Livraison de la première tranche, à Besançon
L'ensemble des gestionnaires du Campus Bouloie-Temis se sont réunis le 12 septembre pour célébrer la livraison de la première tranche des projets d'aménagement du Campus, dont la place centrale réalisée par Altitude 35 suite au concours Europan 14 en 2017.
Le site de Besançon invitait à explorer les articulations et les immixtions possibles entre ville, campus universitaire et parc technologique. Les débats autour des projets Europan ont joué un rôle de catalyseur pour la mise en place d’un partenariat inédit entre la Ville, l’Agglomération, l’Université et le syndicat mixte du parc scientifique TEMIS, élargi à d’autres acteurs institutionnels sous la marque « Synergie campus ». Cette gouvernance originale, consolidée entre les deux tours du jury, a débouché sur la constitution d’un groupement de commande public-public pour des missions d’études de programmation et de conception puis de maîtrise d’œuvre urbaine. Le cas de Besançon constitue une référence exemplaire, par l’ampleur du dispositif de projet et la capacité de l’équipe finalement retenue à conduire un programme particulièrement ambitieux, soutenu par la Région Bourgogne Franche-Comté.
Texte par Emmanuel Redoutey, expert de site pour Europan France
Entretien avec Benoît Barnoud
Au printemps dernier, nous avions rencontré Benoît Barnoud, associé de l'agence Altitude 35 pour un entretien :
L’avancée du chantier
Benoît Barnoud : Après deux ans de travail en maîtrise d'œuvre opérationnelle, d’abord en phase d’étude puis en chantier depuis bientôt un an, on approche de la livraison de la première tranche prévue pour la rentrée. Et la deuxième tranche du chantier devrait être livrée au printemps 2024.
La première tranche concerne la nouvelle place centrale du campus, et le jardin botanique. On a commencé par ces projets pour des questions très pragmatiques de phasage. Le lieu de vie étudiant a déjà été livré. Notre objectif était de réduire le laps de temps entre la livraison des espaces publics et de ces bâtiments qui ont besoin des espaces publics pour fonctionner pleinement.
Du projet Europan 14 à la réalisation
On n'a pas l'impression d'avoir trop altéré le projet de départ. Il y a évidemment grande différence entre un concours d'idées qui permet d'ouvrir le champ des possibles sur tout un tas de sujets de façon assez libre, et répondre à une mission cadrée avec un programme, un budget, un gestionnaire. Il reste quand même beaucoup de nos intuitions, nos ambitions de départ dans le projet qu'on est en train de faire.
S'il n'y avait pas le partenariat public-public, s'il n'y avait pas eu des élus un peu courageux. S'il n'y avait pas eu des archis qui de leur côté aussi rament pour atteindre l'ambition de leurs projets initiaux, il ne se passerait pas grand-chose. C'est vraiment une aventure collective. Bien sûr, ce n’est pas la stricte traduction du projet du concours. Il s'est passé plein de choses qui ont changé le projet et c'est normal.
Depuis quatre ou cinq ans maintenant, on est extrêmement présents sur ce projet. Je pense que les gestionnaires peuvent s'estimer heureux d’avoir engagé une jeune équipe. C'est évident qu'avec des structures un peu plus grosses, voire beaucoup plus grosses et avec plus d'ancienneté, ils n'auraient pas eu la même écoute, la même capacité de rebond et la même force de frappe.
Les orientations dégagées par les ateliers urbains
L’étude urbaine “Plan guide Bouloie-Temis”, menée entre janvier et mars 2019, porte sur l’échelle du campus élargi et assoit une stratégie opérationnelle échelonnée dans le temps.
La première grande avancée de ce plan guide, c’est d’accepter qu’on ne peut pas faire des bâtiments sans penser à la question des espaces extérieurs qui avaient été très peu entretenus depuis les années 60. Très vétuste, mais très beau aussi.
