Les IA et le travail - pourquoi tant de haine 😡 ?

Les IA et le travail - pourquoi tant de haine 😡 ?

Il y a une semaine est paru un énième article (lien en commentaire), certes très érudit et très bien écrit, prophétisant un avenir sombre pour le travail suite aux bouleversements induits par le développement de l'Intelligence Artificielle.

Cet article fait suite à de très nombreuses études parues depuis le déploiement de l'IA générative qui prédisent à grands renforts de projections chiffrées plus ou moins fantaisistes la disparition de X% des emplois à un horizon de N années (X devant être significatif pour impressionner et attirer le lecteur, et N à la fois suffisamment proche pour faire peur et lointain pour que la prédiction n'ait pas beaucoup de valeur, rien n'étant de toutes façons plus difficile à prédire que l'avenir).

Et cela me fait réfléchir. Car en y regardant bien cela fait quand-même pas loin de 200 années et la première révolution industrielle que les métiers ont été continûment bousculés par des évolutions technologiques, ces "machines" physiques ou virtuelles qui multiplient notre capacité de travail et transforment l'homme en une sorte de "Ironman" dans la BD de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain "Le Monde Sans Fin".

Même à ma propre échelle, mon premier emploi était quand-même de faire de la R&D sur des fax 📠, objet dont mes enfants ne soupçonnent même pas qu'il ait pu exister, et alors qu'Internet et le téléphone portable se déployaient à peine (et NON !, je ne suis pas si vieux que cela 😁) !!!

Or même si la manière de travailler a évolué, si des métiers ont disparu et d'autres ont été créés, les taux de chômage dans le monde restent relativement stables. Souvent d'ailleurs on constate que les pays qui utilisent le plus les technologies prétendument destructrices d'emploi sont ceux dans lesquels le PIB par habitant est le plus important et le taux de chômage le plus faible.

Donc de même que pour la machine à vapeur, l'électricité, le téléphone, le moteur à explosion, ou l'ordinateur par le passé, à grande échelle la destruction nette massive d'emplois par l'IA est loin d'être évidente.

Bien sûr, il y a nombre de situations personnelles délicates. Bien sûr il faut accompagner le changement et les mutations en cours. Bien sûr il faut parfois amortir les chocs. Mais si l'on regarde la situation dans son ensemble, il s'agit plus de mutation que de destruction.

Et si le travail suivait globalement la loi de Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ? 

 

Mais il y a autre chose qui m'interroge avec ce débat : il s'agit de l'acceptabilité de ces innovations majeures par l'opinion.

Il semblerait en effet que certaines innovations soient rapidement bien acceptées et intégrées, quand d'autres créent de fortes inquiétudes voire du rejet, sans que cela ne soit clairement corrélé par son impact sur l'activité.

Par exemple, sur les seules trente dernières années, a-t-on mesuré l'impact de l'informatique sur le travail ? Et celui d'Internet ? Et celui de l'internet mobile ? Quand on y réfléchit un peu, les bouleversement que ces innovations ont engendré (et engendrent encore) ont été gigantesques ! Pourtant, autant que je me souvienne, il n'y avait pas eu la même quantité de réticences que ce que l'on peut observer aujourd'hui autour de l'IA et de la robotique en termes d'impact sur le travail (je ne prends pas en compte d'autres thèmes tels que la santé pour lesquels l'internet mobile a engendré nombre de prophéties alarmistes autour de la nocivité des ondes radio qui se sont avérées inexactes).

Alors, pourquoi ces différences de perception ?

J'avancerais deux hypothèses, sans aucune certitudes qu'elles soient justes, et bien sûr toute autre hypothèse sérieuse proposée en commentaire est la bienvenue 😊 :

1.      Le PC et Internet ont rapidement eu une utilité "grand public" et ont intégré les foyers en même temps que les entreprises, ce qui a certainement largement facilité leur adoption dans le monde professionnel. Alors que dans le cas des IA et des robots, leur adoption a été bien plus professionnelle que domestique jusqu'à ce jour (et l'une des grandes vertus des IA génératives est qu'elles contribuent à faire rentrer l'IA dans le quotidien des personnes)

2.     Le terme "Intelligence Artificielle" est lui-même problématique, puisqu'il associe un mot représentant l'un des aspects différentiant de l'essence humaine ("l'intelligence") avec un terme antinomique ("artificiel"). C'est par nature anxiogène puisque cela suggère l'idée que l'homme puisse être remplacé par la machine dans sa nature même. Les mots "Ordinateur" ou "Internet" n'évoquent rien de tel et sont donc naturellement bien plus acceptables.

