Lettre ouverte à James C. Fish Jr. De l’horrible danger de la digitalisation des déchets
Monsieur James C. Fish Jr, président directeur général du leader outre atlantique de la gestion des déchets. Avec un chiffre d’affaires d’environ 13 milliards de dollars en 2015, 249 décharges et 297 plateformes de transit de déchets, vous disposez d’une expertise reconnue sur tous les secteurs de la gestion des déchets, depuis la collecte jusqu’à la valorisation énergétique des déchets en passant par le recyclage et l’enfouissement technique.
Leader incontournable du marché américain du recyclage, vous avez compris mieux que quiconque les dangers imminents de la digitalisation de la gestion des déchets. Conquis par vos mesures de résistance contre les innovations numériques dans votre secteur, nous souhaitons vous présenter les raisons suivantes, causes de nos récentes velléités de repentir :
- Il est à craindre que l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de la gestion des déchets vienne proposer aux secteurs du recyclage et de la valorisation une vision disruptive de leurs métiers, aux Etats-Unis comme en France. De trop nombreuses start-ups se fourvoient, en France aussi, hélas, dans cette approche innovante que vous avez la clairvoyance de combattre.
- Il se pourrait que le numérique conduise alors au décloisonnement des acteurs de la gestion des déchets. Outre l’optimisation des processus existants, des outils digitaux menacent de connecter efficacement les acteurs du chantier et de la gestion des déchets. Rupture des silos des filières industrielles, diffusion transversale de l’information, réinvention des espaces de rencontre entre producteurs de déchets et recycleurs : des usages innovants risqueraient d’émerger de façon préoccupante, en opposition avec la Gestion Industrielle des Déchets.
- La mutualisation de l’information détenue à l’heure actuelle par des leaders de notre industrie constituerait la plus grande menace du digital. Si l’information était partagée, les opportunités de valorisation des déchets courraient le risque de devenir infinies. Optimisation de la gestion des ressources et opportunités de réemploi des déchets entre acteurs constituent des pièges dans lesquels l’industrie du recyclage ne saurait tomber.
- La digitalisation risquerait d’impulser un changement de modèle vers une économie circulaire des déchets. Les plateformes de mise en relation de l’offre et la demande révèleraient le sombre dessein du digital : optimisation non seulement des opportunités de valorisation des déblais, mais aussi des flux de transport associés. Les prévisions anticipant une diminution importante des émissions polluantes liées au transport des déchets sont inquiétantes. Dans un contexte de densification de l’urbanisation, nous ne pouvons plus nous permettre de remettre en cause le modèle utilisé depuis des décennies consistant à stocker sous le tapis massivement les déblais évacués.
- Le numérique occasionnerait une pénétration pernicieuse du recyclage dans des secteurs aux gisements de déchets diffus. Une plus forte communication entre acteurs de la gestion des déchets y impliquerait immanquablement une grave augmentation de la valorisation des déchets. Le secteur du bâtiment et des travaux publics est particulièrement à risque.
Il arriverait sans doute qu’à force de faire ses preuves dans le secteur du recyclage, le numérique séduise de malheureux industriels français de votre envergure. Les opérations de rapprochement avec des start-up via l’open innovation comporteraient alors le risque majeur d’une mutualisation des compétences industrielles et digitales préjudiciable au secteur.
Heureusement, vous avez su réagir à temps en refusant de collaborer avec les pionniers de la digitalisation de la gestion des déchets aux Etats-Unis. Vous avez su déceler les dangers imminents de tels modèles, et alerter l’opinion publique.
M. James C. Fish Jr., venez, s’il-vous-plaît, expliquer à vos homologues français qu’ils font une erreur stratégique en investissant dans le caillou que vous avez dans votre chaussure. Expliquez-leur que la valeur ajoutée du modèle porté par Rubicon est marginale. Que l’avenir de l’industrie française du recyclage réside dans une gestion industrielle en silo héritée des dernières décennies.
Soyez compatissants : pensez à manifester aux pure-players français du recyclage votre soutien dans les tourments que leur causent ces modèles émergents sur son marché. Aidez-les à collecter des informations rassurantes sur votre concurrent : Leonardo Di Caprio n’est pas seul dans son tour de table, et d’autres investisseurs éclairés comme Marc Benioff font également fausse route.
A l’inverse de vos homologues français, nous vous invitons à traverser vous aussi l’Atlantique pour observer les start-ups françaises du recyclage qui menacent le modèle des déchets centré sur la filière industrielle. Constatez avec nous la vacuité des propositions de SELIGO, Trinov, Hesus, et PickMyWaste (oui il y en a même qui prennent des noms Anglais) dont l’approche disruptive promet une collaboration étroite avec la filière du recyclage ! Cela serait désastreux.
Emmanuel Cazeneuve, président directeur général d’une entreprise numérique en voie de repentir.
Maître Composteur Montpellier Métropole
5 ansHorreur !!! Disruption digitale transversale qui reconnecte et "booste" l'économie circulaire du déchet ... Aaaahrrrg ! Lumineuse note d'humour . Bravo Emmanuel .
Responsable de secteur chez Stradal
7 ansC'est un joli billet d'humeur...ou d'humour !!