Marri Christmas ?
Marri oui, comme la définition du dictionnaire : Etre marri, être désolé de quelque chose ou contrarié, fâché.
C’est ce que ressentent parfois les parents divorcés, dont les enfants, qu’on ne peut décidément pas couper en deux, passent Noël chez papa, et le Nouvel an chez maman. Ou le contraire, ça marche aussi.
Douloureuse rétrospective de temps heureux, de temps unis glissant lentement vers des amants désunis et des parents désemparés !
Enfin je sais pas vous, mais moi, Noël a toujours un petit goût un peu amer, un peu difficile, un peu, allez, disons-le, rance. Pourtant, le reste de l’année, j’ai depuis fort longtemps passé par-dessus la barrière, sauté l’obstacle comme un beau cheval de concours. C’est que dans ma vie privée aussi, je dois être performante, n’est-ce pas…
Passons, il s’agit de la trêve de Noël. La trêve dont, si on enlève juste la première lettre, reste le mot rêve. La trêve permet le rêve. Le rêve de ce qu’on aurait voulu et qui n’est plus, le rêve d’une famille qu’on allait voir pousser doucement au coin du feu, avec grand-papa qui allumerait les épis qui font des étincelles en empêchant le euh… «premier de cordée» de quatre ans d’attraper les étoiles «attention ça brûle !»… un grand-papa prudent qui prendrait le temps d’avoir une carafe d’eau à portée de main pour toute étincelle intempestive… Et grand-maman avec ses «biscuits cœur» nappés d’un centimètre de «sucre glace» à s’en relever la nuit et à en être malade juste après…
Grand-papa est parti au ciel rejoindre le Père Noël, grand-maman ne fait plus de biscuits et cette année, une fois encore, les petits fêtent ailleurs, ailleurs et mon cœur est dans le décor. Le décor et moi ça m’écoeure.
Et pourtant je n’oublie pas qu’en son temps, les tensions entre les diverses parties de la famille étaient réelles, la médisance parfois au bout de la fourchette, l’ennui planté interminablement sur sa chaise en attendant l’ouverture de cadeaux qui mettaient parfois, trop souvent les uns et les autres en inutile compétition.
On était loin, dans ma famille comme dans celle de mes proches, d’un Noël joyeux, d’un Noël dans le cœur, vraiment dans le cœur.
Et pourtant, peut-être justement avec ce qui a été vécu et traversé, grâce à ces douleurs, grâce à ces crève-cœur, je me dis qu’aujourd’hui, si j’avais la chance de fêter Noël avec la famille recomposée comme on rembobine un mauvais film, avec un grand-papa qui aurait survécu à son cancer foudroyant, je me dis qu’aujourd’hui, peut-être, je saurais faire mieux. Bien mieux.
C’est peut-être ça qui me donne de l’espoir. Les acteurs ont changé, mais la possibilité de nous éclairer les uns les autres reste, éternelle. J’ai le choix, aujourd’hui, de mettre des guirlandes et des étincelles dans ma vie. On a tous ce choix.
Alors, de tout cœur, Joyeux Noël. Merry Christmas !
Christine Camporini