Nombre de médailles françaises : le vrai classement de l'excellence
Classement officiel : France 5e par le nombre de médailles d'or
Avec 16 médailles d'or, la France se place en cinquième position du classement officiel des délégations olympiques, derrière les États-Unis (40 médailles d'or), la Chine (40 médailles d'or mais 17 médailles d'argent de moins que les États-Unis), le Japon (20 médailles) et l'Australie (18 médailles).
Certes, seules les médailles d'or confèrent le titre de champion, comme aux temps des jeux antiques, mais au niveau de compétition actuel, lesdits jeux antiques font un peu figure de réunions sportives provinciales. S'ils attiraient des athlètes de toute la Grèce au sens large, les jeux de l'antiquité ne concernaient en définitive qu'une petite proportion de la population méditerranéenne. Ils étaient disputés en outre par des jeunes gens de bonne famille disposant du loisir de s'entrainer et ayant les moyens de se rendre à Olympie (même si certains furent déjà sponsorisés)... Pour leur part, les jeux d'été de 2024 ont réuni 206 délégations nationales, soit plus que de pays membres de l'ONU (193)... c'est donc près de huit milliards d'humains qui ont été représentés à l'occasion de ces jeux, ces derniers ayant atteint la parité, pour la première fois. Par conséquent, dans bien des sports, l'athlète moderne qui participe à une finale, a déjà triomphé d'une façon ou d'une autre de plusieurs dizaines de milliers de licenciés de sa discipline, voire de centaines de milliers, au terme d'un processus de sélection souvent débuté dans la petite enfance... De ce point de vue, l'adoption (en 1904) du podium par les jeux modernes, récompensant les trois premiers de chaque finale, ainsi que de celle des trois médailles (or, argent, bronze), semble aller de soi, tant les places de second et de troisième relèvent de l'exploit et méritent récompense.
En conséquence, baser le classement officiel des délégations sur les seules médailles d'or est réducteur et en parfaite contradiction avec la logique pourtant acceptée par tous, qui consiste à récompenser les trois premiers d'une finale olympique.
Il n'en reste pas moins que la médaille d'or, qui est la seule conférant le titre de champion, conserve une valeur symbolique particulière qui la fait convoiter de tous et lui donne toute sa valeur. Il conviendrait donc de repenser le classement officiel en l'élargissant à toutes les médailles, mais en leur donnant une valeur différente selon qu'elles sont d'or, d'argent ou de bronze. En l'occurrence, la valeur des primes accordées aux athlètes français confère à chacune des trois médailles un poids relatif qui semble à la fois simple, intuitif et convainquant : la valeur de la médaille d'or s'en trouve être le double de celle d'argent qui elle-même est le double de celle de bronze. En effet, la prime reçue pour l'or est de 80 000 €, contre 40 000 € pour l'argent et 20 000 € pour le bronze.
En conséquence, nous proposons de retenir une approche élargie et plus moderne pour fixer le classement par pays, en pondérant le nombre de médailles en fonction de leur métal, afin de rendre justice à l'exploit non pas d'un seul champion, mais aussi de ses deux plus proches compétiteurs qui l'accompagnent sur le podium olympique. La solution intuitive choisie par le comité national Français semblant parfaitement judicieuse, la pondération qui en résulte serait de 4 points pour une médaille d'or, contre 2 pour une médaille d'argent et 1 pour le bronze.
En pondérant les médailles, la France est 3e au classement
En attribuant 4 points à chaque médaille d'or, 2 points par médaille d'argent et 1 point par médaille de bronze, la délégation française se place en troisième position du classement avec 138 points, derrière les États-Unis (290 points) et la Chine (238), et devant le Royaume-Uni (129) et l'Australie (126).
Pour résumer, au nombre de médailles d'or, la France est 5e alors qu'elle est 3e au nombre de points en tenant compte de toutes les médailles, après pondération en fonction du métal.
Il est intéressant de noter qu'au nombre de médailles, sans aucune pondération, i.e. sans tenir compte du surcroît de prestige de l'or sur l'argent et de ce dernier sur le bronze, alors la France, avec ses 64 médailles se place au 4e rang, derrière les États-Unis (126), la Chine (91), le Royaume-Uni (65) et devant l'Australie (53).
