Mais au fait, c’est quoi une organisation apprenante ?
Organisation apprenante par ci, entreprise apprenante par là… Dans les cénacles du conseil, de la transfo, des RH et plus largement du milieu de l’entreprise, tout le monde n’a plus que ces mots là à la bouche. Et moi le premier qui ne cesse de rappeler l’urgence d’être en «apprenance», autrement dit en situation d’apprentissage continu, aussi bien sur le plan individuel que collectif. Mais une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand-chose, à part bien sur un joli buzz word doublé d’un néologisme un peu barbare. Mais nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin…
Oui, notre monde a changé : ruptures d’usages, nouvelles formes d’organisations du travail, écosystèmes complexes et guerre des talents bousculent nos organisations. Tout va tellement vite que ce que nous savions ou pensions savoir hier est obsolète aujourd’hui et poussiéreux demain. C’est vrai des outils et méthodes, des métiers, des compétences, des business models, des positions de marché… bref d’à peu près tout excepté les lois de la physique et mon goût pour le café.
Oui, nos organisations doivent désormais montrer leur capacité à s’adapter à ces changements plutôt qu’à planifier leurs opérations. Un changement de curseur qui oblige notamment à davantage se concentrer sur l’humain d’une part, à l’environnement susceptible de lui permettre de se développer tout en développant l’entreprise d’autre part.
Oui, ces deux constats sont autant de chamboule tout qui mettent à mal les modèles traditionnels : dans un monde ou plus rien ne semble acquis, l’important ne réside plus dans une somme de connaissances ou technologies à maîtriser mais plutôt dans la capacité à en découvrir et perfectionner de nouvelles. Dit autrement, dans la capacité à créer et donc apprendre en permanence.
Ce qui suppose au moins quatre choses, tant pour l’individu que pour l’organisation :
- prendre conscience qu’au fond, on ne sait pas grand-chose
- cultiver sa soif de connaissances et d’expériences
- accepter de (re)devenir junior ou challenger sur un grand nombre de sujets
- faire si possible de chaque instant une opportunité d’apprendre et de progresser.
La voilà cette fameuse « apprenance » qui confère aux individus et organisations un air tout à la fois moderne et compétent. Nous le valons bien, non ?
Un peu de teasing avant d’aller plus loin :
Devenir apprenant, donc. Facile à dire ou à écrire à longueur d’articles, un peu moins facile à faire tant cela demande une sacré dose d’humilité, une bonne lampée de métacognition doublée d’une sérieuse quantité de volonté. Formulé autrement, entre l’incantation voire l’injonction à devenir une organisation apprenante et la réalité qui suppose d’y parvenir, il y a un pas…de géant. Pas que je vous propose de commencer à combler bien modestement en commençant par définir ce qu’est ou peut être une organisation apprenante.
Flashback : nous sommes en janvier et je dois créer quelques slides pour présenter succinctement les organisations apprenantes. Tout de suite me vient à l’esprit quelque chose qui me tient lieu de marotte : les écosystèmes capacitants. Soit les environnements qui rendent « capables » et/ou compétents, au sens premier du terme. Si le distinguo « avoir des compétences » versus « être compétent » vous intrigue, je vous recommande tout particulièrement l’indispensable article de Guy Le Boterf dans le dossier compétences du Mag RH No 5 (p11 et suivantes).
Ca fait en effet un moment que je réfléchis à ce qui fait qu’un individu peut ou non exploiter son potentiel (de curiosité, de développement, d’action, de réflexion…) dans une environnement donné. Le fameux dilemme entre l’injonction à faire et le contexte, d’ailleurs très bien décrit dans l’excellente interview de François Dupuy, sociologue notamment auteur de « Lost in management », dans l’Usine Nouvelle.
Je fais donc un petit travail de recherche, glane çà et là quelques articles avant de tomber sur cette étude signée Pascale Fotius sur les environnements capacitants. Etude qui présente les premiers travaux sur les organisations apprenantes (ça remonte tout de même à 1978…), le modèle d’Amartya Sen et son fameux « pouvoir agir » ou encore l’empowerment. Le tout est très axé sur la formation et le développement des compétences mais pose plutôt bien le cadre.
Cadre que j’ai amendé, enrichi et résumé ainsi :
Car si la première chose qui vient à l’esprit s’agissant d’une organisation apprenante, c’est la capacité à créer et formaliser du savoir (et à dire vrai plutôt de la connaissance comme le rappelle Michel Serres), c’est loin d’être suffisant. Créer du savoir, c’est bien, mais créer du savoir-faire (sans oublier les savoir-être et savoir faire-faire), autrement dit de la compétence, c’est encore mieux. C’est encore mieux mais ça ne suffit pas : prenez dix collaborateurs parfaitement compétents, si vous ne leur donnez pas les moyens d’agir, y compris sur l’organisation elle-même, ils resteront les bras ballants toute la journée.
Raison pour laquelle une entreprise apprenante doit également être en capacité (et appétence) de faire évoluer son organisation et ses modes de fonctionnement pour que les individus puissent effectivement faire ce pour quoi ils se sont levés le matin. Pour qu’ils soient « compétents » au sens ou l’entend Guy Le Boterf. Mais là encore, cela ne suffit pas : prenez dix collaborateurs parfaitement compétents et outillés pour agir, ils ralentiront l’organisation comme les chevaux morts d’Isaac Getz s’ils ne sont pas engagés et n’ont donc tout simplement pas envie de faire. Une organisation apprenante, c'est donc aussi une machine à fabriquer de l'engagement. Si possible en quantité et qualité parfaitement énormes.
Mais là encore, ça ne suffit pas. Prenez dix collaborateurs parfaitement compétents, outillés et désireux de faire, tout ce petit monde ne tiendra pas bien longtemps s’ils n’aiment pas ce qu’ils font et/ou n’ont aucun intérêt à le faire. Ces deux derniers points nous amènent à toutes les formes de culture d'entreprise, de motivation et de reconnaissance qu’une organisation et le management au premier chef (sans jeu de mots) peuvent et doivent apporter.
On le voit, une entreprise apprenante ne se contente pas d’avoir une GED, un Knowledge Management, un Réseau Social d'Entreprise ou la dernière suite collaborative à l’état de l’art. C’est aussi et surtout une organisation qui sait apprendre en permanence d’elle-même et de son environnement pour améliorer en continu son ou ses organisations du travail, ses modes de fonctionnement, sa culture et ses pratiques managériales, son approche du développement des compétences, l’intelligence de ses espaces de travail, sa manière d’innover, de réfléchir et de collaborer ensemble, son agilité, sa résilience, ses process….bref, sa capacité à vivre, grandir et survivre.
Le chemin peut sembler long, darwinien et semé d’embuches. Il l’est. Mais ne dit-on pas que même le plus long des voyages commence par un premier pas ?
CEO Communication Agency ✒️ D’un Mot à L’Autre : Créatrice de contenus écrits et audio, Journaliste, Formatrice 🎤Experte La Voix du Parfum : Storytelling, Conférences, Ateliers, Cours, Séminaires, Podcasts de marque
5 ansDucarre Elisabeth
Customer and Employee Experiences Digital Transformation Director chez Orange Consulting
5 ansMerci Frédéric, dans une période où la transformation des entreprises n’est plus une option, l’organisation apprenante est un ingrédient indispensable pour réussir les changements et s’adapter aux nouvelles attentes des collaborateurs et des clients.