Les réseaux sociaux, entre désamour et passion
Depuis la création de Facebook en 2004, les réseaux sociaux se sont non seulement imposés dans nos existences personnelles mais aussi dans les stratégies de communication des plus grandes institutions jusqu'à devenir un média à part entière. Que ce soit sur Facebook, LinkedIn, Instagram ou Snapchat, rares sont ceux qui n'ont pas encore créé un profil. Mais ces plateformes addictives sont aussi sources de critiques sur le plan de la protection de la vie privée ou encore de la santé. On leur reproche notamment de favoriser l'anxiété et la dépression des plus jeunes, population chez laquelle les chiffres ont bondi de 70% en 25 ans selon les résultats d'une étude de la Royal Society for Public Health. Entre méfiance et adoration, ils sont devenus l'un des grands paradoxes du monde moderne.
Chronique d'un succès annoncé
Avec l'émergence d'internet et la transformation digitale qui en a découlé, la diffusion de l'information a largement évolué. Alors qu'elle était l'apanage de canaux institutionnalisés (presse, radio, TV…), l'apparition des blogs, forums et autres sites web ont permis à des anonymes disposant de peu de moyens techniques, de prendre la parole sur des sujets de société. Le phénomène s'est ensuite accentué avec le développement des plateformes sociales : Facebook, Youtube, Twitter ou encore Instagram pour ne citer qu'eux, ont bouleversé les codes de la diffusion d'information en prenant parfois le pas sur les médias classiques. Le succès de ces nouveaux modes de communication est simple : ils se construisent en opposition avec l'image verticalisée et politisée des médias traditionnels, ils s'arrogent ainsi un profil authentique auquel les internautes font confiance. En effet, alors que les grandes entreprises ou institutions souffrent aujourd'hui d'un déficit d'image comme en témoigne le baromètre de la confiance du CEVIPOF, les réseaux sociaux semblent être un lieu d'échange plus ouvert et transparent.
Autre élément qui perturbe les grandes organisations, elles n'ont plus le monopole de l'information les concernant. Tout un chacun peut prendre la parole sur les sujets de son choix et donner son opinion sur une entreprise, un phénomène de société ou un service. Ces anonymes, qui ne le sont plus tellement, sont ce qu'on appelle "influenceurs", et agissent comme des prescripteurs de tendance. Par exemple, nombreux sont les "youtubeurs" qui donnent leur point de vue sur un produit qu'ils ont testé, une publicité dont les marques se seraient parfois bien passées. Les institutions traditionnelles ont donc dû se diversifier, apprendre les codes de ces nouveaux médias et les intégrer à leurs stratégies pour ne pas se laisser submerger. C'est d'ailleurs ainsi que Frédéric Fougerat présente la stratégie de communication d'Elior dans Les Echos :
"La seule communication corporate descendante n’est plus suffisante aujourd’hui, pour se différencier. Elle est même souvent ennuyante."
Une composante à part entière des stratégies de communication
L'authenticité est rapidement devenu factice. Les fameux influenceurs dont nous avons parlé plus haut ne sont plus des anonymes. Ils ont rapidement compris le potentiel économique des réseaux sociaux et profitent de leur influence pour se faire la voix de courants de pensées, tendances, produits… Si ces prises de position peuvent être spontanées, comme en témoignent les influenceurs féministes ou qui promeuvent le bio, elles peuvent aussi être monétisées. Nombreuses sont les stars des réseaux sociaux qui signent des partenariats pour faire la promotion de tel ou tel produit, service etc… et sont rémunérées pour cela. Un système gagnant-gagnant qui permet aux entreprises d'être valorisées de manière détournée et aux influenceurs d'enrichir leurs réseaux sociaux, on pense aux événements exclusivement dédiés aux blogueurs par exemple. Certains profils ne sont d'ailleurs créés que dans ce but, faire de la personne une référence attractive pour les marques. Cette action de faire de soi un produit via les réseaux sociaux a un nom, il s'agit du "personal branding". Finalement, les marques ne communiquent plus seulement via les canaux classiques mais exploitent le capital confiance dont bénéficient les influenceurs pour faire leur promotion. Désormais, les budgets communication des grandes entreprises comme des plus petites comptent des lignes dédiées à la sponsorisation, l'achat de likes ou de listes d'abonnés etc… cela est même devenu une expertise : le community management.