L'on observe donc qu'en tenant compte à la fois de la prééminence de l'or et du nombre de médailles, par la pondération en nombre de points, la performance de la délégation française est particulièrement robuste, alliant têtes de podium, positionnements hiérarchiques bien répartis et nombre de médaillés. Ce n'est pas le cas de tous les pays. Ainsi le Japon qui est troisième par le nombre de médailles d'or (20), n'a que peu de médailles au total (45 en tout), dont 12 d'argent (contre 26 pour la France) et 13 de bronze (contre 22). Tout ceci reflète la glorieuse incertitude du sport et la faiblesse du nombre de médailles d'or (mis à part pour les deux premières délégations), si bien que du point de vue statistique, ne se baser que sur l'or est très réducteur pour appréhender la capacité sportive d'une nation, comme nous le verrons plus en détail après.
Pour les amateurs de statistiques descriptives, l'on notera qu'au sein de l'échantillon constitué des 8 premières délégations du classement officiel (figuré dans les graphiques précédents), le nombre de médailles d'argent et celui des médailles de bronze glanées au sein de chaque délégation (soient 8 couples de données) présentent une corrélation de 94 %. En d'autres termes, si une nation remporte des médailles d'argent, il est assez facile de prévoir le nombre de médailles de bronze correspondant. En revanche les corrélations Or/argent et Or/bronze ne sont respectivement que de 75 % et 66 %. C'est là que se situe "la glorieuse incertitude du sport" : le nombre de médailles d'or ne préjuge pas de façon fiable du nombre total de médaille remportées par une délégation...
Le classement officiel de la France sous-estime-t-il sa performance ?
Si, comme nous venons de le faire, l'on adopte une vision plus large du classement que celle retenue par le comité olympique, l'on observe que les deux premiers demeurent les États-Unis et la Chine, soient deux très grands pays, du point de vue démographique et économique. En revanche, pour les six autres, les choses changent beaucoup entre le classement par les médailles d'or et celui par le nombre de médailles pondérées, la corrélation sur les rangs n'étant que de 31 %... L'on peut donc se demander s'il ne suffit pas tout simplement de compter sur la démographie et sur la richesse pour se positionner dans le classement de tête comme celui du peloton ?
Avant d'envisager une explication économétrique, explorons la question sous l'angle de deux autres classements :
En termes d'intensité de la pratique sportive, il ressort un nouveau classement qui ne va plaire ni à la Chine, ni aux États-Unis. En effet, rapportés à leurs populations, les performances de ces deux pays sont particulièrement médiocres, les situant aux deux dernières positions de notre peloton de tête de 8 pays premiers du classement officiel... La taille ne fait donc pas tout : ces deux nations ne semblent pas particulièrement sportives...
Vous objecterez qu'en n'ayant qu'un seul comité olympique national pour les représenter, Américains et Chinois ont la possibilité de présenter moins d'athlètes aux sélections que les petits pays comme l'Australie ou la France par exemple. Ce faisant, ils diminueraient leurs chances d'accéder au podium... Si tel était le cas, le niveau des Américains et des Chinois devrait être bien supérieur à leurs compétiteurs, par un effet de sélection préalable. Il faut admettre que c'est un peu vrai en athlétisme pour les Américains. Mais cela pourrait être mis sur le compte de tropismes culturels, un peu comme c'est le cas des Japonais en judo ou des chinois au tennis de table, des Coréens à l'arc, etc.... Or quand on examine la proportion de médailles d'or, celles des délégations américaine (32 %) et Chinoise (44 %) n'ont rien d'exceptionnelles comparées au Japon et au Pays-Bas (44 %) ou à la Corée du Sud (41 %). En d'autres termes, Américains et Chinois ne semblent pas s'être privés de médailles au motif qu'ils ne constituent que deux délégation pour 1,7 Mds d'habitants. Leur performance rapportée à leur poids démographique est donc des plus médiocre et leur classement semble reposer principalement sur leur taille.
Pour mieux s'en convaincre, il suffit de comparer les résultats de ces deux pays à ceux agrégés des pays de l'Union européenne :
A l'aune du critère d'intensité de la pratique sportive, la France est 2e du classement (au sein du peloton des 8 premiers du classement officiel). Avec un coefficient de 202 %, elle est loin derrière l'Australie qui affiche un ratio de 460 %. Après la France, le Royaume-Uni se situe en troisième position, avec un ratio de 190 %, qui est donc assez proche de celui de la France.
Sur la base du critère de l'efficience économique de la performance sportive, la France se place en 3e position. Après pondération, il lui faut 22 Mds $ de PIB pour obtenir une médaille, soit beaucoup plus que pour l'Australie pour laquelle il n'en faut que 13 Mds $ et juste au dessus de la Corée du Sud qui n'en requiert que 21 Mds $. Comme mentionné précédemment, le "rendement" des économies chinoise et américaine pour produire des médailles est particulièrement mauvais.
