NON !
Si les descriptions et définitions de l’autisme diffèrent encore, il est aujourd’hui communément admis de tous qu’il s’agit d’un mode de fonctionnement faisant partie intégrante de l’individu.
D’abord considéré comme une maladie rare, l’autisme a ensuite été vu comme une affection psychologique, puis comme un handicap. Il est aujourd’hui classifié, dans les modèles médicaux, au sein de la catégorie des troubles neurodéveloppementaux. Cela signifie que les manifestations typiques ou caractéristiques que l’on associe à l’autisme apparaissent durant la période de développement - soit de façon précoce - et continuent de caractériser le fonctionnement de l’individu durant toute sa vie (DSM-5-TR, 2022). Autrement dit, la personne nait autiste, grandit autiste et meurt autiste.
Au travers de ce modèle, l’autisme est décrit en termes de déficits du développement, lesquels entraînent une altération du fonctionnement dans un ou plusieurs domaines d’activités (personnel, social, scolaire ou professionnel) (DSM-5-TR, 2020). Les troubles du spectre de l’autisme sont, ainsi, “le reflet d’un dysfonctionnement inné qui sous-tend l’engagement affectif et qui est accepté comme un état qui dure toute la vie” (Goldstein et Ozonoff, 2020).
Depuis le DSM-5, par ailleurs, le diagnostic d’autisme doit spécifier le “niveau de sévérité”, lequel est établi sur base de l’aide requise sur le plan adaptatif et de la cognition sociale. Ainsi, l’intensité du trouble ne dépend plus du nombre de symptômes ou des lacunes observées (cognitives ou relationnelles), mais bien de leur impact dans le quotidien de la personne, au regard de l’environnement dans lequel il évolue. Il s’agit donc de mettre en évidence l’écart entre les capacités du sujet et les exigences de l’environnement en reconnaissant le fait que les manifestations peuvent être “masquées” ou contournées par les interventions, la compensation individuelle et le support offert à la personne TSA. (DSM-5, 2013 ; Barthélémy et Blanc, 2016)
Depuis quelques années, toutefois, l’autisme est de plus en plus perçu comme “un variant humain, comportant des avantages et des désavantages adaptatifs, parfois extrêmes” (Mottron, 2016). Cette perception est incluse dans le courant de la neurodiversité, un concept conçu en 1990 par l’Australienne Judy Singer, chercheuse en sciences sociales, et devenu aujourd’hui un mouvement social prônant le pluralisme neurologique et visant à déstigmatiser les personnes présentant un mode de fonctionnement différent, notamment celles ayant reçu un diagnostic d’autisme (Chamak, 2015).
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Dans ce courant de pensée, l'une des principales hypothèses est que toutes les formes de diversité neurologique sont précieuses et que cette diversité doit être respectée comme une forme naturelle de variation humaine (Walker, 2012). L’autisme n’est, ainsi, plus perçu au travers de déficits, de dysfonctionnements ou de lacunes vis-à-vis de la norme, mais plutôt comme une simple différence, une singularité du fonctionnement cognitif humain (Sahnoun et Rosier, 2012). Les partisans défendent également le “modèle social du handicap” qui remet en question la vision traditionnelle du handicap comme un problème individuel d’ordre médical et s’intéresse aux conditions sociétales qui participent à la stigmatisation des personnes fonctionnant différemment, ainsi qu’aux restrictions de possibilités que cela engendre (Chamak, 2015). Ce modèle considère ainsi que le handicap n’est pas intrinsèque à la personne elle-même, mais contextuel et inscrit dans un environnement particulier qui s’avère inadapté aux besoins de la personne (Oliver, 1996 ; Dachez, 2016).
A l’origine, le concept de neurodiversité a été associé à l’autisme et utilisé pour défendre les droits des personnes autistes et lutter contre la discrimination dont elles sont souvent victimes. Il a permis la création de plusieurs associations au fil des années et dans différents pays, lesquelles défendent l’idée que l’autisme n’est ni une maladie, ni un handicap, mais une autre façon de penser (Baker, 2011). Pour bon nombre des activistes et militants dans le domaine de l’autisme, l’anormalité perçue de ce fonctionnement est liée au jugement de valeur que les “non autistes” apposent sur les particularités des autistes. Ainsi, la détermination de ce qui est sain ou pathologique se baserait sur des critères arbitraires et culturels (Perepa, 2014), ce qui rendrait les normes fluctuantes et influencées par l’époque, la culture et les perceptions (Dachez, 2016).
Il est à noter que, si le mouvement de la neurodiversité milite pour que l’autisme ne soit pas défini sur base de déficits, dysfonctionnements ou manquements, il ne nie pas, pour autant, que les personnes concernées puissent être en situation de handicap et de souffrance et qu’elles aient besoin de soutien adapté pour gagner en autonomie et en qualité de vie. Il favorise, en revanche, les approches fondées sur les forces plutôt que celles visant à “rééduquer”, “guérir”, “réduire” ou “normaliser” les particularités des individus et prône également une adaptation de l’environnement, partant du principe que le handicap peut souvent être minimisé ou évité grâce à des changements environnementaux et à la fourniture d'outils d'assistance appropriés (den Houting, 2019).
Par conséquent, bien que la perception de l’autisme reste encore sujette à de nombreux débats, il apparait communément admis de tous qu’il s’agit d’un état qui caractérise le fonctionnement d’un individu et ce, tout au long de sa vie.