Bien que de plus en plus dénoncées et réglementées, ces pratiques sont aujourd'hui un incontournable pour les marques.
Comment retrouver cette authenticité ?
Il convient tout d'abord d'apporter quelques précisions : en premier lieu, les internautes connaissent les règles du jeu. Aujourd'hui, ils savent pertinemment que ce compte qu'ils suivent, que cette personne dont ils likent les stories sont souvent payées pour faire la promotion des produits ou événements dont ils parlent. De plus, le fait d'être rémunéré pour promouvoir quelque chose ne fait pas de tous les influenceurs des "vendus", au contraire, la plupart d'entre eux font preuve d'une grande transparence sur les raisons qui leur ont fait accepter tel ou tel partenariat qu'elles soient morales, éthiques ou autres. Cette transparence sur les partenariats et les raisons qui poussent à les accepter est d'ailleurs une condition sine qua non pour que le lien de confiance demeure. A ce sujet, je vous conseille la vidéo de Maud Bettina-Marie.
Néanmoins, de nombreux articles alertent sur les effets de cette promotion permanente sur les réseaux sociaux qui donne parfois l'impression d'évoluer dans une publicité. Instagram ou Snapchat, par exemple, seraient les plus néfastes pour la santé des jeunes selon une étude de la Royal Society for Public Health car basés sur l'image et non sur le contenu.
«Les médias sociaux sont devenus un espace dans lequel nous formons et construisons des relations, nous sculptons l’identité de soi, nous nous exprimons, et nous apprenons à propos du monde qui nous entoure"
Shirley Cramer, présidente de la RSPH.
Mais les résultats ne sont pas forcément négatifs. En effet, la force des réseaux sociaux est aussi d'offrir un terrain d'expression pour des sujets parfois difficiles à aborder tels que l'homosexualité ou le harcèlement scolaire. Paradoxalement, ils offrent donc un soutien émotionnel et permettent aux professionnels d'identifier des profils marginalisés et d'intervenir auprès d'eux à travers des campagnes de sensibilisation. Pour conclure sur une note plus légère, la promotion de la perfection nourrit aussi une forme d'autodérision. On assiste à un phénomène de déconstruction des modèles avec des stars qui posent #nomakeup, des mamans qui évoquent sans filtre leur quotidien de galère, des créatifs qui détournent les codes classiques ex : cette instagrameuse qui parodie les selfies de voyage.
Parmi les innombrables questions que posent les réseaux sociaux (et qu'il est évidemment impossible de traiter en un article), celui que j'ai cherché à souligner ici est celui de la confiance. Perdus entre des communications d'entreprise policées et "trahis" par des réseaux sociaux à l'image certes plus instantanée et empathique mais pas authentiques pour autant, les internautes ne savent plus à qui se fier d'où ce paradoxe et ce phénomène de rejet que l'on peut observer aujourd'hui, même de la part d'anciens adeptes. Les réseaux sociaux sont d'ailleurs pointés du doigts pour être les premiers générateurs et relais de "fake news" ce qui tend à les décrédibiliser. Il s'agit finalement de la partie émergée de l'iceberg. Le vrai paradoxe concernant surtout l'accès à l'information qui, n'ayant jamais été aussi pléthorique n'a également jamais été si peu fiable mais ça c'est un autre sujet…
Signé : Une inconditionnelle d'Instagram
Head of Communications / SMA Conseil & Coaching, ICF Member
7 ansvery interesting, thanks Agathe Ducellier
Conseil Dirigeants I Board Member I Expertise Risk Management, Data AI, ESG
7 ansBravo Agathe, très bel article.
Group Tax Manager chez Europ Assistance
7 ansMuhahaha la photo choisie est excellente et laisse présager du contenu! Je lis cela avec attention ce soir