Les biais cognitifs, raccourcis utiles ou sources d’interprétations erronées
Dobromir Hristov de Pexels

Les biais cognitifs, raccourcis utiles ou sources d’interprétations erronées

 « Vous n’avez pas le cerveau qu’on vous a donné à la naissance, vous avez le cerveau que vous avez développé ». Robin Sharma

Un biais cognitif désigne une déviation de la pensée logique et rationnelle. C’est un mécanisme psychologique inconscient, automatique et systématique qui nous affecte tous. Ces « raccourcis » sont souvent utiles dans la vie quotidienne mais peuvent être aussi à l’origine de décisions erronées.


Scène de vie. Pensez-vous que vous êtes un bon conducteur ? Dans ce sondage, vous avez le choix entre quatre réponses : dans les meilleurs – meilleur que la moyenne – moins bon que la moyenne – parmi les plus mauvais. A cette question 90% des sondés réponde qu’ils sont meilleurs que la moyenne ! Ce n’est pas rationnel. Or, ces résultats seront les mêmes si on pose la question aux chefs d’entreprise, aux enseignants, aux policiers, aux médecins,… C’est un exemple de biais d’optimisme !

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Un biais cognitif désigne une déviation de la pensée logique et rationnelle. C’est une distorsion dans le traitement cognitif d'une information. C’est une manière de tromper son cerveau. Les biais cognitifs faussent nos jugements de manière prévisible et reproductible. Connue depuis plusieurs décennies, la réalité des « biais cognitifs » a été théorisée dans les années 70 par les psychologues américains Amos Tversky et Daniel Kahneman. C’est un raccourci qui peut fausser le jugement. Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder une importance différente à des faits de même nature. Ce sont des mécanismes psychologiques inconscients, automatiques et systématiques qui nous concernent tous. Dans un monde sauvage et inconnu, les biais cognitifs amélioraient les chances de survie de nos ancêtres. Dans notre monde moderne, en période de stress, ils peuvent nous jouer des tours. En effet, nous sommes loin d’être des êtres sans affect, capables de traiter l’information de manière neutre.

La finalité des biais cognitifs

Un biais cognitif est un mécanisme de la pensée, qui nous aide à traiter la complexité du monde. Il est là pour nous faire gagner du temps. Il permet d’évaluer rapidement une situation en se fondant sur des stéréotypes, des filtres mais en provoquant peut-être des interprétations erronées. Certains biais s'expliquent par des ressources cognitives limitées : manque de temps, d’informations ou de capacités cognitives. Lorsque ces ressources sont insuffisantes pour réaliser l'analyse nécessaire à un jugement rationnel, des raccourcis cognitifs permettent de porter un jugement rapide. Fondamentalement ils aident notre cerveau à faire face à 4 situations ordinaires :

-         l’excès d’information : en filtrant un nombre incroyable d’information ;

-         le manque de sens : en permettant de reconstituer du sens en liant les informations parcellaires qui nous parviennent ;

-         l’urgence : en prenant des décisions en une fraction de seconde afin d’augmenter nos chances de survie, de sécurité ou de succès ;

-         la limitation de la mémoire : en facilitant le processus de mémorisation au profit des informations les plus importantes et les plus utiles, selon nos propres critères.

Ces réflexes cérébraux peuvent biaiser notre jugement sur le monde, sur les autres et sur nous-mêmes. Ils constituent des « raccourcis » intuitifs permettant de porter des jugements ou de prendre des décisions. Ces jugements rapides sont souvent utiles mais sont parfois à l’origine de décisions faussées.

Les principaux biais

Il existe environ 200 biais cognitifs identifiés et codifiés. Ceux-ci peuvent se manifester dans l’interprétation ou même l’évaluation d’une situation. Les principales catégories de  biais cognitifs sont les suivantes :

-         Les biais d’attention : nos perceptions sont influencées par nos propres centres d’intérêts.

