Les limites des membres des forces d'intervention : Etude de vulnérabilité

Les limites des membres des forces d'intervention : Etude de vulnérabilité

L’étude de vulnérabilité est une des composantes de la gestion des risques. Lorsque l’on parle d’étude de vulnérabilité, il s’agit habituellement d’un groupe, d’une organisation, d’un élément bâti ou d’une zone géographique. Ici il serait plus adapté de parler d’étude de vulnérabilité individuelle. (EVI)

 La connaissance de soi est un préalable essentiel à l’intégration au sein d’un collectif pour un opérateur en équipe d’intervention. Pour les unités d’élite telles que le GIGN ou le RAID, la sélection est tellement draconienne sur le plan physique et mental que la sélection se fait naturellement. Il en est autrement pour d’autres types d’unités, chez les pompiers par exemple. A chaque fois qu’un nouvel équipier intègre mon groupe, je l’invite à me suivre dès le premier jour en salle de sport. Je lui propose un défi et dans sa posture de « nouveau », il n’a pas vraiment le choix que de l’accepter s’il souhaite entrer dans le processus d’acceptation par l’ensemble du groupe.

 Le défi, inspiré des méthodes d’entrainement du CROSSFIT consiste à enchainer quatre exercices un derrière l’autre en travaillant uniquement sur son poids de corps. Rien de difficile en apparence, mais le défi consiste à réaliser le parcours quatre fois de suite, le plus rapidement possible et idéalement, plus rapidement que moi…

Cet exercice est pour moi un indicateur fantastique et je l’annonce comme une épée de Damoclès, « on est dans cette épreuve comme on est dans la vie ». C’est alors que ce révèle une somme considérable de traits particulièrement intéressant à prendre en considération. Il y a ceux qui sont dans le jeu, immédiatement prêt à relever le défi. Ceux qui vont tenter de gagner un peu de temps, de resquiller en trouvant La bonne excuse, prétextant ne pas avoir les bonnes chaussures ou une douleur musculaire soudaine. Il y a ceux qui se laissent porter, curieux, coopérants. Les menteurs m’affirmant l’avoir déjà réalisé, mais ceux là ne se mentent qu’a eux-mêmes. Un jour un des gars n’est carrément pas venu, il a refusé. Il a quitté l’équipe quelques semaines plus tard.

 La grande majorité des équipiers vient réaliser ce défi avec curiosité, envie, un soupçon de peur en se demandant à quoi s’attendre. L’épreuve commence, je réalise le parcours avec le nouvel équipier qui dans la grande majorité des cas, va aussi vite que moi sur le premier des quatre tours du parcours. Et généralement, dès le deuxième tour, les choses se compliquent. L’équipier prend alors conscience de la difficulté du parcours et va devoir faire des choix mentaux. Soit suivre le chef, et tenter de montrer qu’il est à la hauteur, soit se ménager, pour être certain d’arriver au bout. C’est là que les personnalités se révèlent. Les tricheurs dévoilent alors leur jeu, en ne faisant pas correctement les exercices, tentant de gagner quelques centimètres sous la barre de tractions, ou en comptant plus de répétitions que réellement effectuées. Les plus motivés vont tout donner, jusqu’à l’épuisement, pour ne pas perdre la face, pour ne pas décevoir ou pour en montrer, comme il est de bon ton dans les groupes assaisonnés à la testostérone. Mais les plus malins vont s’assurer eux, de réussir à finir. Prenant le temps qu’il faudra pour aller au bout. Car en effet, c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette épreuve, évaluer la capacité d’un individu à aller au bout de sa mission.

 Je ne me ménage pas, je fais en sorte de montrer à l’équipier qu’il ne faut pas s’économiser, mais c’est un piège. Dans la grande majorité des cas, l’opérateur s’épuise physiquement avant d’arriver au bout, et se doit de ralentir, de faire une pause voir d’arrêter. Encore une fois, des traits de personnalité se révèlent à se moment là. Certains s’en moquent, d’autres sont en rage contre eux-mêmes de ne pas avoir réussi, certains ne lâchent toujours pas et se remotivent le plus rapidement possible, certains trouvent des excuses, d’autres des solutions.

 L’enseignement à tirer de cette épreuve, est que la connaissance de soi est la seule certitude qui peut nous permettre de réaliser correctement notre mission. Se connaître c’est connaître ses capacités et ses limites techniques, physiques et mentales.

La connaissance de ses limites, est le garde fou, la ceinture de sécurité des intervenants de l’urgence. C’est la connaissance de soi qui permet de fixer nos limites, pour qu’au sein de collectif, dans le partage et l’abnégation, nous soyons en capacité de former une chaine dont la solidité sera celle du maillon le plus faible.

