L’industrie automobile allemande dans l’impasse
Chaîne de laminage de métaux au laser du groupe Schuler qui, malgré son savoir-faire, n’est pas épargné par la crise du secteur automobile.

L’industrie automobile allemande dans l’impasse

Allemagne/EU/Chine – Les problèmes auxquels est confronté le groupe Volkswagen et qui menacent l’emploi de quelque trente mille personnes, ont déjà des répercussions sur l’ensemble de la chaîne de production automobile allemande. De nombreux sous-traitants ont déjà annoncé des mesures de licenciements voire des fermetures de leurs unités de production. Le pays mondialement connu pour son savoir-faire dans ce secteur semble avoir déjà perdu sa position de leader.

La crise actuelle vécue par Volkswagen est d’autant plus inquiétante qu’elle frappe de plein fouet des entités hautement spécialisées qui ont contribué au succès commercial des modèles de la marque mais aussi de certains de ses concurrents. Alors qu’elles jouent un rôle de premier plan dans la conception et la fabrication d’un véhicule, les sociétés sous-traitantes demeurent généralement inconnues du grand public. En Allemagne, plus qu’ailleurs, elles sont éparpillées sur l’ensemble du territoire. Bien qu’elles n’emploient que quelques dizaines ou centaines de salariés, elles sont indispensables à l’équilibre social de toute une région ou de toute une ville. A Göppingen, par exemple, ville moyenne de quelque 60.000 habitants située à environ 40 kilomètres à l’est de Stuttgart, la société Schuler fait partie intégrante de l’histoire industrielle de l’Allemagne moderne. Créée il y a bientôt deux siècles en 1839, par Louis Schuler, elle a toujours été une référence dans le domaine du traitement et du pressage des métaux ainsi que dans le conception et fabrication de presses pour tous les éléments d’une carrosserie (ailes, capots, portières, pare-chocs, etc.). Selon le pdg du groupe autrichien Andritz, qui est devenu son principal actionnaire, « il est indispensable que Schuler-Allemagne se restructure le plus rapidement possible ». Joachim Schönbeck a déjà annoncé la fermeture des deux unités de productions implantées à Weingarten et à Erfurt qui emploient respectivement 300 et 174 personnes, ce qui représente environ 10% des effectifs de Schuler en Allemagne. Des solutions de reclassement du personnel dans d’autres unités sont envisagées mais il est peu probable que la totalité de l’effectif concerné puisse en profiter. Joachim Schönbeck explique cette décision par la détérioration continue de l’industrie automobile dont les conséquences ne frappent pas seulement son groupe mais tous les grands noms du secteurs.

Un phénomène domino irréversible

Le nombre de déclarations de cessation de paiement augmente de jour en jour. Ces dernières concernent des sociétés le plus souvent emblématiques à l’instar des fournisseurs de pièces automobiles WKW (3.800 salariés) ou Eissmann Automotive (5.000 salariés à l’échelon mondial dont 1.000 en Allemagne), société spécialisée dans l’intérieur de véhicules. Tous les groupes et entreprises qui ont fait le pari d’un passage réussi des moteurs à combustion classique au tout électrique payent déjà le prix de cette orientation et quelles que soient leurs tailles, ils ne sont pas épargnés. C’est ainsi que Bosch, pour rester compétitif s’apprête à fermer plusieurs de ses sites dans le Bade-Wurtemberg où travaillent plus de 3.000 personnes. Quant au groupe ZF Friedrichshafen, il s’est orienté vers la production de moteurs électriques qui nécessite moins de personnel, ce qui va lui permettre de supprimer plus de 10.000 postes d’ici 2028. Ce phénomène de réaction en chaîne s’est déjà enclenché et il ne se passe de semaine, sans que les difficultés de telle ou telle entreprise ne fassent l’actualité. La branche automobile est celle qui a le plus souffert du conflit opposant la Russie à l’Ukraine et de la crise énergétique qui s’en est suivie. Toutes les entreprises opérant dans la branche automobile ont de gros besoins en énergie dont le coût est de plus en plus élevé, ce qui réduit les marges réalisées sur les ventes. Toutefois, selon une étude récente publiée par l’Institut de l’Economie Allemande (IW : Institut des deutschen Wirtschaft), ce ne sont pas seulement la pandémie du COVID 19 et la guerre russo-ukrainienne qui sont les seules causes des difficultés actuelles. Celles-ci sont en effet le résultat prévisible d’une stratégie des constructeurs automobiles allemands qui les a conduits à déplacer leur production en Asie et plus particulièrement en Chine dès 2018. En 2023, l’Empire du Milieu a assuré à lui seul plus de 60% de la production automobile mondiale et c’est dans ce territoire qu’ont été vendus près de la moitié des véhicules. Sur ce même exercice la production et le volume à l’export des véhicules fabriqués en Allemagne sont revenus respectivement à leurs niveaux de 1985 et 1998. Les difficultés que rencontrent les producteurs allemands ne sont pas dues à la conjoncture, ni nées d’un malencontreux hasard, elles sont le résultat d’une accumulation d’erreurs dont la plus fatale a consisté à miser sur un pays, la Chine,  dont le potentiel a été sous-estimé. Aucun des salariés menacés d’un licenciement ou au mieux d’un déplacement ou d’une reconversion n’est responsable de ce mauvais choix. kb


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