L'intention est-elle malicieuse ?
Palais de Buckingham, 14 mai 2024.

L'intention est-elle malicieuse ?

Je viens de voir dans la presse le tout premier portrait officiel du roi Charles III.

Et je m’interroge sur son impact visuel ainsi que son réel message.

Pour ceux qui seraient passés à côté du contexte, ce tableau est une commande faite au peintre britannique Jonathan Yeo, connu déjà pour avoir réalisé des portraits de rich and famous.

Le projet du tableau a été initié au temps où le roi était encore un prince, en 2020.

Dans la presse, on parle de symboles cachés. Ce qui n’est pas vraiment le cas.

En fait, je me demande si ces éléments ne sèment pas carrément le doute.

Prenons le temps d’explorer la toile.

La première chose qui saute aux yeux, c’est l’utilisation de cette dominante rouge.

Pour être plus précise, il s’agit d’un assemblage tourmenté qui oscille entre le rouge, le rose, le jaune et le brun.

Cette masse colorée envahit tout, y compris la silhouette du roi en uniforme des Welsh Gards.

Ce rouge envahissant et texturé remplit toute la toile, ne laissant à nu que la peau du visage et des mains.

Ces dernières reposent sur une épée, signe de pouvoir et de justice par excellence.

Le peintre est coutumier d’un style qui laisse apparaître des visages dans une toile qui est volontairement inachevée, de sorte que les parties de corps ressortent tout particulièrement.

Il y a aussi ce papillon, proche de se poser sur l’épaule. C’était une demande spécifique de Charles III .

Apparemment, cet élément fait allusion à son combat pour la protection de l’environnement et est également synonyme de métamorphose (passage longtemps attendu du prince au roi je suppose).

Mais nous sommes au pays de Dorian Gray….

Qu’en aurait pensé le peintre Basil Hallward, personnage fictif d’Oscar Wilde ?

Celui-là même qui peint son ami sur une toile et qui révèle dans un pacte faustien l’autre facette de la personnalité de Dorian…

Ce portrait royal donc - commencé il y a quelques années - raconte, pour moi, une autre histoire.

En effet, cette toile résonne étrangement au vu de l’actualité du souverain.

Voilà, en quelques points, ce qui me chatouille :

Là où ce rouge devait sans doute symboliser la puissance et la passion, je vois une couleur qui annonce surtout l’histoire d’un homme en danger, car malade.

Le traitement du cancer provoque des inflammations qui se traduisent par des sensations d’échauffement ou de brûlures dans la zone irradiée.

Quand vous visualisez cela, vous pensez à quelle couleur ?

Sur les réseaux sociaux, il y en a même qui disent qu’il semble baigner dans du sang, revenir de l’enfer (le traitement pictural de la chevelure grise prenant la forme de flammèches ) ou qu’il a l’air d’un tampax usagé.

Certains y voient même la culpabilité du sang versé au nom de l’Empire Britannique.

Tout un programme !

La texture utilisée par le peintre a le rendu d’un brouillard, un avenir incertain. Un autre indice : celui d’un signe de disparition et non d’apparition ?

Le papillon est un symbole qui se lit de plusieurs manières et selon différents prismes culturels.

Et ce n’est pas l’allusion à la nature qui me vient à l’esprit immédiatement.

Cet insecte peut aussi représenter la fragilité de l’éphémère puisqu’il ne vit que peu de temps.

On dit aussi que les papillons sont la représentation des âmes revenant après être entrées dans le monde des morts.

Vous voyez où je veux en venir maintenant ?

Un portrait officiel, c’est bien celui qui est supposé traverser les générations.

Et se voir au travers des siècles, par des yeux qui ne sont pas encore nés.

Que dira ce tableau à ceux qui n’ont pas été les contemporains de Charles III ?

Pour ma part, j’y vois un message particulièrement lugubre et annonciateur d’un destin funeste.

J’aimerais plus que tout, savoir comment l’artiste a réfléchi son portrait et ce qu’il a voulu dire officiellement mais aussi en sous-texte.

Je crois beaucoup aux sous-texte des artistes. Il y a une malice là-dedans qui échappe à tout protocole.

Ce qui ne se dit pas mais qui se comprend comme un moment de gêne qu’on n’arrive pas à définir clairement.

Il ne s’agit donc pas de symboles cachés mais plutôt d’une intention à demi cachée.

Surtout pour les grands de ce monde, choisir son artiste et son mode de représentation n’est absolument pas anodin.

Une petite erreur d’appréciation et le dérapage a vite fait de prendre une tournure étrange.

Dans l’univers ultra codifié de la famille royale britannique,  il y a des pertes de contrôle qui laissent songeur. En voici une.

Et dans ces interstices, il y de la place pour des artistes qui envoient des messages en sous-couches.

L'intention envoyée par Jonathan Yeo est-elle celle d'un portrait officiel qui en impose ou est-elle messagère d'un règne écourté?

Voir n’est pas regarder. A vous d'y réfléchir.

Au plaisir de lire vos réflexions.






























Inès Mackelbert

Chargée de communication du Réseau Diane. Réseau d’affaires pour les femmes entrepreneures boosté par l’UCM

7 mois

Je trouve l’œuvre plutôt glauque pour dire vrai! Comme s’il se consumait et comme tu l’as si bien dit, comme si son destin était funeste!

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