Les privatisations ne suffiront pas à financer l'innovation dans l'industrie.
Le gouvernement va opérer des privatisations partielles pour financer l’innovation. Les recettes attendues participeront à 1 %, seulement, de l’effort nécessaire pour réaliser notre révolution industrielle.
Le gouvernement a annoncé sa volonté d’opérer des privatisations partielles, afin de dégager des recettes de 10 milliards d’euros qui seraient affectées à un fonds pour financer des initiatives dans l’innovation. Le ministre de l’Economie semble compter sur un flux annuel de l’ordre de 300 à 400 millions d’euros. Comment comprendre ces initiatives ?
Le monde est plongé depuis une trentaine d’années dans une nouvelle révolution industrielle, dont la technologie maîtresse, conduisant à la transformation accélérée des systèmes de production et distribution des biens et services, est l’informatique.
Comme pour les révolutions industrielles précédentes fondées sur la vapeur et l’électricité, la transformation de notre industrie s’annonce profonde : est désormais industriel tout ce qui fonctionne à base de processus normés et informatisés. La banque, l’assurance, la logistique ou la publicité sur Internet sont des activités industrielles. Pour suivre cette transformation à l’oeuvre, la France doit accélérer son effort d’innovation, notamment dans l’économie productive. La BPI est déjà très active dans le financement des entreprises et des start-up qui essaient de s’adapter. Il s’agit d’aller plus loin dans cette direction.
Trois ingrédients nécessaires
La question est de savoir si l’initiative annoncée par le gouvernement est majeure ou s’il s’agit d’une goutte d’eau supplémentaire dans une politique qui n’a pas la masse critique.
Alors que l’Allemagne dégage des excédents extérieurs indécents, la France s’enfonce dans le déficit de ses échanges de produits manufacturés. La lourde voiture française, lestée d’une dépense publique gigantesque (56 points de PIB de dépense publique, dont 33 % de PIB de protection sociale en 2017), a un petit moteur industriel qui peine à exporter. Il s’agit donc de développer massivement notre système productif en renforçant les entreprises actuelles et en doublant le nombre d’ETI, disons de 4.600 actuellement à plus de 9.000 en cinq à sept ans.
Nous avons pour cela besoin de trois ingrédients : 1. une épargne longue investie dans l’appareil de production ; 2. une révolution éducative augmentant rapidement les compétences de la jeunesse et de la force de travail actuelle ; 3. une très nette accélération de l’effort d’investissement et de robotisation de notre appareil de production.
Pour se concentrer sur la modernisation de notre appareil de production, il faut être capable de porter rapidement l’épargne longue investie annuellement dans l’appareil de production de 15-20 milliards d’euros à 45-50 milliards d’euros (2 % du PIB français). Ceci s’opère dans les pays comparables par des fonds de pension recueillant chaque année environ 3 % du PIB de cotisations investies aux deux tiers à un horizon de quinze à vingt ans. En France, l’assurance-vie est investie à huit ans et le reste de notre épargne est essentiellement liquide.
Une goutte d’eau
La politique annoncée de cessions de participations publiques devrait dégager des flux de financement de l’ordre de 1 % de ce qui est nécessaire (400 millions au lieu de 40 milliards d’euros annuels). ça n’est donc qu’une goutte d’eau dans un lac de besoins de financement productifs qui reste asséché.
Cette politique doit s’inscrire dans une ambitieuse réforme des retraites, avec création de fonds de pension en urgence, pour ne pas risquer d’apparaître comme cyniquement décalée par rapport aux besoins réels. La réforme de nos systèmes de formation initiale et continue doit être massive. La robotisation de la production, le développement des plates-formes numériques et l’investissement dans l’intelligence artificielle sont des nécessités vitales face à la NRI2.
Bref, le président et le gouvernement parlent bien, mais ils sont tellement loin des mesures qu’il faudrait prendre que je me contenterai de conclure poliment : peut et doit mieux faire !