« Nous ne serons pas une puissance, au XXIe siècle, sans renforcer la puissance maritime de notre pays ».
Hervé Berville, Secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la Mer

« Nous ne serons pas une puissance, au XXIe siècle, sans renforcer la puissance maritime de notre pays ».

« Notre commission aimerait donc vous entendre sur la défense de nos droits dans les eaux territoriales et dans les zones économiques exclusives qui font de la France l’un des États maritimes les plus vastes du monde ». Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a par ces mots accueilli le 27 septembre 2023 le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.

Depuis juillet 2022, l’Assemblée nationale a été saisie de nombreux projets de loi autorisant l’approbation de plusieurs accords internationaux ayant trait à la protection des océans, à la lutte contre les pollutions marines ou à la coopération dans les zones maritimes proches des eaux françaises, notamment outre-mer. L’audition d’Hervé Berville était particulièrement pertinente, cet ancien député né à Kigali en 1990 et ayant suivi ses études secondaires sur la côte bretonne fédérant les attentes de plusieurs ministères sur un enjeu majeur, les espaces maritimes.

Dès ses propos introductifs, le Secrétaire d’Etat a posé clairement les termes de l’équation, en rappelant deux enjeux a priori antinomiques : « comment renforcer la souveraineté économique, d’une part, et comment lutter contre le changement climatique, d’autre part ? ». Anticipant les questions sur la disparition du très éphémère ministère de la mer, il a également expliqué aux députés que le rattachement de ses fonctions à la Première ministre « permet d’agir de façon interministérielle et de faire en sorte que le fait maritime et la puissance maritime soient au cœur du projet géopolitique de la France ».

Raison primaire de cette audition, après deux décennies de pourparlers, engagés en 2004, les 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies se sont mis d’accord sur un texte commun le 19 juin 2023, destiné à assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les eaux internationales, zones maritimes situées au-delà des zones de souveraineté et des zones économiques exclusives des États côtiers. Connu sous l’acronyme « BBNJ » pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction treaty – ou encore « traité international pour protéger la haute mer », le texte dépasse à l’évidence dans ses attentes la défense des intérêts nationaux.

La France possède 18 000 kilomètres de littoraux, 11 millions de kilomètres carrés d’espaces maritimes, le deuxième territoire maritime du monde, 75 % de ses approvisionnements et de ses exportations empruntent la voie maritime, 95 % des échanges d’information à destination ou en provenance de la France empruntent des câbles sous-marins, une vulnérabilité soulignée par un rapport déposé le 8 février 2023. Malheureusement, le classement des priorités présenté par Hervé Berville plaçant comme premier objectif « la protection des océans sur le territoire national ainsi qu’aux échelons européen et international », suivi du développement d’une économie maritime « sinon décarbonée, du moins susceptible de réduire notre dépendance aux énergies fossiles », démontre que la souveraineté économique n’est qu’une chimère médiatique.

La loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettait fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures y compris « dans le sous-sol de la zone économique exclusive et du plateau continental […] relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ». Selon le Secrétaire d’Etat à la mer, le traité international de protection de la haute mer offrira un cadre juridique au sein duquel la France pourra accentuer ses efforts contre l’exploitation minière des fonds marins, « le combat du siècle si nous voulons être crédibles en matière de préservation de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique ». Le Gouvernement a interdit l’exploitation minière des fonds marins en Polynésie, en Guyane comme bientôt dans l’océan Indien, le Secrétaire d’Etat se vantant d’avoir supprimé la ligne budgétaire, à hauteur de 20 millions, qui visait à tester des solutions pour exploiter les fonds marins. Quel sera donc l’utilité de cette ZEE non exploitée ?

Hervé Berville défend pourtant la protection « fondamentale » de cette ZEE, « élément de souveraineté et de sauvegarde de la biodiversité ». A l’écouter, que ce soit dans l’océan Indien, dans le Pacifique ou dans les Caraïbes, la France mène « une action résolue de surveillance par satellites, avec les nombreuses données dont nous disposons sur les navires. Grâce à la loi de programmation militaire, nous déployons nos moyens aéromaritimes : la nouvelle loi de programmation nous donnera notamment des patrouilleurs supplémentaires pour les territoires ultramarins ». Son constat de l’absence d’infraction de navires signalée dans l’océan Indien depuis 2013 reste malheureusement peu fiable, alors que la LPM ne prévoit que neuf patrouilleurs à l’horizon 2030, afin de remplacer les dix vénérables patrouilleurs P400.

Face aux nouvelles menaces, limitées dans ce cas au pillage des ressources halieutiques, le secrétariat d’Etat chargé de la mer a signé une convention avec le Centre national d’études spatiales, afin de disposer de données en temps réel et de pouvoir mener des actions pour appréhender ceux qui se livrent à la pêche illégale. Le Secrétaire d’Etat espère qu’avec les moyens affectés par la loi de programmation militaire, il sera en mesure de renforcer la lutte contre la pêche illégale, une action résolue qui « fera comprendre à ces acteurs qu’il est hors de question qu’ils viennent piller nos eaux, élément de souveraineté alimentaire pour les populations, notamment du Pacifique ».

« La France est totalement opposée à l’exploitation minière des fonds marins. Nous ne nous y livrerons pas dans nos eaux et nous défendons cette position dans les instances internationales »

Alors que Michel Guiniot interrogeait sur le sort des déchets métalliques et du béton liés aux éoliennes maritimes, Hervé Berville arguant de la création d’un Observatoire de l’éolien en mer pour défendre la souveraineté énergétique assurée par le développement des énergies marines renouvelables et une cible de 40 gigawatts, « les travaux [ayant] commencé partout sur nos littoraux », a confirmé que l’éolien en mer ne souffrait d’aucune contestation possible. Ce qu’il fallait démontrer ?

Les outre-mer seraient au cœur de la stratégie maritime nationale., à lire la délégation sénatoriale aux outre-mer. Nicolas de Rivière peut toujours affirmer devant la Commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation que la Polynésie française est autonome, qui serait capable de garantir que demain ce territoire ou encore la Nouvelle Calédonie seront constitutifs de l’Etat français ? Ou de définir le cadre du « respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes » ?

MORIZUR FRANCOIS

GROUP SECURITY DIRECTOR at BOURBON

1 ans

Recentrons nous sur nos territoires terrestres et maritimes. Ce sont nos challenges de demain

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