Monthly Review : Décembre 2024
Avec la large victoire de Donald Trump, on observe une fois encore que les anticipations de marché sont plus fiables que celles des prévisionnistes. Alors que les sondages et les analystes politiques prédisaient un score très serré, les sites de paris en ligne ainsi que la performance des actifs sensibles aux résultats de l’élection suggéraient, eux, une confortable probabilité à la victoire des républicains.
À court-terme, ce résultat a soutenu la valorisation des actifs risqués américains – particulièrement les secteurs cycliques – et a créé une pression haussière sur les taux longs. Le narratif sous-tendant ces mouvements est que les mesures annoncées par le candidat Trump devraient, aux US, stimuler l’activité et ralentir la désinflation.
L’augmentation des droits de douane est la mesure la plus commentée. Elle concernera sans aucun doute la Chine mais les menaces exprimées par le futur président au sujet du Canada et du Mexique pourraient n’être qu’un élément d’une renégociation du traité de libre-échange. Le sort de l’Europe est encore incertain à ce stade. Au global, le taux moyen de droits de douane pourrait augmenter de 3 à 4 points.
Les mesures portant sur la réduction de l’immigration devraient ramener celle-ci à environ 750 000 par an, un niveau légèrement inférieur au régime d’avant la pandémie. Les réductions d’impôts de 2017, qui devaient expirer en 2025, devraient être reconduites à l’identique, avec quelques baisses d’impôts additionnelles, marginales en termes de montants. Sur le plan réglementaire, enfin, il faut s’attendre à des allègements dans les domaines de l’énergie et de la finance. Ceux-ci n’auront cependant d’effets qu’assez tard, après un procès législatif relativement long.
En termes d’activité, ces changements ne devraient pas remettre en cause les fondamentaux solides de l’économie américaine. Les droits de douane vont peser sur la demande par l’intermédiaire des prix, tandis que l’immigration va réduire la croissance potentielle. Ces deux éléments négatifs devraient être à terme compensés par le soutien budgétaire attendu. Au global, l’effet serait légèrement positif. Les effets de confiance sont les plus délicats à évaluer. Dans un premier temps, le passage de l’élection a réduit mécaniquement les incertitudes, ce que les mouvements de marché ont bien reflété. Au-delà, la communication entourant la mise en œuvre des réformes sera déterminante sur leurs impacts économiques (très négatifs si les agents économiques et financiers anticipaient une guerre commerciale totale).
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Sur l’inflation, l’effet est plus évident, une hausse de 1 point des droits de douane moyens entrainant théoriquement 10bp de hausse de l’inflation. L’objectif de la Fed, le retour du core PCE à 2,0% fin 2025, risque donc de s’éloigner d’autant. Cet effet s’ajoute à la persistance observée des composantes logement et d’autres services core. Le contexte inflationniste devrait donc induire un équilibre où les taux seront durablement plus élevés. L’expérience récente montre que l’économie américaine est à même de résister à ce vent contraire.
La situation de l’Europe apparait plus préoccupante, les données économiques, tant réelles que d’enquêtes, donnant des signaux négatifs convergents. Le PMI composite du mois de novembre est, à 48,1, largement en territoire récessif, en raison de la baisse des services. Ce secteur souffre finalement de la contagion du marasme manufacturier (les PMI sont en contraction depuis plus de deux ans) et d’un effet post-jeux olympiques s’agissant de la France. La faiblesse de l’activité devrait en revanche faciliter la tâche de la BCE et permettre un assouplissement monétaire plus rapide. Plus généralement, au fur et à mesure que les impacts économiques et monétaires de la pandémie se résorbent, le sort des différentes zones économiques devrait plus dépendre de facteurs spécifiques et les divergences devraient donc s’affirmer.