Management et exemplarité
La notion d’exemplarité exhale un léger parfum de vertu morale, et évoque pour les anciens écoliers que nous sommes cet élève travailleur qui accumulait bonnes notes et bons points, et qui passait à nos yeux pour légèrement fayot… Le terme « exemplaire » qualifiait aussi, dans nos livres d’histoire, le comportement héroïque du soldat décoré pour avoir justement « montré l’exemple » à ses camarades.
Si la société attend de l’élève qu’il soit studieux et du soldat qu’il soit courageux, et que leurs meilleurs représentants incarnent des exemples pour leurs congénères, de quel exemple a donc besoin le monde de l’entreprise pour user et abuser de ce mot d’exemplarité ?
Pour rester simple et aller droit au but, l’entreprise et, de manière plus large, la société, attendent du manager qu’il s’applique à lui-même et sans concession les règles qu’il a participé à édicter ou qu’il a acceptées en même temps que les responsabilités qui lui ont été confiées.
Cet engagement à respecter soi-même les règles, et cela de manière visible mais non ostentatoire, conforte aux yeux des employés le bien-fondé de ces règles et fonde la crédibilité du manager.
Cette attitude est devenue d’autant plus importante que l’autorité brute et gratuite disparaissait au profit d’une autorité fondée sur la conviction. Le premier mode d’autorité, qui utilisait la coercition et ne réclamait aucune adhésion, lui préférant la soumission, était celle des troupes surnuméraires que l’on menait au front à la baguette, celle des équipages recrutés de force et celle des usines du taylorisme. Le mode d’éducation des employés de notre siècle, leur accès à l’information, une certaine conquête de l’égalité sociale, ont évacué ce caporalisme pour faire place à une exigence de compréhension, d’adhésion et de participation. Avec la disparition partielle de la coercition, l’exigence d’une autorité intellectuelle et morale s’est renforcée. L’exemplarité est donc le fondement de cette autorité sereine et naturelle qui ne connaît ni le garde-à-vous, ni les jours d’arrêt, ni aucune sorte d’arbitraire.
Avec l’exemple naît le respect, et sans respect, il n’est pas d’autorité efficace. Quel respect espère-t-on inspirer et dans quel but ? L’une des postures nécessaires du manager est celle du décideur. Une bonne décision doit être justifiée, communiquée, comprise puis acceptée. L’acceptation de la décision peut s’appuyer sur un raisonnement rationnel ou, à défaut, sur la confiance qu’aura le collaborateur dans la clairvoyance et la justesse de jugement de son chef. Au-delà de cette intelligence analytique dont le manager aura su apporter la preuve dans l’exercice passé de ses fonctions, c’est la certitude que la décision sera appliquée de manière juste et équilibrée qui va emporter l’adhésion. Or, cette certitude se construit sur la confiance qu’inspire la personnalité du manager : on pourrait parler ici d’une forme d’honnêteté intellectuelle. Y-a-t-il là un aspect moral ? Certes, dans la mesure où le fonctionnement social réclame cette forme de consensus culturel. Si mon propos n’est pas d’introduire ici un jugement de valeur, quoiqu’il soit difficile de parler de management sans parler de valeurs humaines, je veux souligner combien cette exemplarité, qui véhicule le respect, est vecteur d’efficacité : l’efficacité veut qu’une décision soit reconnue et acceptée pour être appliquée, et l’exemplarité, fondement de la crédibilité, porte cette reconnaissance et cette acceptation. Les valeurs humaines et l’efficacité se conjuguent ici, ce qui n’a rien d’étonnant puisque notre terrain d’expérimentation concerne l’homme au travail.
L’exemplarité est donc porteuse de respect mutuel : elle procure, comme expliqué ci-dessus, un capital de respect au manager, mais elle démontre aussi tout le respect que celui-ci a pour ses collaborateurs. En ne se plaçant pas au-dessus des règles générales, en ne s’arrogeant aucun passe-droit qui ne soit justifié, le manager montre qu’il est membre à part entière de l’équipe et qu’il connaît les contraintes que les règles édictées font subir aux employés puisqu’il se les applique sans concession, voire même de manière… exemplaire.
Si l’exemplarité n’est pas la seule qualité que le manager doit cultiver, il n’y a pas de management efficace possible sans exemplarité.
Experienced Manager | International Operations Performance | Projects Environment | Industry & Engineering
8 ansUne condition non suffisante mais ô combien nécessaire
Président Quaternaire
8 ansC est tellement vrai et parfois oublié