L'on peut ici se demander si la suprématie olympique des États-Unis n'est pas un peu à l'image de sa suprématie militaire, peu efficace et chèrement payée, tout en étant en passe d'être remise en cause par la Chine, qui elle non plus ne brillerait pas par l'économie de moyens engagés pour y parvenir. Merci d'avance au lecteur de pardonner ce parallèle audacieux qui sera, je l'espère approfondi avec toute la rigueur et le brio qu'on lui connaît par l'estimé Emmanuel Todd.
Quoi qu'il en soit, une intéressante conséquence surgit immédiatement de ces calculs. En effet, nous avons à ce stade de l'analyse pas moins de sept classements des 8 pays de la liste : par les médailles d'or (classement officiel), par celles d'argent, par celles de bronze, par le nombre total de médailles, par le nombre total de médailles pondérées (ou nombre de points), par l'intensité de la pratique sportive et enfin par l'efficience économique de la performance sportive.
Si pour chacun de ces huit pays, l'on relève sa position dans les classements conformément à chacun des sept critères et que l'on en calcule la moyenne, il ressort un ultime classement, sorte de synthèse des précédents. Ce que l'on peut en retenir, c'est tout d'abord que la position de la France est assez stable au sein des différents classements, ce qui lui confère une bonne position en synthèse. A l'inverse, des pays comme les États-Unis et la Chine qui sont certes très bien placés par les critères en liaison directe avec le nombre de médailles, le sont beaucoup moins au regard de l'intensité de la pratique sportive et de l'efficience économique de celle-ci. Au final, la prise en compte équipondérée des 7 classements conduit à une note moyenne pour la France de 3,4, qui la situe en seconde position de cet ultime classement, lequel donne de sa performance olympique, une image sans doute quelque peu trompeuse de régularité et d'utilisation optimale de la ressource démographique et économique. Régularité et tempérance, comme une image de la France immémoriale qui aurait été du goût d'un Napoléon Bonaparte ? Ne nous emballons pas, même si rien ne nous oblige à bouder notre plaisir, la moisson de médailles des sportifs français durant cette olympiade étant tout à fait exceptionnelle. En un mot, elle l'est tellement, que le classement officiel par les seules médailles d'or ne peut en rendre compte. Les premiers calculs que nous venons d'effectuer laissent à penser qu'une lecture moins étroite conduit à rehausser cette position dans le classement international.
Peut-on expliquer et prévoir la performance olympique d'un pays ?
Dans ce qui suit, nous allons nous en tenir à l'échantillon des huit premiers pays du classement officiel. A cela deux raisons. La première est qu'en deçà, la glorieuse incertitude du sport dont nous faisions mention plus haut, fait que le nombre de médailles d'or devient sans doute trop faible pour en tirer des enseignements statistiques. L'autre raison est que l'on va chercher ici a identifier ce qui confère la réussite dans le classement, c'est à dire que l'on va se concentrer uniquement sur ce qui marche, c'est à dire sur la recette des pays qui optimisent au mieux leurs ressources. Dans cette perspective, nous allons essayer de voir quel potentiel est celui de chaque pays et s'il parvient à l'atteindre, voire à le dépasser.
Ce que suggèrent les calculs précédents est que le classement des pays est le reflet de leur puissance. Ceci ne retranche rien bien entendu à l'exploit individuel de chaque sportif, mais nous suggère tout simplement qu'il est peut-être normal que la Chine ait plus de médailles qu'un pays comme la France, et que ceci n'est pas près de changer... Dans cette optique, la puissance démographique et le niveau de richesse permettent-ils d'expliquer une partie significative du classement, donc du nombre de médailles remportées par les huit délégations ?
Pour tenter de répondre à cette question, les deux variables d'intérêt que nous allons retenir sont les suivantes :
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a) Modélisation des médailles d'or
Ici l'on procède à ce que l'on appelle une régression linéaire dans le jargon de l'économétrie. L'on cherche ainsi à expliquer le nombre de médailles d'or ( noté 'Σor') obtenues par chacune des huit délégations à partir de la taille de la population du pays concerné ('Pop') et la richesse par habitant ('PIB/h').
