Modernité Responsable / « Collaboratif – Coopératif, une autre intelligence pour demain ! » - 2ème Partie
La rapidité est une des caractéristiques majeures de notre société. Faut‐il s’en plaindre et défendre des positions passéistes à son encontre ou considérer, et c’est ce que je défends dans mes conférences traitant de la Modernité Responsable, qu’il reste possible de la voir comme un levier animateur de progrès plutôt que comme les mâchoires d’un frein diabolique.
Cette rapidité, certes, signifie, à la fois, un état global de décohérence de notre société ainsi qu’un changement profond de référentiel pour chacun de nous, nos vies sont devenues multiples. Mais saisir la chance du changement qu’offre l’innovation collaborative ‐ coopérative aujourd’hui est une réelle opportunité de progrès. Dans ces mots, il n’est nullement question de provoquer ou de militer pour une accélération supplémentaire en amplifiant encore les effets des technologies de l’information sur nos vies. Le collaboratif – coopératif est un risque mesuré lié au travail à fournir pour se bouger et vaincre nos propres résistances à ce changement qui nous inquiète d’autant que nos équilibres sociaux sont indéniablement fragilisés.
Car comment se positionner vis‐à‐vis de ces changements successifs ? Comment pouvoir faire le tri entre ce qui est pertinent et ce qui l’est beaucoup moins ? Quelles sont les innovations d’aujourd’hui qui seront les réalités de demain ? La véritable question est souvent là en fait : la question de l’usage.
L’évolution hyper rapide de nos modes de vie que nous imposent des changements technologiques, successifs et permanents, nous obligent à modifier notre vision de l’éducation, de la formation, de l’emploi, des marchés. « On » aimerait parfois que les choses ralentissent mais « on » aimerait surtout que nos organisations représentatives prennent en compte cet état global hyperfréquence mais ce n’est pas le cas. Les anciens modèles meurent l’un après l’autre. Et pourtant, nos représentants ne défendent que des avantages du passé, des acquis qui ne répondent plus aux nécessités du moment. Nos économies sont bien trop orientées vers l’argent comme seule valeur reconnue.
Et si tel est le cas, le fait que la croissance soit quasi nulle depuis 10 ans, que les entreprises sur leurs marchés aient de plus en plus de mal à vivre, ne fait que renforcer les méandres d’incertitudes et de sentiments confus d’insécurité dans lesquels nous nous trouvons. Le changement reste d’autant plus effrayant dans cette crise économique actuelle qu’il cristallise en lui‐même l’insécurité d’un monde en mutation permanente !
La crise n’est donc pas crise, juste la caractéristique d’un état nouveau de nos équilibres macroéconomiques.
Nous allons devoir apprendre à vivre dans un monde défini ou caractérisé par son état de changement permanent ? Est‐ce bien nouveau d’ailleurs si on en croit Darwin, ou nous‐a‐t‐on « formaté » dans le continuum d’un modèle de création de valeur qui arrangeait globalement « celles et ceux qui ont le pouvoir de l’argent », avec comme justificatif modérateur, l’illusion de l’accessibilité à la richesse ? La question du libéralisme est donc bien réelle, mérite une réponse politique et économique que je vous proposerai dans un autre article.
