Les jours d’après, avec Éric Revel, journaliste économique et politique, éditorialiste, patron de presse

Les jours d’après, avec Éric Revel, journaliste économique et politique, éditorialiste, patron de presse

Passée la sidération et la surprise, comment réagissent nos clients et partenaires dans leur organisation ? Quels regards et analyses portent-ils sur cette période totalement inédite ? Et demain, à quoi ressembleront les jours d’après ? 

Entretien mené par Gilbert Azoulay

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La période est inédite. Comment la vivez-vous ? Et comment analysez-vous la crise que vivent les médias et la communication ?

Éric Revel : Pour ma part, je suis confiné dans le sud de la France, à Nice, où je dirige Azur TV, un groupe régional de télévision dont le président est Hervé Raynaud, qui est évidemment sur le pont en cette période de pandémie. Chaque jour, et cela a commencé bien avant cette crise, je constate que la notion de proximité revient en force. La crise sociale des Gilets jaunes nous avait déjà indiqué ce besoin fort chez nos concitoyens : les Français veulent être entendus, ils « territorialisent » aussi leurs centres d’intérêts. Cela va probablement favoriser la montée en puissance de médias locaux comme Azur TV. A l’instar de ce qui se passe dans la consommation, les gens veulent des circuits courts d’information…

Manuel Lagny : Ce qu’Éric exprime pour les médias, cette volonté de développer une proximité, existe évidemment dans la communication. La proximité, pour nous, cela signifie proposer des projets, des idées, des créations qui répondent aux besoins et à l’environnement de nos clients. Je n’ai jamais cru aux solutions sur étagères, j’ai toujours pensé que la notion anglo-saxonne d’« intelligence » est l’une des plus importantes pour les métiers de la communication. Notre valeur ajoutée réside dans la capacité à comprendre parfaitement nos clients, leur organisation, leurs produits, leur concurrence, leurs parties prenantes, pour leur proposer des stratégies et des dispositifs tout à fait adaptés.

"A l’instar de ce qui se passe dans la consommation, les Français veulent des circuits courts d’information. (...) ils veulent être entendus, ils « territorialisent » aussi leurs centres d’intérêts."

Quelles actions emblématiques mènerez-vous pour la suite ?

E.R. : Nous avions commencé avant la crise : désormais, nos nouvelles recrues auront toutes des profils multitâches et digital, elles doivent être en mesure d’assurer toute la chaine de valeur de l’information. Écrire et capter, présenter et mettre en ligne… Nous devrons être mobiles, flexibles et encore plus agiles.

M.L. : Je suis sensible à cet impératif d’agilité : nous devons penser, comprendre et, en même temps, faire. Quelle que soit la fonction que l’on occupe ! Chez Epoka, nous voulons rester dans une dynamique forte : adapter nos offres, consolider notre écosystème, conclure de nouveaux partenariats pour renforcer la promesse de valeur proposée à nos clients... Nous sommes à l’offensive ! 

"Nos nouvelles recrues auront toutes des profils multitâches et digital, elles doivent être en mesure d’assurer toute la chaine de valeur de l’information."

Éric, qu’est-ce-qui vous a particulièrement marqué dans la période que nous vivons ?

E.R. : Le retour en grâce du mot souveraineté marque un véritable changement dans le discours politique. Quand Bercy annonce que l’on va protéger les entreprises stratégiques des investisseurs étrangers, on sent le patriotisme économique reprendre le dessus. Grâce à cette crise, nous découvrons que l’on ne doit pas tout céder au capitalisme financier qui conduit aux délocalisations. Cette volonté politique est partagée dans tous les pays. Cela ne m’étonne pas vraiment. Cela converge avec la vision du général de Gaulle qui envisageait un État fort avec une planification éclairée et une trajectoire solide.

On parle beaucoup de « fake news ». Que pensez-vous de ce phénomène, voire des initiatives publiques pour lutter contre le phénomène ? 

