Médicaments tératogènes et sécurité : nous réclamons l'apposition d'un pictogramme !

Médicaments tératogènes et sécurité : nous réclamons l'apposition d'un pictogramme !

Depuis plusieurs années de trop nombreux cas de handicap chez les nouveau-nés surviennent suite à la prise, pendant la grossesse, de médicaments ayant des effets tératogènes. Cela en raison d'un manque de données scientifiques, par manque d'informations ou faute de traitement de substitution. 

Une substance dite « tératogène » est susceptible de provoquer des malformations chez les enfants exposés in utero

Dans la population générale, environ 2 à 3 % des enfants naissent avec une malformation. Un produit tératogène augmentera cette fréquence globale, ou seulement celle d'un type spécifique de malformations. 

La période où les risques tératogènes sont les plus importants se situe au cours des deux premiers mois de grossesse. Cela laisse bien évidemment peu de temps aux femmes enceintes de prendre les mesures adéquates pour éviter ce type de médicaments. De nombreux cas auraient pu être évités si une mise en garde visible sur les emballages avait été instaurée. 

Mis en lumière récemment l'acide valproïque ou valproate de sodium utilisé dans le traitement de l'épilepsie depuis 1967, est selon le rapport de l'IGAS à l'origine de 450 cas de malformations foetales entre 2006 et 2014, de 54 fausses couches et de 145 décès de bébés en bas âge. Pourtant en 1984, une étude1(*) souligne l'association entre l'exposition au valproate et l'existence d'un retard de développement psychomoteur dans 3 cas sur 7. 

En février 1987, Hopkins relève une association entre l'acide valproïque et un retard mental. En 1988, Ardinger et Atkin publient une étude faisant apparaître que 71 % des enfants exposés au valproate de sodium en monothérapie présentent un retard de développement ou des troubles neurologiques. 

L'acide valproïque entraine un syndrome polymalformatif dans 9 à 15 % des cas en moyenne. Ce risque est significativement élevé par rapport à tous les autres médicaments de cette catégorie. Le cas d'une femme épileptique non traitée est identique à celui de la population générale (environ 2 % de malformations majeures). 

En juin 2010, la notice de ce médicament commercialisé sous le nom de Dépakine et Dépakine Chrono mentionne pour la première fois que « la prise de ce médicament au cours de la grossesse est susceptible d'entraîner des malformations du foetus (...), des troubles du développement et des troubles autistiques chez l'enfant ». Mais l'information ne parvient toujours pas auprès de nombreuses patientes. Pourtant, le Vidal déconseille depuis 2006 le recours à cet antiépileptique pendant la grossesse. 

Diverses études scientifiques, dont les conclusions sont reprises par l'Agence européenne du médicament en novembre 2014, évaluent à 11 % le risque de malformations (dont le spina-bifida ou malformation du tube neural) et à 30 à 40 % le taux d'atteintes neuro-comportemantales liés à la prise de ce médicament. 

En mai 2015, l'Agence Nationale de Sécurité du médicament (ANSM) avait réévalué les conditions de prescription de la Dépakine, mentionnant que : « ces médicaments ne doivent pas être prescrits aux filles et aux femmes en âge de procréer, ni aux femmes enceintes, sauf en cas d'inefficacité ou d'intolérance aux alternatives médicamenteuses ». Ce message d'information arrive bien trop tardivement.

En 2014, plus de 93 000 femmes en âge de procréer prenaient de la Dépakine. Aussi, on ne mesure pas encore aujourd'hui l'ampleur des conséquences liées à l'exposition de nombreux enfants in utero au valproate ou à d'autres molécules classées tératogènes. 

Étant donné le caractère très varié des handicaps auxquels les enfants exposés peuvent être confrontés, peu d'enfants sont actuellement diagnostiqués comme souffrant d'un syndrome provenant de la prise d'un médicament dit « tératogène » ou dangereux et déconseillé pendant la grossesse. 