-         Les biais mnésiques : ils trouvent leur origine dans le fonctionnement de la mémoire humaine. La mémoire est liée à la perception. Or on se souvient plus facilement de ce qu’on a bien perçu dans le passé : effet de primauté.

-         Les biais de jugement : c’est une distorsion que subit une information en entrant dans le système cognitif ou en en sortant : biais d’ancrage, biais de confirmation, Dunning-Kruger, effet de halo.

-         Les biais de raisonnement : notre esprit accorde trop d’importance à certaines informations et pas assez à d’autres. Nous n’avons pas toujours recours aux raisonnements logiques : biais de représentativité, effet rebond, biais de disponibilité.

-         Les biais liés à la personnalité : ils sont liés à la culture et aux habitudes de chacun. Certains biais cognitifs peuvent être directement corrélés à la personnalité des gens : biais d’optimisme, effet Barnum.

Ils sont le plus souvent efficaces pour régler les questions de la vie quotidienne. Toutefois, il arrive qu'ils nous induisent en erreur ou nous présentent une version déformée de la réalité.

Le biais de négativité : il faut 5 compliments pour équilibrer une critique !

Le biais de négativité est l’un des plus universels et des plus fréquents. Les êtres humains ont tendance à être plus affectés par une critique que par un compliment. Nous sommes plus touchés par les mauvaises nouvelles que par les bonnes. De plus, tout événement négatif est mieux enregistré dans notre mémoire qu'un événement positif. Selon Rick Hanson, neuroscientifique, ce biais est la conséquence de l’évolution humaine et animale. Notre cerveau est câblé pour repérer les dangers et les ressources. L’identification d’un danger est prioritaire par rapport à la recherche d’une ressource. En effet si vous ignorez un danger, vous pouvez mourir ! En revanche, si vous ratez un animal en chassant, vous pouvez tenter votre chance ultérieurement ! Du coup notre cerveau donne une plus grande importance aux informations négatives, qui sont donc traitées en priorité.

Si ce biais nous a aidés à survivre en tant qu’espèce, il produit des effets néfastes dans notre vie quotidienne. Il affecte en particulier la prise de décision et les risques que nous sommes prêts à prendre. Ce biais peut aussi nous amener à nous attendre au pire de la part des autres.

Effet de primauté : priorité aux premiers éléments reçus !

L'effet de primauté est lié au fonctionnement de la mémoire. C’est un biais cognitif qui permet de mieux se souvenir des informations qui ont été présentées en premier. Ce biais est lié à une tendance à oublier les informations perçues plus tard. Il ne s'agit pas d'un biais de choix mais de mémoire. En effet il affecte directement la capacité à se remémorer le souvenir en favorisant la première impression.

Un exemple concret est la mémorisation d'une longue liste de mots : l’apprenant aura plus de peine à se souvenir des mots du milieu que de ceux du début.

Ainsi, l'impression générale que l’on a de quelqu'un ou de quelque chose est plus le reflet de notre première perception, bonne ou mauvaise, que des suivantes. En réalité, ce phénomène peut influer sur l’appréciation des personnes.

Le biais de confirmation : la persévérance dans l’erreur !

Les êtres humains ont une tendance naturelle à privilégier les informations qui confortent leurs préjugés et leurs convictions. Ils ont aussi l’habitude de discréditer les hypothèses qui les contredisent. Cette tendance se traduit par une réticence à changer d’avis et peut conduire à des décisions désastreuses. Ce biais se manifeste par l’absence de vérification de la véracité des informations reçues, la mémorisation sélective et le choix de ne lire ou n’écouter que les sources d’information qui confortent leurs croyances !

Les biais de confirmation apparaissent notamment autour des questions de nature affective et concernent des opinions ou des certitudes. Par exemple, pour s'informer d'un sujet controversé, une personne pourra préférer lire des sources qui confirment son point de vue. Elle aura aussi tendance à interpréter des preuves équivoques pour appuyer sa position actuelle. 

