Les investissements marocains à l'étranger dans la nouvelle charte de l'investissement
Parmi les apports inédits de la nouvelle charte de l’investissement, promulguée le 9 décembre 2022, on cite la mise en place d’un dispositif de soutien spécifique destiné à encourager le développement des entreprises marocaines à l’international.
L’Instruction Générale des Opérations de Change -IGOC-, établie par l’Office des Changes, encadre les investissements marocains privés à l’étranger. Pour les personnes morales, la réglementation des opérations de change dans l’article 169 de l'IGOC exige qu’elles soient inscrites au registre de commerce et ayant au moins trois années d’activité pour pouvoir effectuer des opérations d’investissement à l’étranger dans la limite de deux cent (200) millions de dirhams par personne morale résidente et par année civile. Les investissements effectués à l’étranger doivent être en rapport avec l’activité de la personne morale résidente concernée, avoir pour objectif de consolider et de développer cette activité et ne pas porter sur des opérations de placements ou sur des biens immobiliers autres que ceux correspondant aux besoins d’exploitation des entités créées à l’étranger ou faisant partie intégrante de leur activité.
Pour encourager le développement des start up , la réglementation des opérations de change autorise les fondateurs des jeunes entreprises innovantes en nouvelles technologies, répertoriées auprès de l’Agence de Développement du Digital, disposant d’un engagement ferme de financement auprès de bailleurs de fonds étrangers, de créer des entités de droit étranger, en y apportant une partie ou la totalité de leurs parts dans lesdites jeunes entreprises.
Contrairement au caractère extensif et libéral de la réglementation vis-à-vis des investissements à l’étranger des personnes morales marocaines, l’investissement des personnes physiques à l’étranger n’est autorisé que dans la participation dans le capital des personnes morales étrangères par les salariés actifs résidents de sociétés marocaines détenues majoritairement par les sociétés étrangères destinataires de l’investissement. Autrement, la réglementation marocaine n’autorise que les investissements inclusifs par les salariés actifs d’entreprises marocaines dans le capital d’entreprises étrangères détenant directement ou indirectement 51% de ces entreprises marocaines. Les administrateurs et les membres marocains de conseils de surveillance de sociétés étrangères sont également autorisés à détenir des actions de garantie des sociétés étrangères dans lesquelles ils exercent leurs fonctions.
Si l’investissement de rendement caractérise le régime juridique des placements des personnes morales marocaines à l’étranger, les personnes physiques ne sont autorisées que pour des opérations l’investissement de consolidation.
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Le dispositif de soutien aux investissements marocains à l’étranger reste inédit et unique dans son genre dans une loi fondamentale de l’investissement au Maroc. Comme l’a expliqué le ministre chargé de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques M. Mohcine JAZOULI (Média24 du 19 février 2023), « pour la première fois, le Maroc va accompagner les entreprises marocaines qui investissent sous certaines conditions à l’international. Cela consiste à leur faciliter la tâche, leur trouver des mécanismes financiers d’accompagnement, de manière à pouvoir renforcer leur présence au Maroc par une présence à l’international ». Le ministre explique à ce propos que « parfois, il faut sortir à l’international pour pouvoir renforcer la présence au Maroc, néanmoins les investissements marocains à l’étranger soutenus ne doivent en aucun cas détruire l’emploi au Maroc, ni tout ou partie d’un secteur, car il ne s’agit pas d’aller à l’étranger produire moins cher et concurrencer ce qui est produit au Maroc ».
Le Maroc travaille depuis plus de deux décennies sur le renforcement de son leadership et cultive l’ambition de devenir un hub économique entre l’Afrique et les autres parties du monde, en capitalisant sur sa position géographique stratégique comme trait d’union entre l’Afrique et l’Europe, son ancrage africain historique, sa stabilité politique, ainsi que son savoir-faire dans un nombre de secteurs économiques clés tels les banques, les télécoms et l’industrie. Selon les statistiques de l’Office des Changes, les investissements directs marocains à l’étranger (IDME) ont atteint en 2021 le montant de 18,2 milliards de DH, soit une hausse de 10,6 milliards sur un an. Les IDME sont réalisés principalement dans les activités financières et d’assurance (2,6 milliards de DH), suivies des industries manufacturières (2,1 milliards) et des industries extractives (0,2 milliard). Les principaux pays de destination sont la France (1,4 milliard de DH), la Côte d’Ivoire (1,2 milliard), les États-Unis (0,5 milliard), l’Égypte (0,5 milliard) et le Nigeria (0,5 milliard), ce qui représente 89,5% du total du flux net des IDME en 2021. L’Afrique constitue la principale destination des investissements directs marocains à l’étranger avec une part de 58,1%, contre 58,5% en 2020 et 57,7% en 2019.
Les investissements marocains à l’étranger ont pris depuis le début des années 2000, la trajectoire d’une courbe ascendante, particulièrement en Afrique, ce qui a permis au Maroc de marquer de sa présence plusieurs secteurs stratégiques et se positionner tout naturellement comme le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le deuxième au niveau du continent. L’impact des investissements marocains en Afrique a joué un rôle amplificateur dans la défense des intérêts outre-économiques marocains à travers l’implication des plus grosses entreprises nationales publiques et privées des principaux secteurs économiques.
Dans la même lignée d’objectifs stratégiques, le dispositif de soutien spécifique aux investissements marocains à l’international institué par la nouvelle charte poursuit un double objectif. Primo, il renforce la diplomatie économique du pays et élargit son soft power et la sphère de son influence géopolitique ; secundo, il institue les mécanismes d’orientation et d’aiguillage territorial et sectoriel des investissements nationaux privés à l’étranger. Car si les investissements publics à l’étranger sont dans leur ampleur, les choix des pays de destination et les secteurs soumis au pouvoir discrétionnaire de l’État, ceux privés, sous réserve du respect de la réglementation de l’Office des Changes, ne sont soumis à aucune restriction particulière. Les nouvelles dispositions de la nouvelle charte profiteront aux investissements privés marocains à l’étranger dans la mesure où ils pourront bénéficier d’un encadrement et d’un accompagnement des services de l’État. Le soutien financier public à l’investissement, déterminé par négociation avec l’État, sera quant à lui, conditionné, d’une part aux critères d’éligibilité de montant qui sera fixé par le décret d’application, dont la publication au Bulletin Officiel est en principe prévue avant le 9 juin 2023, et d’autre part et dans une grande mesure, par sa concordance avec les intérêts économiques et politiques nationaux.