Musulman

Débutons par l’audition du principal accusé. Présentez vous et énoncez les faits qui vous sont reprochés.

Maroan, diplômé en sciences politiques, citoyen belge investi, et européiste convaincu. On me reproche d’être de confession musulmane.

Très bien, merci, vous pouvez vous asseoir. Passons maintenant à l’audition des témoins. J’appelle le premier témoin à la barre : Madame Laïcité.

Merci Monsieur le juge. J’aimerais rappeler que mon devoir est certes de veiller à l’application d’une loi, mais surtout de représenter l’esprit de cette dernière. Vivre ensemble implique d’accepter un socle de valeurs communes. Vivre ensemble nécessite de faire des choix et de les assumer quoiqu’il arrive. Le domaine public est un lieu où se rencontrent les différences, et non pas un champ de bataille dans lequel nos convictions se lancent des grenades et autres mortiers. Il est par conséquent demander à toutes et à tous de respecter cette sphère, et de ne pas confondre ses frontières avec son nid privé. Tout un chacun est libre de croire ou de ne pas croire, libre de pratiquer sa religion, ou d’au contraire réfuter toute appartenance religieuse, mais il n’est pas autorisé d’imposer ses croyances aux autres. Comment pourrait-on vivre dans l’harmonie ? Si ce n’est en respectant les convictions de son voisin, et surtout en lui assurant la liberté de culte. Alors oui, je suis né pour combattre toute ingérence de l’Eglise dans les affaires publiques, mais ma raison d’être n’est pas la mort des synagogues ou des mosquées. Au contraire, je suis là pour les défendre et éviter la guerre de tous contre tous ! En conclusion, d’après mes observations, il me semble que Maroan est tout sauf coupable, sa confession musulmane est en adéquation avec la philosophie de 1905.

Je vous remercie pour votre témoignage. J’appelle le second témoin à la barre : Monsieur Racisme.

Enfin ! Il était temps. J’ai dû me coltiner ces conneries. Merci Laïcité de nous avoir casser les bonbons avec cette présentation hypocrite !

Monsieur Racisme, je vous prie de surveiller votre langage ! Vous frôlez l’outrage au tribunal.

Bon d’accord, je vais faire un effort. Comment peut-on croire que ce Maroan n’est pas un danger pour la société ? D’après les statistiques, un musulman sur deux est un terroriste ! Et je ne devrais pas m’inquiéter ? Ils sont dangereux pour la Belgique et pour l’Europe, notre continent est judéo-chrétien, et une femme politique d’exception nous a rappelé que nous étions de race blanche. Ceci n’est pas suffisant ? Ils construisent des mosquées partout, ils nous obligent à manger des plats “Halal”, et nous sommes envahis par ces voiles et ces barbes. Bon, il n’est peut-être pas très poilu, mais je préfère rester méfiant. J’ai peur ! Vous comprenez, leurs coutumes et traditions rentrent en contradiction avec nos habitudes belges. J’en veux pas chez moi, un point c’est tout !

Merci pour ce témoignage Monsieur Racisme. J’aimerais dès à présent écouter la partie civile.

Merci, Monsieur le juge. Après m’être longuement entretenu avec ma cliente, Madame Société, il semblerait qu’elle soit perdue entre deux positions. Pointer du doigt le bouc émissaire que les médias lui ont servi sur un plateau, ou reconsidérer son jugement et accepter de prendre le temps d’écouter Maroan. Elle reconnaît être victime de ces discours populistes sans fondements rationnels, qui font leur apparition lorsqu’elle allume la télévision. Elle n’est pas dupe, une communauté ne peut être un danger. Tout comme nous, elle a eu des cours d’histoire, et se souvient de l’antisémitisme qui a construit des camps de concentration pour remédier à un bouc émissaire.

Merci Maître. Quelle est la conclusion du ministère public ?

Ecouter le principal intéressé.

Maroan, c’est à vous. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Merci.

Chaque jour, j’essaie d’être quelqu’un de bon. Chaque jour, j’essaie d’appliquer les enseignements islamiques. L’humilité, l’amour, la fraternité, la générosité, la patience, le respect sont des valeurs que le Prophète m’a enseigné, et chaque jour j’essaie de m’approcher de cet exemple. Ai-je l’air d’être un terroriste lorsque je donne ma place à une personne âgée ? Ai-je l’air d’être un danger lorsque je prêche la paix autour de moi ? Suis-je moins belge qu’un catholique ou un athé ? J’aime mon pays, j’aime ma religion, j’aime mes origines, j’aime mes concitoyens, mais ce que j’aime par dessus tout c’est le mélange ! Notre mixité est la richesse de notre peuple, cultivons-la ! Pour conclure, j’aimerais qu’on me juge pour ce que je fais, et non pas ce que je suis.