Lettre au Maire de mon village (Rochecorbon, 37)

Lettre au Maire de mon village (Rochecorbon, 37)





Monsieur le Maire, cher Bernard,

Enthousiasmé par l’initiative d’un élu local breton ayant pris un arrêté interdisant sur sa commune l’épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations, j’agite depuis des semaines sous votre nez cet exemple pour vous convaincre de faire de même.

Notre village de 3200 habitants, cerné par les vignes, figure en effet en tête de la consommation de produits phytosanitaires de la région avec 68 tonnes épandues l’année dernière sur notre secteur*.

Convaincu de votre sensibilité aux questions environnementales, bien qu’elle se manifeste plus souvent par de belles déclarations que de vrais actes (c’est une maladie de notre temps, je ne vous jette pas la pierre) et votre agacement face à la politique de notre gouvernement (c’est aussi une posture très répandue, on la comprend), notamment sur ce sujet de santé publique, j’espère que nous parviendrons à trouver, en votre personne, un allié.

Je dis ‘nous’, car fâché de votre silence radio malgré mes messages, vous qui savez pourtant par temps calme vous rendre si disponible pour vos administrés, j’ai décidé de lancer une petite pétition qui a récolté sans forcer, en 15 jours, les signatures de plus de 15% de la population. En y additionnant le nombre d’enfants que cela recouvre, on arrive à près d’un tiers des habitants qui s’associent à la requête et m’écrivent depuis pour suivre ce dossier qui les concerne directement. Vous le savez, puisque je vous tiens informé régulièrement de ma démarche : seules deux personnes rencontrées ont refusé de soutenir cette demande, la femme d’un vigneron et la pharmacienne, dont j’aimerais ne pas comprendre l’intérêt qu’elle peut avoir au maintien des pesticides.

En guise de réponse, vous vantez l’approche ‘pédagogique’ et vous dites ‘prêt à travailler avec [moi-même] et les vignerons pour trouver une solution transitoire qui convienne à toutes les parties’.

Si je suis bien entendu disposé à rencontrer les (seulement) 7 agriculteurs (tous vignerons) du village, et étudier avec eux les alternatives qui se présentent, j’insiste (en vain pour l’instant) pour que cette discussion se fasse de manière publique, avec des experts de l’agriculture naturelle et des vignerons bio, afin de ne pas tomber dans un son monocloche (« Il n’y a pas d’alternative à notre modèle ! ») et élargir le débat.

Vous comprendrez que les rochecorbonnais se passionnent pour ce sujet qu’ils subissent au quotidien sous leurs fenêtres, et qu’ils souhaitent avoir voix au chapitre pour construire une décision qui ne peut être entérinée à 7 et sur laquelle la pédagogie n’a jamais eu d’effet.

Si l’agriculture du coin nourrissait la population locale…nous pourrions éventuellement composer avec les agriculteurs, en faisant valoir que nous privilégions la qualité, abritant dans nos choix de consommation le courage politique qui fait aujourd’hui défaut. Mais la majeure partie du vin produit sur notre commune (appellation Vouvray) part en Chine ou aux Etats-Unis. Double-peine, qui nous rappelle la délocalisation des impacts de nos modes de vie dans les pays pauvres (#MétauxRares#Déforestation#LivraisonDeNosDéchetsEnMalaisie…) : les vignerons, qui vendent ce nectar français à l’autre bout du monde expliquent que nous ne connaissons rien à leur métier et qu’à ce titre nous n’avons pas à leur dire quoi faire. Ils polluent notre environnement de la production aux ports asiatiques et ne considèrent pas avoir de comptes à nous rendre.

Mais des comptes, maintenant qu’il est avéré que 80% des insectes ont disparu en 30 ans en raison des pesticides, que les maladies non-diagnostiquées (#MonFils) explosent, que les nappes sont bourrées de résidus toxiques, que les centres-bourgs ruraux se meurent…ils doivent en rendre.

L’enjeu n’est pas de voir appliqué cet arrêté : il sera retoqué par la préfecture.