Le biais de disponibilité : difficulté à assimiler de nouvelles informations !

Le biais de disponibilité désigne la tendance qui privilégie et surestime les informations immédiatement disponibles à notre mémoire. Ce biais peut, par exemple, amener à prendre pour fréquent un événement récent. Les personnes s'abstiennent de rechercher de nouvelles informations qui pourraient éclairer la question de manière plus rationnelle et plus objective. C'est en particulier le cas avec des évènements qui ont une forte charge émotionnelle ou qui sont en concordance avec nos croyances.

Dans le domaine du recrutement, ce biais explique le clonage. Vous avez été satisfait d'un diplômé de l’école des Mines ? Vous aurez tendance à surpondérer cette formation chez les candidats au détriment d'autres facteurs plus pertinents. C’est une solution de facilité qu'emprunte notre cerveau face à une infinité de stimuli.  Il prend alors un raccourci fondé sur les idées qui lui viennent le plus rapidement en mémoire. A cause de ce biais, les événements récents ou fréquents, imprimés dans notre mémoire ont plus d’influence sur notre décision que d’autres informations peut-être plus pertinentes.

Le biais d’optimisme : l’excès de confiance !

Le biais d’optimisme est très fréquent dans le milieu de l’entreprise, en particulier chez les entrepreneurs. C’est un biais cognitif qui amène une personne à croire qu’elle est moins exposée à un événement négatif que d’autres personnes. L’excès de confiance conduit à sous-estimer les risques, difficultés et obstacles éventuels. Quand nous entreprenons personnellement quelque chose, nous nous attendons plutôt à des événements positifs qu’à des événements négatifs. C’est un biais négatif et positif :

-         Négatif, parce que l’optimisme nous fait faire plus d’erreurs : sous-estimation du temps et des ressources nécessaires à la réussite d’un projet par exemple.

-         Positif, car en étant optimiste, on prend parfois des décisions que l’on ne prendrait pas autrement : monter une entreprise en dépit des difficultés attendues.

Le biais d’autorité : la crainte de contredire son chef

Le biais d’autorité est une tendance très courante sur le lieu de travail. Il conduit à surévaluer la valeur de l'opinion d'une personne considérée comme ayant une autorité sur un sujet donné : professeurs, supérieurs hiérarchiques, médecins, scientifiques, économistes… Nous attribuons instinctivement et inconsciemment un fort pouvoir à l’avis d’une figure d’autorité, au point de taire sa propre opinion. Nous serons naturellement influencés par sa prise de position, même si le sujet est sans rapport avec l’expertise détenue par celle-ci.

Les « experts », qu’ils soient des anciens, des spécialistes ou des autorités hiérarchiques sont nombreux à vouloir, en toute bonne foi, donner leur avis sur n’importe quel sujet. Pour eux, c’est naturel. Pourtant ce biais peut être utile. Il peut nous permettre de construire ou d’asseoir notre crédibilité en faisant appel à des experts célèbres ou des managers respectés.

Conseil du coach

Dans l'urgence, en période d'incertitude, ou submergés par un trop plein d'information, nous empruntons inconsciemment des raccourcis mentaux afin de prendre une décision. Ils sont nécessaires pour la prise de décision. Ces biais nous permettent d’évaluer rapidement une situation mais peuvent aussi parasiter aussi nos réflexions. L’enjeu consiste à identifier nos propres biais, prendre de la distance et faire preuve d’esprit critique :

-         Apprendre à se connaître et à juger avec nos propres capacités.

-         Faire une pause : évitez d’agir sous le coup d’une émotion, remettre la prise de décision ou l’action à plus tard.

-         Cultivez un doute raisonnable en restant ouvert à une information qui est contraire à nos croyances et en diversifiant vos sources d’informations ;

-         Prenez en compte tous les arguments sans se fier à une seule thèse pour se faire une opinion.


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