Il en ressort l'équation suivante :
Σor = 0,35 x PIB/h + 0,026 x Pop - 0,56
Ce qu'il faut en retenir, comme l'on pouvait s'y attendre, est que le nombre de médailles d'or remportées par chacun des huit pays les plus performants de ces JO est lié positivement à la taille de sa population. Le talent individuel des sportifs ne saurait aller à l'encontre d'une donnée aussi structurante, dès lors que l'on parle de pays ayant remporté au moins 13 médailles. Le second enseignement est que le poids démographique est une condition nécessaire mais non suffisante pour expliquer le succès : il faut adjoindre au nombre, le loisir de se consacrer à l’entrainement, donc la richesse. Là encore, nous avons pu admirer ici ou là des cas isolés de champions s'entrainant dans des conditions frisant le dénuement... il s'agit d'exceptions.
Il convient de noter que cette régression a un pouvoir explicatif de près de 91 %. En d'autres termes, moins de 10 % du phénomène s'explique par un troisième paramètre, ou un quatrième, voire bien davantage. Par exemple, l'on pense immédiatement à la façon d'entrainer les sportifs et aux moyens mis à leur disposition, toutes choses qui nécessitent une analyse fine pour être décelées. L'on pense aussi aux traditions culturelles plus ou moins propices, à la nature du régime de gouvernement, au modèle d'organisation de l'économie, au climat, au patrimoine génétique et j'en passe. Pour les huit premiers du classement, ces paramètres sans doute nombreux comptent finalement peu, ces pays ayant optimisé semble-t-il leurs ressources.
Pour les amateurs d'économétrie, l'on retiendra que le modèle explique près de 91 % de la variance, et que le coefficient de détermination ajusté du nombre de variables (R²) ressort à plus de 87 %. Les coefficients de la régressions sont significatifs au test de Student au seuil de 1 %, avec un test de Fisher significatif au seuil de 0,25 %. La constante qui est ici négligeable n'est en revanche pas significativement différente de zéro. La régression sur ces données passe les tests de normalité (Shapiro-Wilk), d'indépendance des résidus (Durbin-Watson) et d'homoscédasticité (White). On remarque qu'un modèle alternatif avec les logarithmes des variables explicatives améliorerait à la marge le R² corrigé et la statistique d'Akaike mais au prix du risque de non significativité au seuil de 5 % du coefficient attaché à la variable de richesse et d'une augmentation du facteur d'inflation de la variance qui passerait 1,3 à 1,5...
Si l'on trace le graphique figurant en abscisse (les 'x') la valeur théorique attendue par le modèle et en ordonnée (les 'y'), le nombre de médailles effectivement obtenues, alors, l'on peut voire quels pays ont surperformé, i.e. ont un 'y' supérieur à leur 'x', donc un point qui se situe au-dessus de la courbe idéale attendue (la bissectrice).
Comme on peut le constater, la France avec ces 16 médailles d'or est finalement à une médaille seulement en dessous du nombre idéal attendu (merci à Léon Marchand). Si l'on compare cet écart à ceux des autres pays, ce dernier place la France en 5e position, soit au même rang que celui que lui confère le nombre brut de médailles d'or selon le classement officiel.
Toutefois, cet écart n'est pas significatif (l'erreur-type du modèle étant de 4). Sur le terrain des titres de champions, il se pourrait donc que la France ait fait "carton plein". Le champion toutes catégorie serait le Japon qui semble avoir moissonné 5 médailles de plus que la taille de sa population (pourtant vieillissante) et sa richesse par habitant ne le laisseraient attendre. Les performances du Royaume-Uni et de l'Australie semblent en revanche assez décevantes, ce qui est notable pour l'Australie qui a pourtant un nombre record de médailles par habitants. Les deux champions, États-Unis et Chine ont des résultats identiques (40 médailles), au prix d'une surperformance côté américain. Étant donné le potentiel d'amélioration de la Chine en terme de rattrapage de richesse, l'on en déduit que les Amréricains on du souci à se faire et qu'il est probable que les Chinois les dépasseront sauf à ce qu'ils finissent à leur tour par être exclus des jeux pour des raisons géopolitiques...
b) Modélisation du nombre de médailles pondérées
Rappelons que le nombre de médailles pondérées n'est autre qu'un nombre de points total quand on affecte 4 points par médaille d'or, 2 point par médaille d'argent et 1 point par médaille de bronze. Cette approche permet ainsi d'élargir l'analyse à l'ensemble des médailles tout en tenant compte de leur hiérarchie symbolique.
Ici, notre nombre de point (noté 'μΣ') est régressé linéairement par rapport à la taille de la population ('Pop') et à la richesse par habitant ('PIB/h'), comme nous l'avions déjà fait précédemment avec les médailles d'or.