La deuxième avancée concerne la partie nord du campus. L'université s'est développée vers le nord et les espaces publics n'ont pas du tout suivi. Il y a un beau campus relativement bien agencé au sud. Au-delà, une configuration un peu plus opportuniste s'est développée avec une stratégie de desserte directe en voiture, qui était un peu contraire aux intentions du plan directeur des années 60, de René Tournier.
On leur a dit la nécessité de rattrapage de ces opérations récentes des années 80, 90, 2000. Et donc il faut absolument que la pensée par le paysage, l'espace public, puisse rattraper ce retard pris.
Le troisième arbitrage arraché porte sur le centre du campus. Il n'est plus au sud comme il l'était dans les années 60. Il est au nord parce qu’il y a désormais un BHNS (bus à haut niveau de service, ndlr) qui relie le centre, donc la Boucle, la gare Viotte et l'université. L’arrivée de ce bus définit une nouvelle centralité pour le campus. Et c'est un des lieux les moins qualifiés en termes d'espace public. Le CROUS libérerait précisément ici, un petit bâtiment qui leur servait de bureau. On a donc insisté sur la nécessité de transformer ce bureau en lieu de vie étudiant, le moins contrôlé possible, avec des associations, avec des salles de travail… Un lieu de vie commun et autogéré, au cœur du campus, à mi-chemin entre les différentes UFR (unité de formation et de recherche, ndlr) et les différents départements de l'université. Et qui puisse aussi accueillir des gens de l'extérieur du campus. Parce qu'on s'est rendu compte, notamment dans les enquêtes, que les croisements entre disciplines et entre étudiants étaient très rares, et offraient peu d'occasions d'échanges. Les lieux de convivialité sont systématiquement internes aux UFR. Il y a très peu de liens, et de lieux d'échange, pas de buvette, rien du tout. Il nous paraissait indispensable d’investir ce cœur de campus.
On a donc arraché un arbitrage pour qu'il y ait une enveloppe assez minime au début, et qui a ensuite gonflé un peu, d'un demi million d'euros pour réhabiliter ce bâtiment libéré par le CROUS.
C'étaient nos trois grandes conquêtes.
La première tranche : place centrale et jardin botanique
C’est donc sur cette place que le chantier est le plus avancé aujourd'hui. Les terrassements sont en cours sur le vallon avec une grande voie cyclable rapide, qui va relier le quartier de Montrapon à l’université.
La place s’implante sur plusieurs niveaux qui forment des grandes terrasses, le plus horizontal possible. Et comme le campus présente des pentes assez fortes, il y avait aussi nécessité de raccorder ces différents niveaux pour les PMR. D’où notre système de rampes et de gradins.
Les gradins de la place sont en pierre de Bourgogne. Il y en a énormément dans le campus, donc on a insisté pour retrouver une écriture de l’espace public liée à celle des bâtiments universitaires.
Le jardin botanique fait partie des choses qui ont assez bien marché. Il est ouvert au public en permanence. Il n'y a pas de doute que les élus ont été assez ambitieux là-dessus. Dès le démarrage, il y avait de leur part une volonté que ça reste un espace ouvert. Éventuellement, certains petits noyaux du jardin pourraient être un peu protégés, mais globalement, c'est de l'espace libre ouvert aux quatre vents.
La sobriété foncière comme objectif structurant
Il y a eu les ateliers urbains, le plan guide, les programmes à rédiger, maintenant la maîtrise d'œuvre des espaces publics, en mission complète. Et en parallèle, on a quelques missions pour accompagner les projets architecturaux. Une sorte de mission d'urbaniste coordinateur. On a rédigé des avis au stade des poses des PC des différents bâtiments pour essayer d'affiner leurs implantations, la façon dont ils répondaient à nos prescriptions des fiches de lots, notamment sur la matérialité, les accès, un certain nombre de sujets qui ont une importance cruciale pour le campus.