Mais surtout, un modèle d'IA, qu'elle soit générative ou non, n'est en rien "intelligent". Il consiste le plus souvent en un modèle statistique construit à partir d'un grand nombre de points de mesure, qui s'exécute sur des machines sans aucune espèce de réflexion. Dr. Luc JULIA l'a d'ailleurs très bien expliqué dans son livre "L'Intelligence Artificielle n'existe pas". On est quand-même très loin de HAL dans "2001, l'Odyssée de l'Espace" 🤖 !

C'est pourquoi l'un des plus grands services que l'on pourrait rendre aux IA ne serait-il pas de trouver un autre terme plus représentatif de ce qu'elles sont réellement pour les désigner ?

 

Pour conclure, je ferai mienne cette phrase qu'un ami m'a glissé un jour : "plutôt que de craindre l'IA, craignons plutôt ceux qui vont l'utiliser mieux que nous !".

Ou, pour paraphraser Dr. Luc JULIA, l'IA est une boîte à outils 🛠️ formidable, très puissante, qui peut être bénéfique ou néfaste en fonction de la manière dont elle est utilisée. A nous donc de nous en emparer et de l'utiliser correctement.

 

Et si plutôt que de chercher à opposer #IA et #Travail, nous cherchions surtout à l'utiliser mieux que nos concurrents ?


PS : sur certains sujets l'IA a du bon, car c'est grâce à elle que j'ai pu illustrer ce post en quelques minutes à peine, malgré un talent de phacochère manchot en graphisme. Et bien sûr libre au lecteur de choisir qui entre le chat et le robot contrôlera le premier les Humains ! 😁.

 

#RéflexionsDuMercredi #AI #GenAI #CatsWillDominateTheWorld

Bravo Stanislas, l'idée est bien de dédramatiser l'IA et la présenter comme un atout/outil au service de la performance. Chacun ses cas d'usage et ses solutions

Stéphane Dufour

CEO | Certified Board Member | Advisory Board Member

1 mois

Stanislas de Crevoisier merci pour tes réflexions. L’humanité a toujours su profiter des innovations sur le temps long. La question est est ce que l’ai est une innovation de la même veine ou d’une autre nature Ces machines apprennent plus que l’on leur enseignent et trouve des patterns dans des dimensions plusieurs ordres de grandeur que nous. Du coup, si on leur donne le moyen d’influencer directement notre monde physique (ie sans interface humaine) cela peut devenir problématique. Mais nous leur avons déjà laissé de l’autonomie dans des domaines critiques (cf guerre Israël et Ukraine) Du coup le sujet qui me préoccupe et la vitesse à laquelle on développe les ia vs les problèmes d’alignement que l’on arrive pas à résoudre. Le potentiel est immense et nos enfants verront une progression de l’ordre de celle vécue par nos grand: parents (nos parent et nous c’était moins innovant). Aurons nous la sagesse de trouver le bon rythme ou de ne pas donner des bras et des jambes trop tôt à ces algorithmes…

Arnaud de Vasselot

Strategic Account Executive Cloud @Oracle | Helping your transition to the Cloud

1 mois

Vision inspirante ! Merci Stanislas

Laurent Cousin

Design leader / Senior Bid manager @ Elée 💻 & IJO 🌱

1 mois

Merci Stanislas pour ton article fort intéressant ! Il m'inspire 2 choses : - lorsque j'utilise TchatGPT, quasi quotidiennement désormais, je ne peux m'empêcher de rapprocher mon projet d'emploi de l'IA, qui est essentiellement d'aller plus vite dans mon travail, à la débauche d'énergie (électrique, financier, calorique) qu'il faut pour obtenir un résultat, souvent imparfait dans un premier temps. La question est : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? - la question de la confiance très très relative en le résultat fournie par un système reposant sur des calculs purement statistiques. Cette question, de mon point de vue, est fondamentale car elle réduit considérablement l'intérêt de l'IA générative. Elle nous oblige également à un devoir d'éducation envers les jeunes arrivants, toujours sur ce même thème du recul qu'il faut avoir par rapport à la réponse toute faite et apparemment prête à l'emploi fournie par la machine. - J'ai la conviction qu'il va nous falloir encore un peu de temps avant de juger des cas d'usage pertinents de cette IA dans un contexte professionnel. Ils sont très nombreux sans aucun doute mais j'espère que nous ne perdrons pas de vue leur coût écologique (j'y crois moyen ...).

Cyril Reinhard

Entrepreneur- Sales Leader & Tech Executive | AI & GenAI | Affective AI | AI specialist | Digital and Software Innovation | Expert Market Expansion | Proven Success in Expanding Markets and Elevating Partnerships

1 mois

Excellent article Stanislas de Crevoisier ! Merci d’avoir partagé cela ! Nous vivons une période surprenante ! Il va falloir se réinventer.

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