 Ainsi, l’étude de vulnérabilité individuelle est l’ensemble des actions misent en place par un opérateur dans le but de connaître ses limites techniques, physiques et mentales. La haute intensité des entrainements permet d’aller chercher en soi nos limites, de connaître les frontières à ne pas franchir, mais surtout de savoir jusqu’où nous sommes capables d’aller. Avec l’entrainement toujours et c’est ce qu’il y a de fascinant dans l’Homme, c’est que nous pouvons toujours repousser ses limites. De cette façon, il est aisé de prendre conscience que les membres des unités d’élites ne sont pas des surhommes, mais des personnels entrainés, et avec la capacité mentale de développer des qualités physiques et techniques hors normes. 

Landry RICHARD

Article extrait de l'ouvrage "Dans la tête de ceux qui nous protègent", tous droits reservés.


Landry RICHARD

Security Manager Paris 2024 - MBA management de la sécurité - Auteur - Président ONG FIRE

6 ans
Michel DH and Elena CH

CEO chez DEVELOPPEMENT HYPERBARE MARINE-TRISUB HOLDING.

6 ans

c'est peut être un préalable mais attention à l'arbre qui cache la forêt, si ce serait si facile .......

Tony C.

Ingénieur SAV chez Rubis control Genêve 🇨🇭🇨🇭🇨🇭

6 ans

Un régale à lire, j'aimerai bien faire une épreuve une fois 💪

Stéphane Suquet Lizarraga

Direction de Projets et de Transition, Coach / MBA / HEC / EOGN / IHEDN / Sorbonne / ESCE / CNAM / Apprenant Psychanalyste / Cercle K2

7 ans

J’ai hâte de l’avoir !

Julien VARINOT

Sous Directeur Adjoint Vie des Personnels chez Université de Lorraine

7 ans

Pas de place pour les bluffeurs ou les inconscients dans les pratiques extrêmes qu'elles qu'elles soient. Connaître les limites du plus faible pour connaître le rythme du groupe.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Landry RICHARD

  • Le feu aux poudres

    Le feu aux poudres

    L'expression tire son origine du XVIe siècle, on disait alors « mettre le feu aux étoupes » pour signifier « déclencher…

    1 commentaire
  • Ecoterrorisme

    Ecoterrorisme

    https://www.rse-magazine.

  • REFUS D’OBTEMPÉRER, CHOIX DE MORT

    REFUS D’OBTEMPÉRER, CHOIX DE MORT

    La nuit vient de tomber en cette fin de journée d’hiver. Nous sommes prêts à débuter un grand contrôle de police de la…

    7 commentaires
  • Effet tunnel, mythes et réalités

    Effet tunnel, mythes et réalités

    L’effet tunnel est très (trop ?) souvent évoqué lorsqu’il s’agit d’alerter les personnes ayant à gérer des situations…

    14 commentaires
  • Manager en temps de crise : le moment de la bienveillance ?

    Manager en temps de crise : le moment de la bienveillance ?

    Après une année particulièrement difficile où il a fallu se réorganiser, apprendre et se réinventer dans un télétravail…

    1 commentaire
  • L'adulte surdoué : manipulations des couples managériaux et dans la vie

    L'adulte surdoué : manipulations des couples managériaux et dans la vie

    L’adulte surdoué est vu comme quelqu’un de différent des autres sans pour autant que le sens commun puisse définir avec…

    3 commentaires
  • Le pire n'est pas certain

    Le pire n'est pas certain

    Dans quelques jours, le Lieutenant Cyrille Morel, l’Adjudant Rémi Dupuis et le Brigadier Arno Mavel redeviendront des…

    5 commentaires
  • L’évaluation, de l'art de sublimer à injonction de médiocrité

    L’évaluation, de l'art de sublimer à injonction de médiocrité

    Lorsqu’il est temps d’évaluer nos collaborateurs, nos stagiaires ou nos élèves, arrive ce moment terrible de devoir…

    1 commentaire
  • Comprendre l'engagement

    Comprendre l'engagement

    « La grandeur d’un métier est peut-être avant tout d’unir les hommes. Il n’est qu’un luxe véritable et c’est celui des…

  • "Dites à mes enfants que je les aime"

    "Dites à mes enfants que je les aime"

    Ce sont les derniers mots qu’a prononcé Simone Barreto Silva, qui a lutté jusqu’au bout pour survivre. Il est presque…

    1 commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets