L'Etat doit reprendre sa place
Comme tout citoyen je respecte infiniment la parole du chef de l'Etat qui est le garant de nos institutions, et de la paix de notre société. Cependant je ne peux pas ne pas réagir à l'argument, utilisé aujourd'hui, selon lequel 40 ans d'aménagement du territoire et d'urbanisme ne seraient qu'un lourd passif et l'explication du malaise de nos concitoyens habitants hors des métropoles.
Le XXème siècle a connu trois grands bouleversements liés aux deux conflits mondiaux et à la décolonisation. leur point commun est la forte crise du logement notamment dénoncée par l'abbé Pierre. Logements insalubres dans les centres villes, bidonvilles en périphérie, cités construites en urgence avec des matériaux de fortune qui ont accueilli des populations fragiles et marginalisées et ce pendant plusieurs décennies.
A titre d'exemple et à l’occasion de la destruction de deux tours HLM sur la rive droite de Bordeaux dans les années 90 l'association la Mémoire de Bordeaux présidée par Jacques Chaban-Delmas a pu recueillir les témoignages des habitants qui ont rappelé le bonheur qui avait été le leur dans les années 60 d'habiter un grand appartement lumineux avec une vraie cuisine et une salle de bain. Ces populations quittaient à l'époque un centre ville déstructuré par un habitat indigne et insalubre et des quartiers régulièrement inondés.Ce bonheur a duré de très nombreuses années et l'échec de ces cités est du essentiellement à l'absurde politique de peuplement qui a conduit à la constitution de ghettos.
En fait la construction massive de logements sociaux était indispensable face au mal logement et a répondu à un besoin réel. Elle n'est absolument pour rien dans la dérive de quartiers laissés à l'abandon et réservés aux plus démunis et aux immigrés. Aujourd'hui les pouvoirs publics doivent impérativement construire plus de logements sociaux et veiller à une indispensable mixité sociale en évitant leur concentration dans les quartiers déjà stigmatisés et en faisant supporter l'effort par toutes les communes. En fait, à mon sens, il faut éviter les ruptures et agir dans la continuité.
Dans ce contexte et au cours des années 60 le développement des banlieues et des villes à la campagne correspondait à une forte aspiration de nos concitoyens qui, après avoir subi l'indigence des l'habitat en centre ville et le bonheur des logements sociaux, aspiraient à parachever ce parcours résidentiel par l'acquisition d'un pavillon avec un jardin.
Cela choque surement nos contemporains et grands donneurs de leçons qui n'analysent pas les évolutions de notre société sur le long terme et se contentent de critiquer ce qu'ils ont sous le nez. N'en déplaise à ces privilégiés qui habitent dans des centres villes bien desservis par les transports en commun et doté des tous les services publics, des activités culturelles et des commerces de proximité, les français dans la deuxième moitié du XXème siècle aspiraient à la réussite sociale qui se concrétisait, à l'époque, par l'acquisition d'une maison loin du bruit de la ville et l'achat d'un voir de deux véhicules.
Ce modèle tant décrié aujourd'hui, souvent par manque de culture historique, a symbolisé l'ascenseur social pendant plus de 40 ans. C'est trop facile et injuste de le présenter comme une erreur parce que le prix des carburants a augmenté et ce depuis le conflit de 1973 entre Israël et les pays du Moyen Orient.
Il n'empêche que la désertification d'une grande partie de notre territoire, la concentration de la population dans les grandes métropoles constituent un défi aussi important que celui qui s'imposait après la seconde guerre mondiale et résumé par cette célèbre formule: Paris et le désert français.
Cela n'est pas facile. Cela passe par le retour à un vrai aménagement du territoire s'appuyant sur un Etat qui doit retrouver son rôle de régulateur et de garant des équilibres. La décentralisation doit être rééquilibrée par la reconstruction d'un Etat fort qui est le seul qui peut, comme par le passé , agir pour le bien de tous .
Enfin et dans un premier temps il est urgent d'arrêter une politique qui favorise uniquement le mouvement métropolitain qui met fin à notre système de répartition équitable et juste des richesses entre tous les départements.
Préservons tous ensemble, dans un dialogue et une écoute renouvelés, notre modèle français qui doit certes évoluer mais certainement pas disparaître au gré de la mondialisation au profit du modèle anglo-saxon.