On a fait très attention parce qu'il y avait beaucoup de petits programmes qui étaient proposés à droite à gauche par des UFR. Il fallait donc éviter d’émietter les programmes n'importe où dans le campus, et de miter les grands espaces ouverts qui sont très beaux.
L’UFR de droit, avait besoin de 600 mètres carrés. Et on est arrivé à une solution qui est assez élégante, même si c'était loin d'être la plus simple techniquement. On a rajouté un quatrième niveau à leur bâtiment en extension bois. Ainsi, on évite de consommer du foncier bêtement. Ils ont été très attentifs et intéressés par cette démarche.
Dans l’ensemble, on a pu leur faire accepter de restreindre la place de la voiture, de désimperméabiliser les sols, et d’être économe en foncier en relocalisant des parties du programme, ou en créant des surélévations.
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Tout ceci a été rendu possible par nos échanges avec l’ensemble des acteurs dans le cadre du plan guide. On a regardé de nombreux exemples avec eux, notamment des exemples néerlandais, belges, flamands qui ont montré qu'il existe des campus beaucoup plus denses que Besançon. Leur impératif aujourd'hui, c'est de ne pas gaspiller du foncier, d'être aussi compact et dense que possible. La Bouloie est un campus immense qui a des possibilités de densification, que ce soit pour du logement, des résidences de chercheurs ou d'autres locaux universitaires. On a voulu préserver ce potentiel, et donc ne pas consommer bêtement de la surface au sol. Ça a été une exigence tout au long du processus.
À l’exception des serres du jardin botanique, qui répondent à un programme très spécifique, et de la nouvelle école d’ingénieure, qui nécessite une surface pouvant accueillir jusqu’à 3000 élèves, il n'y a pas eu de construction neuve. Ce n’est que de la réhabilitation ou de l'extension.
Ce ne sont pas les solutions les plus faciles qui ont été retenues. Il a fallu que les élus soient assez courageux. Le travail exigeant que nous avons mené autour du plan guide nous a permis de sensibiliser les acteurs du projet qui ne sont pas tous au fait de ces questions d’urbanisme et de paysage. On leur a fait comprendre qu'il y avait des bêtises à éviter à court terme.
Déspécialisation et dévolution
Parmi les sujets qui étaient portés à travers le concours Europan, il y avait la question de la diversification programmatique. Le campus a été pensé dans les années 1960 avec une vocation universitaire stricte, monospécifique. Donc un campus qui vit très peu en dehors des horaires de cours. L’avantage, c’est qu’il a été préservé d’opérations urbaines opportunistes, d’industrie ou de logement par exemple. Les gestionnaires ont encore de la place pour régénérer leur outil universitaire, investir, faire des résidences pour chercheurs. Il y a tout un tas de choses qu'ils peuvent faire sur le campus.
On se pose aujourd’hui la question de la déspécialisation. Il s’agit de processus juridiques assez longs, mais c’est faisable avec la volonté des élus. Peut-être en une grosse décennie.
La logique voudrait qu'à moyen terme ou à long terme, ce processus de dévolution, et déspécialisation puisse aller au bout. Un campus, c’est une espèce d'organisme qui se saisit de sources de financements très ponctuelles pour aller faire “des coups”. Ils ont très peu de ressources propres. D’où l’importance de coupler cette déspécialisation à une vision d’ensemble qui donne des orientations à long terme.
L’intégration d’une contrainte géologique
On est sur un socle karstique en calcaire avec plein de trous : des dolines. Elles ont été comblées pour beaucoup d'entre elles dans les années 1990-2000, en devenant des déchetteries sauvages. Il y a une part du foncier qui n'a pas été construite sur la technopole parce que ces dolines remblayées ne sont pas stables.