E.R. : Le concept de "fake news" recouvre plusieurs réalités qui naviguent entre mensonges, incompréhension, mauvaise foi ou précipitation. Difficile, donc, de s’y retrouver. Cela doit sans doute imposer un peu plus de discernement aux dirigeants politiques et administratifs. Sur un plan réglementaire, il y a un trou dans la raquette : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) peut condamner des supports traditionnels mais n’est pas en mesure d’agir contre des sites qui disent n’importe quoi. On arrive d’ailleurs à ce paradoxe : un média surveillé par le CSA devient, malgré lui, un organe « officiel », considéré par nature comme peu crédible par le grand public.

"Le concept de fake news recouvre plusieurs réalités qui naviguent entre mensonges, incompréhension, mauvaise foi ou précipitation. Difficile de s’y retrouver."

M.L. : Le phénomène est alarmant et nous avons tout à craindre, demain, des « deepfake », cette technique de trucage vidéo fondée sur l’intelligence artificielle. Elle pourrait entraîner des guerres. Pourtant, la réaction face aux fausses informations ne doit pas causer de confusion des genres. L’initiative gouvernementale, vite retirée, qui consistait à répondre aux fake news en donnant une « version officielle » de la réalité, et en établissant une liste d’articles et de médias reconnus aptes à porter cette vérité, constitue, à mes yeux, une erreur manifeste. Rien ne vaut les journalistes, dans leur pluralité, pour lutter contre les fausses informations !

Avez-vous repéré des choses positives ?

E.R. : L’addition de plans Marshall, partout dans le monde, me rend très optimiste. On a vu l’efficacité d’une stratégie massive de relance après-guerre. Cela remettra en cause le leadership chinois, actuellement au sommet. L’autre sujet concerne le confinement qui a été plutôt bien suivi. Ce qui traduit un comportement responsable de tous les Français. L’union nationale, sur les balcons, chaque soir nous a rendu plus proches, plus humains. L’égalité devant la maladie démontre que nous sommes tous sur le même bateau.

M.L. : La solidarité qu’on a vue, partout, se mettre en action, est très rassurante. C’est dans ces moments de crise que se révèle le meilleur (ou le pire) de la nature humaine.

Que ferez-vous les jours d’après ?

E.R. : J’espère pouvoir rentrer à Paris pour voir ma famille dont j’ai été séparé depuis le 15 mars… Malgré notre esprit râleur, on se dit quand même qu’on était bien, avant cette crise ! Cette vie d’avant, tout le monde veut la retrouver.

M.L. : Pour ma part, puisqu’on parle de médias aujourd’hui, j’ai envie de retourner acheter les journaux chez mon kiosquier habituel. Le numérique a ses avantages, mais la sensation et l’odeur du papier qu’on tient en main offrent un plaisir incomparable ! 


Docteur en Économie, Eric Revel est journaliste, éditorialiste et patron de presse. Il a été, notamment, directeur général de LCI (en même temps que directeur-adjoint de la rédaction de TF1) et directeur général du réseau France Bleue. Il dirige aujourd'hui Azur TV, la chaine de télévision de la côte d'Azur, présidée par Hervé Raynaud. Il est également directeur de la publication de la très influente revue L'Hémicycle (www.lhemicycle.com).


Bravo Eric ! Heureuse pour toi pour ces nouveaux projets !

Laurent VIBERT

Expert en Communication de Crise & Média Training | Ex Porte-Parole des Pompiers de Paris | PDG de Nitidis Lecturer au Celsa, Sorbonne...

4 ans

Bravo Manuel Lagny et Éric Revel ! A bientôt ;)

Éric Revel

Journaliste et Économiste. Directeur de la revue l’Hemicycle. Docteur d’Etat en Finance Internationale. Ex Directeur Général de LCI et de France Bleu. Ex Président d’Azur Tv.

4 ans

Merci surtout à Manuel et Gilbert pour cet échange fructueux à trois .

Nicolas Cote

Directeur de la communication des concessions autoroutières d'Eiffage & Gérant d'Autoroute INFO

4 ans

Quel plaisir de vous lire tous les deux 👏🏼👏🏼

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