Il en ressort l'équation suivante :
μΣ = 3,1 x PIB/h + 0,17 x Pop - 29
Ce qu'il faut en retenir est que comme précédemment, le nombre de médailles pondérées remportées par chacun des huit pays les plus performants de ces JO est lié positivement à la taille de sa population et à son niveau de richesse. Les deux variables (richesse et population) expliquent près de 93 % du phénomène, soit à peine plus que pour les médailles d'or, ce qui n'est pas anodin toutefois compte tenu de l'augmentation du nombre de médailles considérées.
Cependant pour les amateurs d'économétrie, même si les coefficients sont significatifs au seuil de 0,2 %, la constante elle ne l'est pas (au seuil de 34 %) et l'erreur-type est relativement élevée à 24. Un modèle basé sur les logarithmes des variables explicatives verrait son R² ajusté passer à seulement 77 % (contre près de 90 %). Par conséquent, les écarts à la valeur attendue seront généralement peu significatifs et à prendre avec précaution.
Si comme précédemment l'on compare le nombre effectif de médailles pondérées (ou de points) à son nombre théorique, il est aisé de repérer les pays qui surperforment potentiellement : ce sont ceux représentés par un point se situant au dessus de la droite.
Comme nous l'indiquions plus haut, les écarts de l'ordre de 20 points constatés pour la France, le Japon et les États-Unis sont à la limite de la significativité statistique. Seule l'Australie avec une sous-performance de 39 points semble effectivement faire moins bien que ne le laisserait attendre son potentiel.
Il est intéressant de décomposer l'origine du nombre de points obtenus par chaque délégation entre ce qui vient de la richesse et ce qui vient de la démographie.
Comme l'indique le tableau ci-dessus, les situations de la Chine et des États-Unis sont diamétralement opposées. La Chine tire 86 % du nombre de ses médailles (après pondération) de la taille gigantesque de sa population actuelle (1,4 Md d'individus), contre seulement 14 % de sa richesse (ici le PIB par habitant). A l'inverse, le succès des États-Unis ne s'explique par la démographie que pour 19 % et pour 81 % par sa richesse. Comme la démographie chinoise est en berne, elle ne pourra compter que sur le rattrapage de son niveau de vie pour parvenir à ravir la première place aux Américains. L'on serait tenté de dire que ce principe s'applique de façon générale à la position géostratégique de la Chine.
Si les États-Unis ont du souci à se faire, le Japon n'est pas en reste, avec une démographie en également berne et une économie mature. Enfin, un grand absent de ce tableau, en dehors de la Russie qui a été interdite de jeux, est bien évidemment l'Inde, qui avec ses six médailles, dont aucune en or, figure encore dans les limbes de sa future ascension olympique.
Enfin s'agissant de la France, il convient de saluer sa réussite exceptionnelle. Même si la validité statistique de sa surperformance demeure limitée, elle situerait la France au 3e rang si on la compare aux écarts des sept autres délégations, soit un rang identique à celui que lui confère son nombre de médailles pondérées. Cette réussite est d'autant plus remarquable qu'elle a été obtenue en dépit d'un très mauvais résultat en athlétisme. A l'avenir, la délégation française dispose donc encore d'un potentiel d'amélioration significatif qui lui permettrait peut-être de se maintenir à la troisième position par le nombre de médailles pondérées.
Conclusion
En définitive la France se situe entre la 5e position (classement par l'or) et la seconde (classement multicritères) au sortir de ces jeux olympiques où elle a particulièrement brillé. Son rang réel se situe vraisemblablement plutôt à la troisième position si l'on comptabilise l'ensemble de ses médailles en les pondérant. Il convient de noter que si l'on modélise ce nombre, l'on parvient également à la troisième place du classement en termes de surperformance.
Le public ne s'y est pas trompé, les performances de la délégation françaises ont éclipsé celles de nombre de ses voisines européennes, à commencer par l'Allemagne et l'Espagne et dans une moindre mesure l'Italie.
Il ne sera pas facile de se maintenir a cette 3e place réelle qui tient compte de toutes les médailles. Il sera encore moins facile de se maintenir à la 5e place par le nombre de médailles d'or. D'ici quatre ans, l'on peut espérer que le conflit russo-ukrainien aura été réglé et que la Russie aura regagné le concert des nations et retrouvé sa place de grand pays olympique. Pour que la délégation française se maintienne à là la troisième place, l'athlétisme français devra avoir surmonté son handicap actuel.