Management & Émotions II: colère, bonne ou mauvaise conseillère ?

Management & Émotions II: colère, bonne ou mauvaise conseillère ?

Les 6 émotions fondamentales identifiées par Paul Ekman sont la joie, la tristesse, la peur, la colère, la surprise et le dégoût. Nous vous proposons d’initier une série d’articles consacrés à ces émotions, leur rôle, leurs avantages et leurs limites dans le management et le leadership.

Nous débuterons avec la colère, reine des émotions, trop souvent perçue comme symbole du pouvoir et de ses excès…

« Colère », « cholestérol », « choléra »… Même combat !!! En effet, ces trois mots ont la même origine. Ils sont dérivés du vieux mot français « chole », lui-même issu du grec « kholê » que l’on peut traduire par « bile ». Suivant la théorie des humeurs développée par la médecine antique, le corps humain était gouverné par quatre humeurs : le sang, la lymphe, l’atrabile et la bile jaune. Cette dernière était considérée comme une humeur chaude et sèche. Chez les anciens, elle était rattachée à l’élément feu et caractérisait les « bileux » enclins à la colère.

A l’heure du « slow management » et de l’entreprise libérée, cette parenté avec le cholestérol et le choléra fait-elle de la colère une émotion à proscrire ? Bien entendu la réponse n’est pas si simple…

En entreprise la colère a désormais mauvaise presse. Elle est vite assimilée (parfois à juste titre) à une perte de contrôle. Elle est d’autant plus stigmatisée chez les leaders et les managers qu’elle est devenue un des éléments contextuels du harcèlement, de la dépression et du « burn out ». L’image du petit chef hurlant est de moins en moins bien supportée… Mais comme la joie, la tristesse et la peur, la colère est une des quatre émotions de base qui constituent notre petit capital émotionnel à la naissance.

Nous allons donc passer en revue les mécanismes de la colère et le meilleur moyen de la canaliser pour finalement en faire une alliée…

Les mécanismes de la colère

Ira furor brevis est : animum rege, qui, nisi paret imperat » (Horace)

« La colère est une courte folie : maîtrisez vos passions, ; si elles n’obéissent pas, elles commandent. »

Le cerveau est composé de trois parties : le néocortex (le cavalier), le limbique (« le cheval sans cavalier »), et le reptilien (« le reptile sans laisse »).

Le néocortex est le lieu de la pensée. Il analyse, anticipe et prend les décisions. C’est le cavalier qui fait corps avec les deux autres parties du cerveau : le cheval et le reptile.

Le limbique est l’héritage des premiers mammifères et se superpose au reptilien. Il est le siège des émotions, de l’affectif, du ressenti, des pulsions, des croyances, des sentiments… Il fonctionne suivant un système binaire: bien/ mal ; récompense/ punition ; bonheur/ malheur Etc…


Il agit comme un filtre. Il sélectionne l’information, la colore et la déforme. Il est irrationnel et imperméable à toute logique. C’est pour cette raison, qu’il ne sert à rien de s’expliquer pendant un conflit…

Lorsque nous sommes en colère, le « cheval » (le limbique) s’impose. La « contractilité » cardiaque augmente, le sang est dirigé vers les organes les plus importants pour l’action imminente (muscles squelettiques, muscle cardiaque…), les bronches se dilatent pour une meilleure oxygénation, le foie libère une plus grande quantité de glucose dans le sang. Le limbique est submergé par l’adrénaline, l’émotionnel prend le pas sur le rationnel : il va y avoir du sport !

Reconnaître la colère

Courroux : colère noble ne convenant qu’à des gens de la taille d’Assurbanipal ou de Nabuchodonosor.”Pierre Daninos

La colère sert à mettre des limites et à chasser les intrus. Comme nous l’avons envisagé précédemment, elle prépare le corps à la bataille… Elle apparaît dès lors que l’on ressent une menace. Cette dernière notion est vaste. Elle peut prendre la forme d’une trahison, d’une violation de mon territoire, d’une atteinte à ma survie même, d’une contestation de mes idées ou de mes croyances… En entreprise cela peut concerner une remise en cause de ma zone de confort (bureau…), des attributs liés à mon statut (salaire, intitulé de poste…), de mes responsabilités (définition de fonction, portefeuille clients…).

La colère peut être un excellent indicateur si on sait la décrypter. Elle peut aussi nous faire « disjoncter » si on n’arrive pas à l’exprimer à travers une « saine » colère. Dans ce dernier cas, une accumulation de contrariétés mises « sous le tapis » peut se transformer en rage dévastatrice.

