Mourir à vélo ou à cyclomoteur…
Le 31 janvier 2022, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) a publié le bilan, encore provisoire, de l’accidentalité routière en 2021.
Il a dénombré 3 221 morts en 2021. Dont 2 947 en France métropolitaine. Soit 5 tués par milliard de véhicules-kilomètres. Par rapport à 2019, année précédant la pandémie de covid-19, la mortalité en France (outre-mer compris) a diminué de 8 %. Vers 2010, la mortalité routière était encore un peu supérieure à 4 000 par an.
En 2021, 226 cyclistes et 92 cyclomotoristes se sont tués sur les routes et dans les rues de France métropolitaine.
En métropole en 2021, il y a eu 226 personnes tuées à vélo. Il n’y en avait que 187 en 2019 et 147 en 2010.
Crédit Petar Milošević (Wikipédia)
Pour les cyclomoteurs, dont la vitesse doit être toujours inférieure à 45 km/h, la mortalité a été de 92, contre 134 en 2019 et 248 en 2010. Selon l’ONISR, une mortalité de 92, c’est un risque d’être tué 17 fois plus fort qu’en conduisant une voiture. Pour les motocyclettes, la mortalité a monté à 578, contre 615 en 2019 et 704 en 2010.
L’aggravation paraît forte pour les vélos, tandis que l’amélioration paraît nette pour les deux-roues et trois-roues motorisés (2RM et 3RM), surtout pour les cyclomoteurs. Bien sûr, pour confirmer ou infirmer cette conclusion, il faut rapporter la mortalité aux trafics, c’est-à-dire aux voyageurs-kilomètres. Car c’est la seule unité de transport qui vaille en science économique.
Conduire un cyclomoteur serait-il deux fois et demi plus mortel que faire du vélo ?
Hélas ! il n’est pas facile de connaître le nombre des voyageurs-kilomètres par mode de transport, s’agissant des deux-roues. Un article de mars 2013 publié par Passion Moto Sécurité (« Combien sommes-nous ? ») l’a démontré avec un peu d’humour.
Signalisation routière en Nouvelle-Zélande en 2009 (CC BY-SA-3.0, Wikipédia)
Selon un rapport publié en 2013 sur « Les deux-roues motorisés » par le Commissariat général au développement durable (CGDD, ministère chargé de l’écologie et du transport), il y avait 942 000 cyclomoteurs en circulation en 2012, chacun ayant parcouru en moyenne 2 718 km. Selon l’ONISR en avril 2021, la moyenne serait plutôt de 3 395 km au cours des cinq années passées. Mais selon l’Institut national de sécurité routière et de recherches (INSERR), ce serait encore plus : 4 100 km par an, en moyenne sur 2016-2018. Trois évaluations, trois résultats très différents ! Ensemble, elles conduisent à un nombre de voyageurs-kilomètres compris entre 2,6 milliards et 4,8 milliards.
Conclusion toutefois excessive selon l’INSERR sur la période 2016-2018 ! Pour cet institut national, ce serait plutôt 2 milliards de voyageurs-kilomètres, en raison d’une nette diminution des circulations. Si c’était vrai, ce serait peu par rapport aux vélos (hors pratiques sportives) : environ 12,8 milliards de voyageurs-kilomètres si mon estimation est fondée (cf. mon article du 9 février 2022 dans « Le Train volant »). Je retiendrai néanmoins le nombre calculé par l’INSERR. Et cela, bien qu’il semble bien inférieur au nombre total des voyageurs-kilomètres de tous les 2RM ou 3RM en France métropolitaine : 14 milliards environ vers 2012. Le parc français des 2RM et 3RM serait composé de 25 % de cyclomoteurs, selon le rapport du Conseil général de l’économie (ministère chargé de l’économie) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (ministère chargé de l’écologie et du transport) sur le « déploiement des 2/3 roues motorisés propres » publié en mars 2018.
L’évaluation de l’INSERR conduit à une mortalité en 2021 de 18 tués par milliard de voyageur-kilomètre pour le vélo, et de 46 tués s’agissant du cyclomoteur. Deux fois et demi moindre serait donc le risque du vélo par rapport à celui du cyclomoteur en France.
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La sécurité routière du vélo et du cyclomoteur dans Paris est-elle la même ?
