"Les start-up de la viande cellulaire craignent une procédure trop longue pour obtenir un feu vert en Europe"

02.07.2024 - 16:48 - Propos recueillis par Cyril Bonnel - Foodtech - Interviews

pour Agra Innovation

Katia Merten-Lentz (Food Law Science & Partners) : « Les start-up de la viande cellulaire craignent une procédure trop longue pour obtenir un feu vert en Europe » | Agra Innovation

Le développement des sociétés actives dans le secteur de la viande cellulaire, s’il connaît quelques avancées, reste toutefois ralenti en Europe, puisqu’aucune société n’a déposé de demande d’autorisation sur le marché. En cause : la crainte d’être confronté à une procédure trop longue, et donc couteuse, mais aussi l’attitude peu constructive de certains Etats Membres sur la question. Ces jeunes sociétés, dont les actionnaires sont impatients de voir les premiers fruits de leurs investissements, se tournent alors vers des pays dont les autorités sanitaires travaillent de façon participative, comme à Singapour et au Royaume-Uni. Le point sur cette question avec Katia Merten-Lentz, fondatrice de Food Law Science & Partners (cabinet international spécialiste de l’innovation européenne dans le domaine de l’alimentation humaine et animale) et avocate aux barreaux de Paris et Bruxelles.

Pourquoi les start-up de la viande cellulaire ne déposent-elles pas de dossier d’autorisation de commercialisation auprès de l’Efsa ?

On constate, en effet, qu’aucune société développant de la viande cellulaire, européenne ou pas, n’a encore demandé d’autorisation de commercialisation dans l’Union européenne. Les raisons en sont multiples, mais on peut penser que ces sociétés craignent d’être confrontées à une procédure trop longue auprès de l’Efsa, qui peut mettre plus de deux ans avant de donner son avis. C’est beaucoup de temps, d’énergie et de moyens financiers pour une start-up dont les moyens sont parfois limités et qui doit concentrer ses efforts sur une mise sur le marché la plus rapide possible. Et il y a aussi l’attitude de certains Etats Membres qui peuvent se montrer réticents, comme cela a été le cas, récemment, avec l’Italie. Cela ne crée pas forcément une ambiance très favorable à une démarche auprès de l’Efsa.

Faut-il en déduire que l’Europe va prendre du retard sur le marché de la viande cellulaire ?

Il est vrai que d’autres pays commencent à donner des feux verts, et que tant qu’il n’y a pas de dossier déposé en Europe, il ne se passera rien sur ce marché. Toutefois, si l’Efsa se montre très exigeante, c’est parce qu’elle veut s’assurer que les produits autorisés sont totalement sains pour les consommateurs. Et il faut rappeler qu’il reste toujours possible de produire en Europe, mais exclusivement pour exporter vers les pays où les produits de viande cellulaire sont autorisés.

Lire aussi : Quel avenir pour la viande cultivée en Europe ?

Vous conseillez, aujourd’hui, entre autres start-up, Vital Meat, qui développe en France des produits de viande cellulaire. Pourquoi cette société, comme d’autres, ont-elles choisi de déposer des dossiers d’autorisation, d’abord, à Singapour et au Royaume-Uni ?

Les autorités sanitaires de Singapour et du Royaume-Uni échangent énormément avec les requérants tout au long de l’instruction du dossier, ce qui est plus efficace pour les deux parties, et constitue un gain de temps très appréciable. Cette façon de travailler de façon participative est donc très différente de ce que fait l’Efsa. Par ailleurs, Singapour a déjà délivré deux autorisations de commercialisation, ce pays connaît donc ces produits. C’est pourquoi, les délais d’obtention d’une autorisation sont plus courts : de l’ordre de 6 à 9 mois, tant du côté singapourien que britannique.

Mais ces marchés sont de taille limitée. Quel est donc l’intérêt ?

En travaillant avec ces deux pays, les start-up font un peu leur « galop d’essai », les procédures étant très techniques et complexes. Cela leur permet de rassembler des résultats d’études solides et de renforcer le dossier en vue d’autres demandes d’autorisation. C’est donc très positif, y compris pour la société qui pourra rapidement diffuser ses produits auprès des professionnels et des consommateurs.

Pourquoi les start-up ne soumettent -elles pas, ou plus systématiquement, de demande d’autorisation aux Etats-Unis ?

Les Etats-Unis représentent, certes, un très grand marché, mais très concurrentiel, et l’instruction d’un dossier auprès de la FDA pour obtenir le statut GRAS est extrêmement couteuse en raison du recours quasi obligatoire à des avocats américains. Or ils ont l’habitude de facturer des honoraires de résultats, calculées en fonction du potentiel commercial du produit, ce que nous ne faisons pas. Nous facturons nos prestations exclusivement en fonction du temps passé, quelle que soit l’agence sanitaire sollicitée.



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