MAISON D'ARTISTE : LA VILLA ASGER JORN

MAISON D'ARTISTE : LA VILLA ASGER JORN

Visiter la maison italienne du peintre danois Asger Jorn – de son vrai nom Jorgensen - est un pur moment de bonheur et de poésie. Mais cela se mérite… Située dans la petite ville ligure d’Albissola Marina, la « casa » de l’artiste qui s’illustra notamment au sein du mythique groupe CoBrA n’est ouverte au public qu’avec parcimonie. Et il faut un peu chercher sur les hauteurs de la commune pour parvenir enfin à la dénicher. A quelques mètres de la maison où vécut le poète italien Gabriele d’Annunzio et non loin de celle du peintre cubain Wilfredo Lam.

Un secret bien gardé et c’est tant mieux car, quelques centaines de mètres plus bas, les voitures défilent en rang serrés le long de la côte qui mène à Gênes. Comme les touristes qui tentent de se frayer un chemin d’accès vers la mer. Et si le nordique Jorn y trouva son bonheur avec femme et enfants dans les années cinquante, il serait sans doute aujourd’hui beaucoup plus à l’étroit.

A l’époque, le peintre jette son dévolu sur un terrain en friche et un bâtiment à l’abandon, mais surtout sur un lieu calme et baigné de soleil où il installe un campement de fortune. Avec l’aide de quelques amis, dont Umberto Gambetta, dit « Berto », Jorn en fait petit à petit le lieu magique qu’il est aujourd’hui. Pierre après pierre, fresque après fresque, sculpture, mosaïque, gravure : ce touche-à-tout de génie façonne à son rythme les moindres recoins de la modeste propriété.

Comme le Facteur Cheval avant lui, Jorn se fait tour à tour maçon, terrassier ou encore carreleur. Un homme de l’art au sens propre comme au figuré. Albissola est « la » ville de la céramique sur la côte ligure ? Le natif de Vejrum s’initiera donc à « l’art du feu ». Après la peinture, le dessin, la gravure, la sculpture et l’écriture, Jorn ajoute une nouvelle corde à son arc.   

En témoigne ce petit pêcheur en terre cuite – marinière jaune et bleue, pantalon violacé et casquette bicolore à pompon – qui s’est fait une place dans un mur, aux côtés d’une assiette en morceaux où le maître des lieux a aussi laissé sa patte. « La distinction absolue entre peinture et sculpture n’existe pas » disait celui qui fit ses premières armes sous la houlette de Fernand Léger.

Et Jorn le démontre partout : accrochée à une fresque colorée, une étrange gargouille émaillée toise le visiteur. Ici, une frise de carreaux fleuris domine une œuvre maçonnée où coquillages, concrétions de calcaire, galets et pavés de granit s’en donnent à cœur joie. Plus loin encore, c’est un cavalier de terre cuite qui chevauche au grand galop un mur de pierres grises et de morceaux de marbre.

Dans le jardin de sa résidence-atelier, en partie cachée par une végétation luxuriante, une source clapote au sein d’une grande niche sombre. L’artiste danois y a composé une improbable crèche avec un peu de terre glaise. Trois silhouettes plus grandes que les autres se détachent dans l'obscurité, deux formes humaines, sans doute Marie et Joseph, et celle d'un bœuf qui semble réchauffer de son haleine un imperceptible enfant Jésus.

L’intérieur de la villa et de ses dépendances foisonnent également d’œuvres beaucoup plus colorées - assiettes, fresques, bouteilles, sculptures - où Asger Jorn, parfois imité par ses quatre enfants, a laissé son empreinte. Une marque indélébile qui fait de ce musée imaginaire un haut lieu de l'art moderne. Une maison d'artiste, encore et toujours habitée.





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