Mais il est plus intéressant de comparer vélo et cyclomoteur dans les grandes villes, surtout à Paris. Car les cyclomoteurs circulent surtout en ville.
Les équipements de sécurité obligatoires ou recommandés pour la pratique du vélo (Gouvernement sur la sécurité routière)
Selon le court rapport du gouvernement publié le 14 septembre 2020 sur le « Bilan sécurité routière ville de Paris », il y a eu, en 2018, 3 tués à cyclomoteur. Autant à vélo. Même mortalité, donc. Au cours de la même année, il y a eu 894 accidents avec cyclomoteur et 628 avec vélo. En 2019, selon un rapport de l’Observatoire des déplacements à Paris (« Le bilan des déplacements à Paris en 2019 ») : aucun mort s’agissant du cyclomoteur, 5 morts s’agissant du vélo. On a dénombré, cette année-là, 828 accidents de cyclomoteur et 751 accidents de vélo. En vérité, les accidents sont certainement plus nombreux (30 % de plus ?), car on ne compte souvent pas ceux qui surviennent sans tiers. Ces données démontreraient que la sécurité des vélos et des cyclomoteurs est assez semblable à Paris, si l’on ne prenait pas en compte les distances parcourues.
Vélo accidenté (Bojin - CC BY-SA 3.0)
C’est parce que sont considérés les accidents de tous les deux-roues ou trois roues-motorisés (2RM ou 3RM), c’est-à-dire ceux des cyclomoteurs comme des motocyclettes, qu’on affirme à tort que la moitié ou presque des accidents dans Paris les mettent en cause. Dans le bilan de septembre 2020 cité précédemment, ainsi est-il écrit : « Les accidents impliquant un deux-roues motorisé représentent 55,6 % des accidents corporels de la circulation en 2019. » Pour comparer avec le vélo, il vaut mieux se concentrer sur le cyclomoteur, et non sur l’ensemble des 2RM et 3RM.
Malheureusement, les statistiques publiques ne donnent jamais le nombre annuel des voyageurs-kilomètres pour les vélos et les cyclomoteurs à Paris. Néanmoins, l’auteur de l’article sur le « Vélo à Paris » de Wikipédia, en travaillant sur les données publiques, a déterminé que chaque jour de 2010, il y aurait 480 000 voyageurs-kilomètres pour le vélo, et 600 000 pour les deux-roues ou trois-roues motorisés. Osons extrapoler. De 2010 à 2019, le nombre pour les vélos a dû augmenter de 50 % peut-être, pour devenir 720 000. Tandis que celui des 2RM ou 3RM a dû diminuer de 25 % peut-être, jusqu’à 400 000. Mais dans les 400 000 voyageurs-kilomètres décomptés chaque jour à Paris, quelle était la part des cyclomoteurs en 2019 ? La moitié ? Le quart ?
Casque après un accident de 2RM (crédit Jeff Dean, 2007, Wikipédia)
Si l’on retenait la proportion la plus petite, le risque d’accident avec cyclomoteur serait quatre fois supérieur à celui du vélo à Paris.
L’économie et l’écologie de Paris ne tireraient-elles pas grand profit du cyclomoteur électrique concurremment avec le vélo ?
Le cyclomoteur reste donc un moyen trop dangereux. Mais en améliorer la sécurité est possible. Singulièrement en contrôlant plus fermement le bridage des moteurs, ainsi que la vitesse de circulation, presque partout de 30 km/h à Paris depuis le 30 août 2021.
Ce serait un argument de grand poids pour ceux qui défendent la place du cyclomoteur en ville, et l’avantage qu’il offre au regard de la pénibilité des trajets professionnels. On va plus loin à cyclomoteur sans grand effort. Selon la ville de Paris, la distance moyenne parcourue par un vélo est de 2,8 km, celle par un cyclomoteur de 4 km.
Le cyclomoteur électrique permettrait d’éliminer deux autres gros désavantages du cyclomoteur par rapport au vélo : le bruit et la pollution du moteur. Beaucoup de grandes villes d'Asie, par exemple, ont prescrit que presque tous les cyclomoteurs soient électriques : mais il est vrai que leurs prix y sont beaucoup plus bas qu'en Europe.
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