Le meilleur moyen de « faire passer » la colère, c’est encore d’obtenir la reconnaissance d’un préjudice ou/et une réparation, même symbolique. Dans le cas contraire, le cerveau limbique ne sait faire qu’une seule chose : toujours plus !!! Les plombs peuvent alors sauter à tout moment, avec une perte totale de contrôle. Le limbique va « forcer » le passage en recourant à l’agressivité, puis éventuellement à la violence…

Toute émotion non évacuée et reconnue, se cristallise et remplit un vase d’amertume. Elle siphonne alors notre réservoir d’énergie quotidienne…

Être en colère peut donc être considéré comme une fonction salutaire, voire salvatrice, en fonction des situations auxquelles nous devons faire face. Mais il ne faut pas se laisser déborder ou submerger, au risque de voir la rage s’installer. Dans ce cas, les processus conscients vont se trouver bloqués au profit de comportements réflexes… Tout devient alors possible, y compris le pire.

Canaliser la colère

Quand vous êtes en colère, comptez jusqu’à quatre. Quand vous êtes très en colère, jurez.” Mark Twain

Lorsqu’on sent arriver les prémices de la colère, il est encore temps de faire quelque chose : respirer, regarder ailleurs quelques instants, se mettre à écouter les sons de notre environnement.

Comme le suggère l’enseignement de la MBSR, vous pouvez mettre sur STOP :

S : « stop », je m’arrête

Je sens venir la crise, je quitte les lieux, je coupe la discussion… ;

T : « take a breath », je respire

Je reprends mes esprits, je débranche le circuit de la colère par des techniques de relaxation par exemple (à ce sujet, on peut s’intéresser à la sophrologie, la MBSR, le yoga…) ;

O : « to observe », j’évalue

Je privilégie la réflexion aux comportements réflexes. J’analyse l’événement (« qu’est ce qui me semble menaçant, insultant, choquant ? », « est-ce que cela l’est vraiment ? », « est-ce que je n’exagère pas ? »…) ;

P : « to proceed », je vais de l’avant

Le néocortex fait à nouveau corps avec le cerveau limbique, le cheval a retrouvé son cavalier. Je suis apte à avoir le comportement juste et à avancer…

Votre manager vous horripile dès lors qu’il vous certifie que le projet doit être livré mercredi, alors qu’il vous avait assuré que c’était pour vendredi ? Avant de commettre l’irréparable, reportez la discussion à plus tard. Trouvez n’importe quel prétexte pour sortir, mais allez prendre l’air… ou trouver un collègue plein d’empathie qui saura vous écouter.

Pour faire face à une personne en colère… il est surtout urgent de ne rien faire !!! Mieux vaut attendre qu’elle s’arrête d’elle-même. Ne pas hésiter à adopter une attitude conciliante en attendant de voir passer l’orage. L’humour et le sourire peuvent briser l’énergie de la colère. Enfin la « reconnaissance » de la colère de l’autre (donc de l’injustice ou de la menace qui l’a généré) peut être une bonne manière de la voir retomber rapidement… Tel un pompier, il vous faut priver le feu de son combustible…


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Pierre CALVO

Agiliste indépendant

6 ans

Merci pour cet article intéressant sur un sujet loin d'être anecdotique, au vu des impacts de la colère sur les personnes et les organisations. Comme vous l'indiquez, il est crucial de reconnaître sa colère, et de la comprendre, comment a-t-elle pu avoir prise en moi ? qu'est-ce qui m'a déstabilisé, pourquoi ? (cf homéostasie) Vos conseils (méthode STOP), de bon sens, sont à appliquer avant qu'il ne soit trop tard, avant "la perte de contrôle". J'encourage cependant aussi à prendre ce problème plus en amont en rectifiant notre perception des relations et des événements, pour éviter cette dérive conflictuelle (et du toujours plus). Les différents courants philosophiques nous ont apportées des réponses concrètes, permettant entre autres de contrer ces "fatalismes fonctionnels". Profitons-en ! Une mise en pratique actuelle se retrouve dans la qualité relationnelle.

Arnaud Legrand [bnıɹʞʎ]

BToB Classy - Art & Design : Installation, Design d'espace - E-Commerce d'objets et mobiliers Design

7 ans

Il m'est toujours agréable de découvrir, par la lecture de son article, la précision et la justesse du travail d'un coach. Ces moments où l'on ressent un alignement professionnel avec un parfait inconnu est une émotion très inspirante, une sorte de reconnaissance de sensibilité qui m'invite tout naturellement à "devoir" prendre contact avec vous. Le thème de l'émotion commence à prendre la place des concepts déjà trop usités "d'entreprise libérée", "de pleine conscience" (sans froisser votre certification ;-) )... La disruption est également un mot faisant partie de votre vocabulaire, le choix de certaine images illustrant votre publication en est d'ailleurs un signe. Il y a entre l'art et votre pratique du coaching la même proximité que notre travail de mise en scène et vos réflexions sur la force de l'émotion.

Corinne ALBERINI VOLFF

Cheffe de Département Maîtrise des Risques et Contrôle Interne - Éthique & Conformité Coach Certifiée Accréditée Karpman Process Model

7 ans

Merci beaucoup pour ce partage 😊

John Calou

Consultant Formateur Coach chez Consulting

7 ans

Formidable autant sur le fond que la forme . J eprouve une jalouse colère...

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