L’enjeu, c’est surtout de mettre l’état face à ses responsabilités, c’est d’engager un rapport de force entre l’intérêt général et les intérêts privés. Ce n’est, en somme, qu’un moyen supplémentaire mais puissant, après les alertes des scientifiques, les tribunes ou pétitions, les attaques en justice, les manifestations, les actions de désobéissance civile (rdv le 7 octobre à Paris), de tenter de remettre notre société sur les rails du bon sens.

D’offrir aux 100% de citoyens qui mangent un espace-temps pour parler avec les 2% d’agriculteurs qui produisent, d’entamer les réflexions autour d’une ‘Politique Alimentaire Commune’.

Evidemment, interdire l’épandage à moins de 150m des maisons reviendrait à imposer la bio sur toute la surface agricole de notre village.

Est-ce possible ? Si l’on n’écoute que les vignerons chimiques, acculés par le remboursement de leurs emprunts et la course aux volumes pour satisfaire le marché international : non.

Est-ce nécessaire ? Si on laisse les élus trancher : non.

Ces réponses ne sont pas les nôtres. Nos priorités ne sont pas entendues.


86% des français sont pour cette interdiction.

La démocratie, passée en mode déni au niveau national depuis des années (#ConstitutionEuropéenne, #49-3, #Lacrymogènes#ManifestezPlutôtEnPologne), doit retrouver sa saveur au plus proche des citoyens, à l’échelle locale.


Et vous verrez, en éclairant les gens sur les enjeux, en présentant l’éventail de solutions, en décidant collectivement du futur, nous allons construire un monde plus désirable et résilient. #ConventionCitoyenneLocale

S’il est admis que les vignerons ne peuvent arrêter du jour au lendemain…nous pourrons dans un premier temps planter des haies entre leurs champs et les habitations, pour faire tampon et recréer des zones de biodiversité ; nous pourrions aussi proposer de passer du temps dans les vignes, pour les aider et limiter le recours aux produits chimiques (à 3000, ça peut envoyer !) ; vous pourriez aussi décider de racheter les terres les plus délicates techniquement pour y implanter des parcelles maraîchères bio, afin de fournir la cantine de l’école tout en créant une exception à la monoculture intensive du coin ; ou encore allouer une partie du budget communal à la restauration, via l’agroécologie, de nos écosystèmes…tellement d’idées pour sortir de cette impasse !


Pour conclure, Monsieur le Maire, j’espère que vous accéderez à ma demande de réunion publique sur ce sujet sensible, temps d’échange, de concertation et d’intelligence collective que je me ferais un plaisir de préparer en amont avec vous, les vignerons et les experts m’ayant déjà confirmé leur intérêt, afin qu’elle se déroule de la manière la plus bienveillante et efficace possible.


Dans l’attente de votre retour,

Très cordialement,

mAx, qui vous embête pour notre bien commun 😉


https://www.mediapart.fr/journal/france/040719/commune-par-commune-la-carte-de-france-des-pesticides

Arnaud Bouchat

Dirigeant d'une ferme de polyculture élevage(vente directe) conduite en agriculture de conservation chez BOUCHAT Arnaud

5 ans

,

Nicolas Broutin

Chef de bureau énergie, environnement et transport chez ANSSI - Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information

5 ans

mAx, le Naruto de Rochecorbon !!!! C'est une chance pour ton village !

Elodie Noguès

Consultante en intelligence économique chez Consultant

5 ans

Bravo, Chacun à son niveau peut et doit faire quelque chose... 

Benoit Guitaut

Group Talent Development Head at Verisure

5 ans

Merci Maxime pour votre intégrité dans l'effort, la justesse, l'ouverture et l'humilité de vos propos, et pour cette bataille dont nos enfants récolteront les fruits. Puisse cette discussion avoir lieu et aboutir à de véritables solutions où chaque partie sera convaincue d'avoir gagné quelque chose, si ce n'est du temps de vie plus saine. Bon courage

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