Les manifs étudiantes des 70's

Les manifs étudiantes des 70's

Je suis de la génération qui est entrée au lycée après Mai 68. En 1972 mon BEPC en poche, j’ai rejoint le lycée de Presles à Cusset. Un magnifique campus verdoyant.

Scientifiques et littéraires occupaient la partie partie haute du lycée, mes salles de cours étaient situées dans la partie basse. L’Etat avait investi massivement dans la formation professionnelle et des ateliers flambants neufs, équipés de tours, de fraiseuses et de rectifieuses permettaient aux jeunes n’ayant pas trop brillé dans leurs études à l’école primaire ou au collège d’apprendre les métiers de la métallurgie. Bien que rattaché au lycée technique, j’avais l’ambition de poursuivre des études d’ingénieur et malgré mon vif intérêt pour les sciences dures (maths, physiques)  je trouvais très bien d’être aux prises de la matière, les mains dans le suif, dans les jolis rubans de copeaux métalliques, et dans le bruit des machines.

Au mois de Mai, le campus était d’un vert intense. Alors que l’absence de certains professeurs  nous encourageait à fêter ces absences en ouvrant nos cahiers et  livres de cours dans l’herbe, mes camarades et moi savions qu’une grève d’étudiants était en route et qu’elle toucherait peut-être notre lycée.

Quelques jours plus tard , nous  avons vu une masse de gens se rassembler sous un portique de gymnastique. Un élève de Terminale, en blouse bleue avec dans son dos,  un TG3 (Terminale G3) était peint. Le garçon avait gravi la moitié de l’échelle et, muni d’une balise du terrain de foot en guise de porte-voix,  il nous invitait à ne pas aller en cours.

“On y était donc”. Beaucoup de mes amis étaient excités par l’événement, surtout par l’idée de pouvoir prolonger les parties de baby. J’avais 14 ans et j’étais très influençable, et  j’ai donc suivi le mouvement. Je ne trouvais pas si mal l’idée d’avoir plus de vacances et de pouvoir sécher les cours qui m’ennuyaient en toute impunité, car 90% des lycéens étaient d’accord pour faire grève.

Je regardais avec une certaine admiration cet ancien ( Effectivement…un Terminale! ) affronter l’autorité (notamment le censeur du lycée qui était terrifiant) sans crainte, avec un certain panache.

La première chose qui m’a frappé, dans ce “sitting” (on nous invitait à nous asseoir pour écouter ce nouvel évangile), c’est que ces agitateurs parlaient un langage bizarre, fait de phrases toutes faites avec certains mots que je ne connaissais pas mais qu’il me faudrait apprendre pour comprendre de quoi il s’agissait.

Trois ou quatre “orateurs” se sont succédés.  La deuxième chose assez étonnante, c’est que l’assistance répondait par des applaudissements (bien)   ou des onomatopées du type “Ouhhhh”  (pas bien).

Et ce type d’échange semblait satisfaire les orateurs. Puis dans l’assistance un élève a demandé le porte-voix. Un des orateurs lui a tendu le “mégaphone sans pile”, et l’élève a commencé par annoncer que la proximité du bac ne lui permettait pas de participer autant qu’il l’aurait souhaité à ces manifestations. Les “ouhhh” se faisaient de plus en plus plus bruyants. L’élève a attendu l’accalmie, et a commencé à émettre des doutes sur l’organisation du collectif. J’ai alors vu les autres “orateurs” mener l’orchestre des “ouhh”. Puis l’un d’eux a arraché le mégaphone à cet élève qui n’a pas pu justifier son point de vue.

Le geste m’a un peu choqué, mais tout le monde semblait d’accord sur le fait qu’il n’ait pas droit à la parole car il compromettait nos heures de bulle.

Le coup de grâce, pour moi, est arrivé 10 minutes plus tard. Un des orateurs, une espèce de sosie de Jim Morrisson (physique qui plaisait aux filles) , a commencé une harangue assez violente et visiblement passionnée. J’étais comme hypnotisé par le talent de l’ “acteur”.  Je me suis rapproché pour mieux l’écouter, pour mieux le voir aussi. Sa belle voix enveloppait son discours. Il savait ménager les silences et les applaudissements.

Nous avions un Che Guevara dans notre lycée.

Séduit, je me suis rapproché encore jusqu’au point de pouvoir observer le blanc de ses yeux , et ses pupilles dilatées. Le type était en train de jouir des effets qu’il produisait sur la petite foule massée devant lui et buvant ses paroles. La stupéfaction, la sidération m’ont envahi. Je découvrais l’extrême-gauche.

J'ai vécu à peu près la même chose à la même époque. Je me souviens des sittings devant le rectorat, etc... la langue de bois des "orateurs" auto programmés. La reconduction du mouvement soumise à l'approbation de l'assemblée des élèves à main levée. Un gars a eu le cran de se lever de dire qu'il n'était pas d'accord car il était pour l'ordre et la discipline. Deux mots impensables dans le contexte d'alors. On pourrait même dire d'aujourd'hui.... 🤐 ( bien sur il a été sifflé...)

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets