Nous ne rentrons pas dans une ère d'inflation ni de remontée des taux

Nous ne rentrons pas dans une ère d'inflation ni de remontée des taux

Le rebond économique actuel est un rattrapage conjoncturel du décrochage de 2020, pas un retour durable de la croissance. Dans un monde où la demande augmente peu pour des raisons conjoncturelles (restriction des déplacements, incertitudes sur l’avenir, augmentation du chômage, salaires qui n’augmentent pas) et surtout structurelles (économies matures, vieillissement démographique), l’outil de production est structuré pour répondre aux besoins de consommation donc il ne peut pas y avoir d’inflation réelle.

Les voix se multiplient appelant de leurs vœux le retour de l’inflation comme vaccin économique à la crise. Mais l’inflation ne se décrète pas, elle représente le décalage entre l’offre et la demande.

Le Japon, laboratoire vivant de nos économies, n’a ni croissance ni inflation depuis 25 ans, du fait de son vieillissement très avancé. La BCE, malgré tous ses efforts, échoue depuis plusieurs années à atteindre son objectif de 2% d’inflation. Elle n’y arrivera pas davantage à l’avenir car on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Par ailleurs, une population âgée, qui ne produit plus mais vit de ses rentes, comme l’Allemagne, abhorre l’inflation et adore la déflation car elle ne peut pas augmenter ses revenus pour faire face à l’augmentation des prix.

Le risque à long terme est l’hyperinflation qui viendrait de l’érosion monétaire, c’est-à-dire de la perte de valeur du billet de banque du fait de la création monétaire hyperexpansionniste des banques centrales.

C’est ce que l’on fera après la crise qui déterminera s’il y a un risque de perte de confiance dans la valeur du billet de banque, à savoir est-ce que les banques centrales continuent à imprimer durablement des billets pour faire perdurer des politiques publiques inadaptées, qui creusent les déficits en finançant des dépenses qui ne créent pas suffisamment de richesses pour équilibrer le modèle. 

A court terme, il n’y a qu’une hausse conjoncturelle de l’inflation du prix des matières, actifs les plus cycliques qui bénéficient de la thématique du rebond de l’économie. Les entreprises n’ont pas de pricing power au regard des pressions sur le pouvoir d’achat des consommateurs, elles ne peuvent donc pas augmenter les prix de vente finaux ni les salaires.

Le monde connaît des tensions sociales ces dernières années, formalisées par le mouvement des gilets jaunes dans notre pays et exacerbées par la crise sanitaire.

La hausse du prix des matières premières, dommage collatéral de l’injection de liquidités par les banques centrales, pourrait être le catalyseur à la résurgence d’une grogne sociale dans nos pays développés mais aussi dans les pays émergents.

Les matières premières ne sont pas qu’un actif financier, c’est aussi un actif consommé. Une augmentation trop forte et/ou trop durable pourrait provoquer une rupture économique et sociale.

Lorsqu’il y a une croissance et une inflation structurelles anémiques (du fait du vieillissement de nos populations), il ne peut y avoir de remontée de taux durable dans le temps.

La thématique de l’inflation et des taux d'intérêt n’existait pas il y a trois mois et n’existera pas dans trois mois car il n’y a pas de hausse structurelle de la demande.

Des taux d’intérêt et des prix des matières premières plus élevés mettent les agents privés en difficultés : moins de pouvoir d’achat pour les ménages, moins de marge pour les entreprises, moins de croissance pour nos économies et donc des prix des matières premières et des taux d’intérêt qui rebaissent.  

Si les taux d'intérêt remontent c'est de l'ordre de l'épaisseur du trait. Ils resteront bas au risque de tuer la croissance dans l'œuf et ce pour longtemps, car nos agents privés, ménages et entreprises, très endettés, ne peuvent pas supporter des conditions de financement plus difficiles, tout comme les Etats.

En cas de hausse durable des taux, ce serait l’effondrement de la consommation des ménages, des investissements des entreprises, de l’immobilier et des marchés financiers, la détérioration de la soutenabilité des dettes publiques.

La BCE ne prendra pas le risque d'une rupture violente qui plongerait nos économies dans une nouvelle récession.

La France est le pays qui supporterait le moins une remontée des taux au regard de la détérioration de sa dette publique mais surtout de sa dette privée ces vingt dernières années. Le problème c’est que le maintien artificiel de taux très bas pendant très longtemps par la BCE pour éviter une rupture économique, empêche la nature de faire son œuvre – laisser faire faillites les morts vivants - et entretient un état de léthargie qui nous handicapera pour reconstruire un modèle de société plus adapté à nos besoins.


Catherine GAULIER

Expert FRANCHISE Banque Populaire Méditerranée- Faciliter le développement des réseaux de franchise et commerces associés

3 ans

Cf Démographie

Joël Ruhlmann

Inspecteur des finances publiques - SGC d'Erstein

3 ans

Bonjour M. Sabatier, Comme vous l'expliquez bien, l'absence de perspectives dans l'économie réelle créé une tendance déflationniste. En revanche, vous évoquez peu la perte de confiance dans la monnaie (due à une création monétaire sans précédent), qui elle, créé une tendance inflationniste. A l'heure actuelle, comment peut- on conclure que la tendance déflationniste l'emportera sur la tendance inflationniste ? Dans l'Allemagne des années 30, c'est bien une hyperinflation qui a résulté de la crise économique, et non une déflation. Je suis curieux de connaître votre analyse sur le risque d'(hyper)inflation.

Jacky O.

Sales Fixed Income Senior

3 ans

Très pertinent. Merci

Laurent Andre

Chargé de Développement Epargne et Patrimoine chez La Banque Postale

3 ans

L'inflation a eu lieu sur les actifs immobiliers et actions et non sur les biens de consommation, qui étaient tirés vers le bas par la productivité et la mondialisation...

Jordi Lafon-Lacaze

Rédacteur en chef de geab.eu et Intervenant (Histoire de la construction européenne) à HEIP

3 ans

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