Mauvais choix
L'an passé, à mon retour de vacances estivales, ma chronique portait sur le fait que j'avais voyagé avec un compagnon désormais indispensable à tous les plaisanciers : Google. Cette année, j'ai continué à l'amener avec moi dans ma valise, même si ses étoiles ont à mes yeux réellement pâlis puisqu'ayant succombé à la vague "intelligence artificielle", perdant de leur superbe par un manque flagrant d'authenticité.
J'y reviendrai certainement un jour dans une chronique, mais pour aujourd'hui, ce n'est pas le sujet dont je voulais parler. Durant mon voyage à l'extérieur du pays, j'ai beaucoup observé. Les paysages certes, qui étaient magnifiques, mais aussi les gens, le monde, dont je croquais les instant de vie, à travers la lentille de mon appareil photo numérique, celui qui pendouillait en bandoulière autour de mon cou, pas celui qui était continuellement dans ma poche. Et dans ces instants de vie, un objet s'invitait très souvent : le téléphone cellulaire. Sur la plage, dans la rue, au restaurant. Dans les plus beaux points de vue à des centaines voire des milliers de mètres d'altitude, il n'avait cesse de revenir dans mon champ visuel, ce boitier rectangulaire, doté d'un écran au travers duquel un contenu hypnotisant gagne trop souvent la bataille, même quand l'adversaire est une nature qui s'est bâtie à coup de millénaires, s'offrant pourtant dans un magnifique spectacle, ou quand l'adversaire est tout simplement ces personnes que vous chérissez, que vous aimez, avec qui vous avez décidé de faire ce voyage, mais qui disparaissent à partir du moment où vos yeux sont rivés sur cette distraction, au temps cognitif désormais beaucoup trop long. Mais me direz-vous, c'est leur votre choix. Et il semble d'ailleurs être accepté par la plupart du monde, si je me fie à mon observation. Mais tous ces gens se sont-ils posé la question si c'était aussi la préférence de leurs enfants ? Car oui, j'avoue avoir été choqué de voir autant de jeunes, très jeunes enfants, passer le temps d'un souper scotchés à un écran qui diffusait du contenu que les parents ne vérifiaient même pas un instant, et qui les enfermait dans une bulle totalement hermétique aux autres, ne participant aucunement à la conversation, ni à l'ambiance ou l'atmosphère plaisante des vacances, mais bien plus grave que ça, n'étant d'aucun intérêt aux yeux de leurs parents, frères, soeurs, oncles, tantes... eux-mêmes rivés à cet objet de détournement d'attention.
Alors je me suis dis que ce serait le premier sujet dont je parlerai pour ce début de nouvelle saison de mes chroniques, dès mon retour de vacances. Puis j'ai écouté en rattrapage et en rafale les épisodes du balado Mon Carnet. Particulièrement cette entrevue avec la professeure et chercheure Caroline Fitzpatrick qui a publié une étude sur l'impact des tablettes sur les jeunes enfants. Le sujet avait donc été couvert durant mon absence, et de façon très éloquente, je me devais d'en trouver un autre. Mais impossible d'ôter de ma tête toutes ces images de tablées de gens absents les uns pour les autres, bien mieux nourries par un scroll incessant que par ce qui se trouvait dans leurs assiettes, bien plus satisfaits par une conversation qu'ils n'avaient pas avec ceux qui n'étaient pas présents que par un sourire et une chaleur humaine des êtres pourtant assis sur les chaises d'en face. Alors j'ai décidé de conserver mon sujet.
