ministre ont eu lieu (comités interministériels du vélo, de la transformation publique, des villes, des Jeux Olympiques et Paralympiques), à l’exception des comités interministériels de la mer et des outre-mer, initialement prévus en juin et repoussés. Lors du comité interministériel des villes qui s’est tenu le 30 juin à Matignon, le volet annonce n’a pas pu être présenté à cause des émeutes.


Le calendrier des autres annonces et communications prévues par la cheffe du gouvernement a quant à lui été plus ou moins respecté. 

Si la feuille de route décarbonation des grandes filières industrielles a bien été présentée, que les annonces sur le développement durable et l’aviation ont été réalisées, la présentation des projets de stratégie nationale bas carbone, de programmation pluriannuelle de l’énergie, et la stratégie nationale pour la biodiversité se font toujours attendre, bien qu’une loi de programmation énergie-climat ait été annoncée pour l’automne.

Concernant le ministère de l’intérieur, si l’expérimentation de la “border force” aux frontières nationales a bien commencé le 1er juillet, le déploiement des premières “forces d’actions républicaines” n’est toujours pas annoncé.

Les communications sur la sobriété énergétique et sur l’usage et les économies d’eau sont respectivement réalisées et en cours de réalisation. Le point d’étape du trimestre anti-inflation a bien eu lieu et l’accélération de la stratégie IA a été réalisée. 

Cependant, l’augmentation du bonus réparation pour les objets du quotidien et le pacte d’avenir pour soutenir l'installation de nouvelles générations d’agriculteurs ont été repoussés. Contrairement aux indications de la feuille de route, les conclusions des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant n’ont pas été présentées.

La labellisation des professionnels de la rénovation énergétique par l’État et l’ANAH a été réalisée par le ministre du logement et les stratégies industrielles hydrogène et capture de carbone validées par le conseil national de l’industrie.

Pour terminer cette liste, comme promis par cette feuille de route, un accord a été trouvé avec les partenaires sociaux quant à un nouvel agenda social.

Au final, plus des deux tiers des actions annoncées sont réalisées ou en cours de réalisation. Si la feuille de route de la Première ministre n’est pas complètement réalisée, elle l’est au moins en grande partie. La réussite -ou non- de ces cent jours est donc laissée à l’appréciation du chef de l’État.

Un remaniement après le 14 juillet ? Rien n’est moins sûr


La crainte de la reprise des émeutes à l’occasion du 14 juillet impose au Président de revoir son tempo prévisionnel. À l’heure où s’achèvent les cent jours, L’Élysée a besoin de clore la séquence des émeutes avant de se pencher sur le bilan de sa Première ministre. Certains bruits de couloirs laissent à penser qu’il n’y aurait même pas de certitude quant à la tenue d’une allocution présidentielle le jour du 14 juillet. Une chose est sûre, le Président prendra la parole avant ses vacances. À ce moment-là, Emmanuel Macron annoncera s’il choisit de changer de Premier ministre et de faire un remaniement d’ampleur ou bien s’il décide de faire de simples ajustements ministériels avant les résultats des élections sénatoriales fin septembre. 







Amélie Lebreton

J'accompagne les marques et les institutions dans l’élaboration de stratégies de communication, relations publiques (presse et affaires publiques) et communication de crise. 📰

1 ans

À lire pour tirer le vrai bilan des 100 jours de la Première ministre.

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