Du fait d'un défaut d'information criminel, de nombreux foetus ont été exposés à multiples substances et continuent de l'être aujourd'hui. Par conséquent, de nombreuses personnes souffrent notamment de troubles autistiques dus à un manque d'informations. 

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) prévoit vers la fin du premier trimestre 2016 d'apposer la mention « valproate + grossesse = risque » en rouge sur la boite du médicament afin que l'information parvienne aux utilisatrices de façon explicite. 

Il doit en être de même pour tous les autres médicaments tératogènes ou dangereux.

Le centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT) a effectué sur son site la liste des médicaments tératogènes et contrindiqués, les classant en trois grandes catégories : 

- Médicaments tératogènes à proscrire pendant au moins les 2 premiers mois de grossesse, et si possible au-delà, sauf indication exceptionnelle2(*). 

- Médicaments tératogènes utilisables en cours de grossesse en l'absence d'alternative thérapeutique plus sûre3(*).

- Médicaments contre-indiqués pendant la vie foetale (dès le 3ème mois) : anti-flammatoires non stéroïdiens et inhibiteurs de Cox24(*) et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et antagonistes de l'angiotensine 25(*).

Voici ce que le CRAT mentionne concernant le mycophénolate qui est classé dans la première catégorie de médicaments. « Le mycophénolate a un effet tératogène chez l'humain, ce qui augmente le risque d'avortement spontané et de malformations congénitales suite à une exposition pendant la grossesse ». 

La mention sur la notice des risques pour les enfants exposés in utero est bien sûr absolument nécessaire. En effet, il est essentiel que toute femme à qui un médicament dangereux ou déconseillé prescrit, ait connaissance, en lisant la notice, des risques pour les enfants à naître si elle continue son traitement ou lors de la prise d'un médicament momentanée. 

Néanmoins, elle n'est pas suffisante : les notices ne sont pas toujours lues complètement ou ne sont pas relues par une patiente lorsqu'elle a l'habitude d'utiliser un même médicament (médicaments sans ordonnance). Les informations sur les notices peuvent changer dans le temps ou la situation de la patiente peut évoluer (puberté, projet d'enfant, début de grossesse...)

L'avertissement sanitaire à indiquer sur les emballages de médicaments tératogènes ou dangereux devrait prendre la forme d'un pictogramme représentant une femme enceinte barrée ou bien d'un triangle avec une femme enceinte sur un fond de couleur en fonction des risques liés à la prise de médicaments tératogènes. Ce pictogramme doit être inscrit à un endroit apparent et de manière à être visible, clairement lisible et indélébile sur l'emballage du médicament, mais également sur les plaquettes. 

Ce pictogramme n'est pas sans rappeler celui apposé sur les bouteilles d'alcool dans la lutte contre l'alcoolisation foetale, dont les effets tératogènes sont tous avérés. Des milliers d'enfants sont atteints dès leur naissance d'alcoolisation foetale ou ont des problèmes neurologiques voir cardiaques. 

Ce pictogramme visuellement très simple, placé sur les boites de médicaments tératogènes ou à risques permettrait non seulement d'alerter la patiente des risques de malformation pour les enfants à naître exposés à ces médicaments in utero et de la conduire à s'informer immédiatement auprès des professionnels qui la prennent en charge en cas de désir d'enfant ou de grossesse accidentel, mais également d'alerter les professionnels de la santé (médecins, pharmaciens, spécialistes...).

Ce pictogramme est une mesure complémentaire aux informations plus précises et plus détaillées mentionnées dans la notice au sujet des risques tératogènes.

Cette demande a été formulée à la Ministre de la Santé depuis janvier 2016, le cas de la Dépacine a été pris en compte quelques jours après le dépôt de cette proposition de loi, rédigée par mes soins et présentée par mon sénateur. Aujourd'hui, il y a urgence pour l'ensemble des médicaments dits tératogènes! Le prochain gouvernement doit agir!!

Anne BEINIER - (Janvier 2016)


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