L’option la plus naturelle serait d’intégrer, dans notre ADN individuel et collectif, l’innovation en en faisant une caractéristique fondamentale plutôt que d’en faire la meilleure mesure de notre résistance au changement. Sauf que l’innovation reste un grand flou artistique. Il suffit pour s’en convaincre de voir la dramaturgie opérationnelle des énergies renouvelables qui, en l’état, ne sont pas des modèles vertueux recevables, ou les choix douteux de politiques industrielles qui se veulent « protectionnistes » comme le plan diesel automobile dans les années 2000. Demain, des milliers de possesseurs de motorisation diesel vont se voire interdit de Paris au seul titre qu’ils sont trop polluants. La faute à qui ? Les plus aisés vont changer de voiture sans trop de difficultés. Les autres vont payer beaucoup plus chers et, de plus, seront accusés d’inconscience délétère…
Comment initier la confiance ? Les clivages vont devenir des gouffres. Les inégalités des clans partisans. Le besoin d’un réel débat sur l’identité se fait urgemment ressentir. Si l’entreprise anime un profit durable, un profit dont les composantes ne seraient pas que financières, alors l’argent ne serait plus, pour elle, la seule finalité. De même, si s’adapter est essentiel à la performance globale de l’entreprise, alors tout ce qui va gêner sa capacité à manager le changement est susceptible de représenter une menace. Or, les résistances au changement sont souvent de cet ordre car ce dernier est généralement assimilé à un désordre potentiel, donc à un risque court‐terme de baisse de performance. Ce n’est que dans les milieux les plus défavorisés que le partage coopératif est le plus présent car l’argent y a perdu toute valeur toxique. Ces populations doivent travailler ensemble, construire ensemble, développer ensemble pour faire face à leur précarité.
La question alors se pose de savoir comment construire un avenir qui ne soit pas si facilement « perturbable » par ce sentiment d’insécurité lié au changement. Quels sont les facteurs qui sont caractérisés par leur évolution permanente court‐terme et quels sont ceux qui répondent à des ambitions plus durables ? Ce sont ces ambitions qui doivent faire projet. En les partageant, je peux fonder, construire un système relationnel, managérial, humain, éthique stable, instruisant la confiance nécessaire à irradier notre intelligence collaborative et coopérative.
Cette nouvelle forme d’intelligence qui sous‐tend une autre ambition pour demain.
L’argent est vulnérable – Travailler semble universel
L’entreprise est faillible – Collaborer est universel
Le bien‐être est fragile – Coopérer redeviendra universel
Les éléments vulnérables ne sont étonnamment définis que sur des temps courts. Notre économie libérale n’a fait que renforcer les sentiments, pleins et entiers, de plaisir et de reconnaissance liés au désir d’acquisition immédiat, à la possession directe nous faisant oublier que le pouvoir de l’argent est plus insidieux. Il exige de la performance à court terme quant il est celui de l’actionnaire, de la performance moyen terme quand il est celui de l’investisseur, il engage chacun de nous sur de nombreuses années quand il s’agit de financer notre bien immobilier. Un moyen devenu critère de valeur. « On » ne dit plus « Ah, quelle belle personne ! », on dit « Ouahh, tu as vu le pognon qu’elle ou il se fait ! Quelle bagnole il a ! Quelle baraque ils ont !». Et quand il y a moins ou plus du tout d’argent que dit‐on alors de ces mêmes personnes ? Effectivement, les entreprises comme les gens, comme chacun de nous, n’échappent pas à la règle.
Trop souvent, les difficultés des entreprises sont souvent liées à la valeur réductrice du profit : l’argent. Cet état les fragilise d’autant plus et son unique expression, pour les plus importantes d’entre elles, devient sa valeur boursière. Ainsi, la qualité d’un résultat stigmatise davantage un état boursier dont la température impacte sa propre santé qu’un état productif ou d’innovation dont la nature devrait démontrer de ses véritables atouts…
Gagner de l’argent pour les entreprises est et deviendra de plus en plus difficile dans ces conditions.
Sans moyens d’investissement animé par la curiosité, l’intérêt, la recherche d’opportunités diront certains, l’entreprise se vide sans cesse de sa valeur et, arrivée à un certain stade d’appauvrissement, ne peut plus que payer ses salariés et ses loyers… L’on dit trop facilement qu’elle est devenue moins compétitive. Facile ! Délocalisation, suppression d’emplois, externalisations surgissent comme des diables de leurs boîtes.
Chronique d’une mort annoncée. Le monde tel que nous le voyons trop souvent quotidiennement.
D’où l’intérêt de faire projet dans la collaboratif – coopératif et d’initier les leviers de cette nouvelle intelligence pour demain.