Les DRH face au désengagement et désenchantement des salariés

Chaque mois ou presque apporte sa moisson de sondages et d’études concernant les DRH, lesquels visent à mesurer leur état d’esprit du moment – sont-ils optimistes ou pessimistes ? – leurs priorités, leur sentiment sur la situation de l’emploi, leur adhésion ou degré de connaissance de la stratégie de leur entreprise, voire leurs difficultés dans l’exercice de leur fonction – est-elle suffisamment reconnue par les salariés et la direction ? – exercices éphémères dont les résultats se contredisent quand ils ne divergent pas.

Personne ne semble vraiment s’étonner de cette hétérogénéité des résultats, pas davantage de l’amalgame volontairement entretenu entre la notion d’étude et celle de sondage, alors que leur objet, leur méthodologie, et leur pertinence sociologique ne sont pas en rien comparables ; amalgame qui participe de la confusion généralisée, tant parmi les DRH eux-mêmes que des lecteurs qui prennent connaissance des données ainsi publiées, commentées, analysées, qu’on diffuse et partage dans la minute qui suit – instantanéité et tyrannie du numérique obligent – sans prendre le temps nécessaire du recul, de l’expression de sa propre réflexion et de son vécu professionnel.

Il existe pourtant un sujet sur lequel il semble y avoir une sorte de consensus de la plupart des DRH, tous sondages et études confondus, c’est celui de l’amer constat du désengagement des salariés – « désenchantement » diront avec justesse certains – et de l’urgence de mettre en place une politique et des actions visant à y remédier.

Plus facile à dire qu’à faire, ne serait-ce que parce que les causes du désengagement des salariés sont nombreuses, diverses, difficiles à maîtriser, centrées sur des réactions individuelles, intérieures et extérieures à l’entreprise, systémiques, et que beaucoup de Directrices et Directeurs des Ressources Humaines paraissent eux-mêmes envahis par le doute quant à leur légitimité d’une part, la portée et les limites de leur pouvoir d’intervention d’autre part.

Bien qu’ils soient des acteurs – ainsi que des témoins et observateurs – de premier plan, ne sont-ils pas d’abord et avant tout au service d’une stratégie d’entreprise et d’un environnement économique, social, et sociétal sur lesquels ils exercent peu ou prou d’influence ?

On s’oriente de plus à plus vers des pratiques permettant une approche plus collégiale de la direction d’entreprise, mais la stratégie laquelle consiste à faire des choix qui engagent l’entreprise sur le long terme demeure jusqu’à preuve du contraire l’apanage, sinon la chasse gardée, des dirigeants.

L’émergence d’une nouvelle génération de DRH dotée d’une vision globale, de nouveaux outils et comportements et de nouvelles pratiques, qui participerait activement aux décisions stratégiques au côté du chef d’entreprise ou du CODIR, et aurait à cœur de mettre en place des politiques rendant possible l’intelligence collective, parmi lesquels la capitalisation et la mise en réseau des informations et des savoirs, la mise en commun des moyens et des capacités culturelles, ainsi que des potentiels de créativité et d’imagination des collaborateurs de l’entreprise, tarde à se confirmer.

Le concept de Management Stratégique des Ressources Humaines consiste à postuler que le rôle de chaque collaborateur dans son activité professionnelle et sa vie personnelle est prépondérant et que l’intelligence collective est un facteur de croissance et d’innovation. Il est force de proposition et permet au chef d’entreprise ou au CODIR d’intégrer et de prendre en compte la dimension humaine de leurs décisions.

Rappelons que dans une Note intitulée « Des salariés engagés : Qualité du management et Performance de l’entreprise » publiée 2012, L’Institut de L’Entreprise think tank indépendant de tout mandat syndical ou politique, dont l’activité de réflexion se déploie autour de l’entreprise conçue à la fois comme organisation, comme acteur du monde économique, et comme acteur de la société, remarquait : « La baisse de la conflictualité, au cours de ces dernières années, ne correspond pas nécessairement à une amélioration du climat social. En effet, les conflits collectifs ont cessé d’être le mode d’expression privilégié du mal-être ou du mécontentement des salariés. Les réactions collectives laissent place de plus en plus à des réactions individuelles de désengagement, moins visibles mais qui peuvent être au moins aussi coûteuses pour l’entreprise. »

Il faut prendre le temps de lire attentivement cette note dans sa totalité (68 pages), c’est une étude digne de ce nom – a contrario des sondages d’opinion dont on est gratifié à longueur d’année, sans réel intérêt, qui bénéficient d’un battage médiatique – afin de prendre la mesure de la tâche immense qui attend – entre autres – les DRH. Elle liste et analyse sans concession tous les maux et causes qui affectent un nombre croissant d’entreprises, et la société dans son ensemble.

L’Institut de l’Entreprise ne pêche ni pas naïveté ni par exagération, son étude porte sur des faits et des observations faisant l’objet d’une analyse rigoureuse.  «Le degré d’engagement des salariés est largement fonction de la politique sociale menée par l’entreprise et de sa capacité à se les attacher durablement. Inversement, une politique sociale négligente peut conduire à du désengagement. Mais il s’en faut toutefois que l’entreprise soit seule responsable du comportement au travail des personnes qu’elle embauche, et notamment des jeunes. Ceux-ci arrivent dans l’entreprise en ayant été plus ou moins bien préparés à la discipline qu’impose le travail. Celle-ci se fonde en effet largement sur des données culturelles et donc sur l’éducation reçue en premier lieu de la famille, en second lieu de l’école. »

C’est dire que la problématique du désengagement des salariés dépasse largement le cadre de l’entreprise, c’est un fait de société, et qu’elle n’est pas du seul ressort et de la seule responsabilité des DRH comme on aimerait nous le faire croire. Loin s’en faut.

« Afin de rétablir sa dynamique interne et de contribuer au mieux au développement humain de ses salariés, l’entreprise doit donc s’efforcer de lutter contre ces différentes sources de désengagement : il lui faut restaurer le sens du travail bien fait, promouvoir la prise de responsabilité des salariés à tous les niveaux de son organisation, développer leur sentiment d’appartenance, renforcer les différentes formes de dialogue social. Cela passe à la fois par un engagement des dirigeants (c’est nous qui soulignons), par la mise en œuvre d’une politique valorisant le travail et par un management de proximité donnant toute sa place à la dimension humaine de l’entreprise. »

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