Comment dès lors expliquer qu'un couple, potentiellement amoureux l'un de l'autre, qu'une famille, potentiellement heureuse ensemble, s'oublie dans les méandres d'un contenu qui pourrait être vue plus tard, les privant d'un instant présent à vivre ? Comment expliquer que ces téléphones intelligents sont devenus une partie intégrante de notre quotidien ? Car ça ne sert à rien de se voiler la face, nous avons tous développé une habitude, voire une dépendance à vérifier constamment nos notifications, nos messages et surtout nos réseaux sociaux. Serait-ce un échappatoire à nos vies ? Une façon de ce désennuyer ? Combien de fois, moi, plus jeune, j'ai pu dire à ma mère "m'an, j'm'ennuie, j'sais pas quoi faire". Nos jeunes utilisent-ils encore ce genre de phrases ou le problème est réglé ? Le cellulaire a-t-il remplacé la cigarette pour ce donner de la contenance dans un contexte social ? Avons-nous peut-être se besoin viscéral d'être ultra productif à toutes heures de la journée ? Ressentons-nous une pression continuelle à rester au courant de quelque chose ? Avons-nous ne serait que conscience de l'impact que tout ça peut avoir sur nos vies et celles des autres ? Ce sont toutes ces questions qui me venaient en tête quand j'observais cet échantillon de notre société pourtant en vacances.
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En 2023, le journal Le Monde, publié les résultats d'un sondage qui faisit état que 61% des français estimaient que leur coinjoint.e passait trop de temps sur leur téléphone, se posant la question jusqu'à quel point il fallait préserver notre sphère intime de l'invasion du numérique. Et ça semble vrai comme statistique quelque soit l'âge, puisque la pandémie à amené nos plus seniors a utiliser ces outils, et je faire prendre au piège comme tout le monde. Selon le Digital Report de 2021, les canadiens passaient chaque jour six heures et 26 minutes sur internet, dont plus de deux heures sur les réseaux sociaux. Selon Marie-Ève Daspe, professeure agrégée au département de psychologie de l'Université de Montréal, c'est probablement une des raisons pour laquelle il est commun aujourd'hui de connaitre des problèmes affectifs liés à l'utilisation des nos actifs numériques. Pourtant, et je la cite, « Les technologies numériques peuvent réellement contribuer à échanger des mots d’affection, exprimer des émotions et s’apporter un soutien mutuel; elles permettent aussi de partager avec ses amis des publications et des images relatives à son couple qui peuvent contribuer à cimenter la relation ». Mais se pointe aussi le bout de son nez, la jalousie et la surveillance électronique selon elle, tel que le précise un article justement publié par l'Université de Montréal, ce qui lui fait dire que «Plus une personne utilise les réseaux sociaux, dont Facebook, plus elle s’expose à toutes sortes d’informations sur l’être aimé qui peuvent lui paraître ambigües, comme percevoir un rival potentiel chez quelqu’un qui a aimé une de ses publications. »
Et malgré tout ça, à l'heure des repas de vacances, à l'heure de la plage, à l'heure de l'apéro, à l'heure de la visite de lieux que nous ne verrons qu'une seule fois, nous invitons systématiquement nos téléphones cellulaires à être des nôtres... en fait, petite rectification. Nous invitons systématiquement nos téléphones cellulaires à être nous, pas avec les autres. Je ne suis pas ici nostalgique, mais inquiet de la société qui est en train de se construire sur nos écrans. C'est donc une chanson de Michel Jonaz qui me vient présentement en tête, dont les paroles sont : " On allait au bord de la mer, avec mon père, ma soeur, ma mère. On regardait les bateaux, on suçait des glaces à l'eau. Sur la plage pendant des heures, on prenait de belles couleurs". Me semble que ça devrait encore être ça la vie non ? Ces petits bonheurs simples, en famille ou entre amis. Mais est-ce encore possible ? Ou sommes-nous devenus des otages numériques. Je vous laisse sur cette réflexion et m'en vais profiter des quelques heures de vacances qu'il me reste encore au moment ou je couche ces mots sur le papier.
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4 moisDe la même façon que nos parents furent nostalgiques de certaines choses face à l'évolution des technologies et de la société (tu sais, le "dans mon temps...") avec lesquelles notre génération a grandi, je crois que nous passons aujourd'hui par le même chemin. Cela dit, je suis tout comme toi nostalgique et je trouve qu'il manque de modération. Le "doomscrolling" est un outil, une pratique que les plateformes exécutent à la perfection, combiné avec le FOMO pour renforcer le "attention econony" dont leur revenus sont tributaires. Il faut en être conscient et je crois qu'à partir de là, c'est le début de quelque chose. Encore une fois, il faut continuer d'éduquer nos jeunes sur ces principes. Bon retour de vacances, elles ont l'air d'avoir été bonnes! :)