Mahéa

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Extraits du recueil de nouvelles érotique de Paul Edouard GOETTMANN

 

C'était fou ! Des trombes d'eau massacraient la plage et l'environnement ! On ne voyait plus où était la mer tellement le ciel et l'horizontal se confondaient ! La pluie sonnait contre la tôle du restaurant comme un leitmotiv, nous obligeant à écouter les échos qui se répercutaient sur tout l'établissement. J'étais assis bien à l'abri, essayant de percer le rideau gris qui nous entourait, mais en vain. Mes pensées vagabondaient à droite et à gauche sans direction précise, changeantes devant mon verre de rhum. C'était une situation compliquée comme nous en avons de temps en temps, ne sachant pas quelle idée projeter.

Sur un signe de la main le jeune homme du restaurant me présenta un autre rhum. J'avais l'impression qu'il y avait des heures que ce temps de chien durait et je commençais à m'ennuyer avec le besoin de changer les horizons de ma journée pour me sentir bien dans ma peau.

Enfin il pleuvait beaucoup moins et c'est à ce moment qu'elle arriva en courant, trempée, les cheveux délavés et tombant sur ses joues. Il m’était impossible de ne pas la remarquer lorsqu’elle entra juste en face de moi. Comme un chien mouillé elle se tordit de tout son corps essayant d'évacuer l'eau de ses vêtements. Elle ne regardait personne, trop occupée par ses difficultés vestimentaires. De haut en bas, l'eau avait collé ses vêtements à sa peau, il était difficile de ne pas s'en rendre compte. Je ne suis pas sûr qu'elle-même s'en soit rendu compte pourtant cette situation la laissait extrêmement suggestive : ses vêtements collaient littéralement sur tout son corps, son tee-shirt soulignant parfaitement sa poitrine et son short court habillait ses cuisses.

Elle avait ce que l’on appelle la tête des mauvais jours ! La bouche fermée, les traits tirés… À ce moment là elle semblait en vouloir au monde entier.

Je me levai en lui indiquant les toilettes, pour l'inciter à mettre de l'ordre dans sa tenue. En retour je reçu un regard glacial, toutefois elle accepta de se diriger vers l'endroit précité. Je me rassis à ma table pour finir mon punch et retrouver la vision de la côte avec ses arbres qui la bordent.

Elle m'interpella avec plus de douceur qu'auparavant, cheveux peignés, les vêtements mouillés mais moins collants, puis elle s'assit en face de moi sans demander si cela me plaisait… En fait elle était sûre qu'il n'y aurait pas de problème. Elle commanda un planteur dans lequel elle rajouta du rhum. Elle me regarda dans les yeux… de grands yeux qui mangeaient son visage de braise.

Emmène-moi à Marigot, me dit elle avec autorité… je suis à pieds et j'ai besoin de me changer.

Arrivée devant chez elle, elle ouvrit rapidement la porte de la voiture et me laissa là, pantois sans un mot. Estomaqué, je retournai au restaurant de la plage. La pluie cessait lentement dans un ciel encore menaçant empli de gros nuages sombres poussés par les alizés tandis que les feuilles des balisiers s'égouttaient doucement en laissant des trous dans le sable.

Il y avait des heures que j'étais là en tenant deux ou trois discussions sans importance avec des buveurs de passage. C'était l'un des moments de la journée que j'appréciais particulièrement… La disparition soudaine du soleil englouti par la mer Caraïbe dans une lueur rouge comme un fer de forge. J’étais toujours étonné de ne pas voir la mer se démonter avec d'énormes vagues provoquées par sa chute qui semblait brutale. Et brutale aussi était l'arrivée de la nuit… Quelques secondes suffisaient pour plonger cette partie de la Guadeloupe dans l'obscurité avec immédiatement le concert des grenouilles et des invisibles dans une partition écrite bien longtemps à l'avance. Il ne fallu pas longtemps pour voir et entendre le bruit des chauve souris avec leurs cris stridents. Elles nichaient sous le toit des toilettes et des douches de la plage. Les oiseaux de mer avaient disparu sous une lune en morceaux affaiblie par les gros nuages.

Ce restaurant situé à Petite Anse était en fait mon quartier général. Là, je retrouvais mes amis dans d'interminables discussions que nous pensions intelligentes mais qui finalement ne menaient à rien, sinon à passer le temps. C'était jour de fête chez Annie qui s'affairait à délivrer repas et boissons. Léandre, son compagnon, avait conquis la terrasse avec son quartet. La musique créole emplissait la plage de ses sons langoureux et les couples entre deux assiettes dansaient ventre contre ventre sans trop bouger les pieds.

La table était trop petite pour les six énergumènes que nous étions. Préoccupés à décortiquer nos ouassous tout en dégustant un vin blanc de la Loire, je tournai le dos à l'orchestre pour me lancer comme d'habitude dans d'interminables discussions. Je ne pu engloutir ma crevette tant le choc fut soudain. Je me suis senti tiré à l'arrière avec force et persuasion ! Effectivement la surprise était de taille. La femme aux cheveux mouillés se tenait là devant moi !

L'invitation à la danse était précise, bien qu'un peu brutale sous les éclats de rire des autres garnements. J'eus à peine le temps de m'essuyer les mains avant de l'enlacer, mais cela ne lui avait pas plu. Elle les retira pour les monter autour de son cou avec autorité. Ainsi fait, lovés corps à corps nous nous balancions au son d'un konpa magistral.

C'était une femme curieuse, pas un mot, seulement le discours de son corps qui me berçait sur les rythmes tropicaux jusqu'à la fin de la fête, heureusement entrecoupés de temps en temps d'une coupe de champagne que j'avais commandée à Annie. Léandre amusé me faisait des clins d’œil et des sourires provocateurs qui me déplaisaient. Léandre annonça la fin de la soirée par un konpa que tous les caribéens connaissaient : « Tchiré kilot » (déchirer la culotte).

Après une dernière coupe de champagne, elle était restée debout, je m'attendais à la même conclusion que la première fois ; une disparition rapide au pas de charge. Elle était grande, bien faite avec des yeux tirés comme une asiatique… Beaucoup de femmes de Basse Terre ont ce profil. Ses cheveux, elle les avait laissés naturels. Ils étaient frisés et noirs comme de l'encre, agencés dans d'harmonieuses retombées. Elle en eu sans doute assez d'attendre, car soudain elle me prit le bras avec autorité et m'exila de mes amis.

Avec peu de mots elle me fit comprendre qu'elle me suivrait avec sa voiture jusque chez moi. Je suis resté ébahi… Farce, provocation ou réalité amoureuse ? Je pris bien soin de conduire doucement de peur de la perdre en route.

Arrivés à destination et juste le temps d'éclairer la terrasse, elle lova sa bouche contre la mienne. Il n'y avait plus d’ambiguïté. ...............

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