Pour y installer un bâtiment, il faudrait soit purger tout le terrain, ce qui coûte une fortune, soit construire avec des micropieux, ce qui coûte aussi assez cher. Donc on a des lacunes dans la technopole qui sont liées à ces décharges, superposées aux anciennes dolines. Et ça c'est intéressant. Il y a toute une trame d'espaces paysagers intermédiaires, qui n'ont jamais été planifiés, qui sont devenus des boisements spontanés. On a fait de cet accident géologique une force de conception. Et il faut s'appuyer là-dessus pour faire de la préfiguration : planter dense, faire des systèmes d'exclo, avoir des boisements longitudinaux. Les espaces publics de la technopole, ce sont ceux qui ne pourront de toute façon pas être construit.
Budget
La conception du plan guide a permis d'identifier les périmètres et les bâtiments qui étaient prioritaires dans le cadre du budget prévu pour la rénovation du campus. L’investissement initial s’élevait à 40 millions d'euros. Donc là-dedans, il y avait des bâtiments, les espaces publics, et de la réhabilitation thermique. L'enveloppe a un peu augmenté au fil du temps. Sur ces 40 millions, 25 millions étaient alloués aux opérations qui étaient jugées prioritaires avant même que l'étude ne démarre. On avait une marge de manœuvre de 20 millions dont il fallait discuter pour les injecter de la manière la plus pertinente possible.
En mettant 10 millions sur la table, sur les espaces extérieurs, on arrive à faire quelque chose qui s'apparente à une transformation profonde du campus, et qui va changer la façon dont les étudiants vont pouvoir pratiquer l'espace, les relations avec les quartiers voisins, les espaces vides, les lieux de sociabilité entre UFR. C'était quand même une vraie chance d'avoir cette rallonge budgétaire qui permet d'aboutir à quelque chose qui soit à la hauteur des enjeux.
Une vision à long terme
Je pense qu’on a réussi proposer une vision à long terme pertinente, qui pourra accompagner les gestionnaires du campus pour les années, les décennies à venir. Ainsi, les différents financements ponctuels pourront fabriquer des opérations qui fonctionnent comme un tout cohérent. On pense avoir atteint un point de non-retour sur nos sujets, d’urbanisme, de paysage, de mobilité… qui devrait permettre une certaine continuité, malgré les fluctuations des responsables du campus, qui changent souvent. Une sorte de mémoire de l’étude menée et du projet amorcé.
Maîtrise d’ouvrage et partenaires : Ville de Besançon, Communauté d’Agglomération
du Grand Besançon, SPL Territoire 25, Université de Franche-Comté, CROUS, Syndicat
Mixte du Parc Scientifique et Industriel TEMIS, Région Bourgogne - Franche-Comté, CCI.
Équipes Europan engagées dans les suites : Altitude 35 avec Pierre Veltz, Alphaville,
Roland Ribi & Associés, Eco-prog, Monono (mission Plan guide et MOE urbaine),
Francesco Rizzi & all. - projet Macrochip urbain, Delphine Meyer, Sébastien Denéchaud et
Marie Vanderbecken - projet La théorie des Monts (mission Ateliers).
Expert de Site pour Europan France : Emmanuel Redoutey
Maîtrise d’ouvrage et partenaires : Ville de Besançon, Communauté d’Agglomération
du Grand Besançon, SPL Territoire 25, Université de Franche-Comté, CROUS, Syndicat
Mixte du Parc Scientifique et Industriel TEMIS, Région Bourgogne - Franche-Comté, CCI.
Équipes Europan engagées dans les suites : Altitude 35 avec Pierre Veltz, Alphaville,
Roland Ribi & Associés, Eco-prog, Monono (mission Plan guide et MOE urbaine),
Francesco Rizzi & all. - projet Macrochip urbain, Delphine Meyer, Sébastien Denéchaud et
Marie Vanderbecken - projet La théorie des Monts (mission Ateliers).
consultant chercheur
7 moisheureux de voir ce projet se concrétiser (7ans après un europan mémorable pour moi). Bravo benoit, clara et altitude 35. Il y a encore beaucoup à faire sur la conception et l'évolution des campus en France... Sylvie Retailleau
Business Student
8 moisMy God. For one second there I thought I saw the Eiffel Tower scrolling on up.