Gilles SERVANTON
Directeur départemental des territoires du Bas-Rhin
6 ansN'en déplaise à Gilles il me paraît nécessaire de rappeler quelques éléments chiffrés sur notre mode d'occupation de l'espace, produits par l'institut Eurostat. Chaque français avec sa maison, ses routes, ses équipements et ses centres commerciaux, etc, occupe 445 m2 au sol, soit 1,9 fois plus qu' en Grande-Bretagne et 1,4 fois plus qu' en Allemagne. Nous sommes les européens qui avons le mode d'occupation de l'espace qui ressemble le plus à celui des États-Unis ce qui implique qu' un grand nombre de français sont tributaires de l'automobile pour tous leurs déplacements et se retrouvent pris au piège quand les prix des carburants augmentent. Donc oui l'étalement urbain est bien un des facteurs explicatifs du mouvement des gilets jaunes, même si ce n'est pas le seul. Pour moi la lutte contre l'étalement urbain ne signifie pas mort des campagnes mais un autre mode d'habiter les espaces ruraux, en reinvestissant les centres bourgs aujourd'hui trop souvent délaissés au profit de lotissements excentrés. En effet notre développement urbain par la voie du lotissement génère une triple peine : des coûts élevés de déplacement pour leurs habitants, des coûts d'entretien élevés pour les collectivités et des coûts élevés de traiteme
Associé unique "ACF Occitanie BTP", Cabinet conseil en Santé Sécurité au travail Responsable prévention chez FONDEVILLE
6 ansBonjour Gilles et bonjour à Maria, Depuis Port-Vendres, je lis avec intérêt tes chroniques qui sont comme à ton habitude très documentées, objectives et ont le mérite d'être claires et compréhensibles par le plus grand nombre. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui de l'expression de ceux qui nous gouvernent, comme d'ailleurs de ceux qui portent le gilet jaune... Je pense pour ma part que notre cher pays est chargé de trop lourds fardeaux empilés les uns sur les autres au cours de son histoire pour être compétitif dans la dure loi qu'impose la mondialisation et même l'européisation : En effet, notre pays détient le triste record européen d'imposition (Impôts et charges) au taux de 48,4% du PIB alors que de là ou tu nous adresses tes articles, ce même taux n'est que de 34,5% Une différence de poids notable qui n'est rien si on se projette dans les pays émergeants ou le taux atteints comme en Indes entre 6 et 7%. A cela s'ajoute un déficit croissant de nos échanges commerciaux 15 Milliards au 3 eme trimestre 2018 et un déficit budgétaire de 100 Milliards alors que le gouvernement s'est engagé à l'équilibre. Bref, la situation de notre beau pays dont la générosité envers les plus démunis, en rend le nombre plus important chaque jour, La disparition de la classe moyenne qui voit chaque jour fondre comme neige au soleil les acquis que son travail et celui de ses parents et grands parents leur avait permis d'acquérir, l'ascenseur social qui est en panne, générant avec sa stagnation que de la frustration chez les jeunes générations et les retraités à qui il est dit qu'ils n'ont pas à se plaindre puisqu'ils ont eu la chance de travailler toute leur vie ... Travailler toute une vie ! Oui pour vivre, amener ses enfants à obtenir une meilleure situation que celle qu'ils ont connue, mais travailler également pour payer des impôts, accroitre la richesse du pays, lui donner des infrastructures routières et ferroviaires, bref lui donner tout ce qui est aujourd'hui, faute de moyens, abandonné. Décidemment ce cours constat n'est pas très optimiste et je m'en excuse mais même si la priorité est donnée à la survie de notre planète, elle doit être également de permettre à nos enfants et petits enfants de ne pas être contraints de subir la dégradation de notre société et l'anéantissement de l'héritage national laissé par leurs parents. Olivier Caplanne
cheffe de l'UDAP de la Seine-Saint-Denis ABF
6 ansMerci pour cet article. Je suis entièrement d'accord avec vous. Sauf que la poursuite de la production de logements sociaux et la reconstruction d'un Etat fort ne sont hélas pas dans l'air du temps... Pour reprendre les mots d'Edmond Hervé et de Nathalie Appere maires de Rennes : pour une décentralisation forte, il faut une déconcentration forte. Mais on ne reconstruira pas ce que 15 ans de politiques publiques ont déstructuré. Il va falloir faire autrement. Mais comment? Ensuite, lenjeu est de réhabiliter l'image du logement social et lorsque vous affirmez qu'il faut faire supporter l'effort de production par toutes les communes... malgré l'article 55 de la loi SRU sauvé à plusieurs fois, c'est tristement loin d'être gagné d'avance... Enfin, en ce qui concerne le rêve du pavillon autour duquel on tourne autour, futures copro dégradées à l'horizontale, cela a été largement porté par les politiques de l'Etat, le lobby des lotisseurs et des géomètres. Et en amont, l'Etat en porte l'erreur en n'ayant pas suspendu la mise en vigueur de PLU délirants, d'avoir construit les rocades des rocades. Bref, un livre reste à écrire! En Italie, il n'y a pas de lotissement avec maisons à 3 sous. Il y a une culture du logement urbain et collectif.
Directrice Générale Adjointe chez Territoire habitat
6 ansJe suis tout à fait d'accord avec toi notamment en ce qui concerne le besoin de logements sociaux dans les centres urbains. Toutefois, le choc de l'offre annoncé avec la loi ELAN sera difficile à atteindre avec des moyens amputés par la loi de finances. Pour un organisme de 12000 logements comme le mien c'est une perte de 2 200 000 euros en 2018 et 2019 et 4 400 000 en 2020 du fait de la Réduction Loyer Solidarité. Difficile dans ces conditions d'atteindre les objectifs ! On fait de notre mieux ! Bien à toi