Nouveau regard sur la TMFPO, 2ème année

Après environ deux années de pratique de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire, un nouveau bilan peut être intéressant à poser.

L'expérimentation

Tout d'abord, sur le département de l'Essonne, je ne peux que saluer le travail fait en collaboration avec les magistrats, les avocats et les autres services de médiation familiale. Au fil des rencontres, l'expérimentation se travaille, s'ajuste ; on fait ensemble l'expérience d'un dialogue constructif, respectueux de la place de chacun, et motivés par le désir commun de donner la possibilité aux couples séparés de renouer le dialogue, et dans le meilleur des cas, de trouver des accords.

Après une première période de tâtonnement, le dispositif devrait d'ici les prochains mois se stabiliser et permettre un discours plus clair, à la fois pour les personnes et pour l'ensemble des professionnels impliqués. La mise en place des audiences d'irrecevabilité à partir de la fin du mois de mai marque une nouvelle étape qui permettra aux personnes de savoir plus rapidement si leur requête est recevable – en clair, si le demandeur justifie d'une tentative de médiation faite avant le dépôt de leur requête.

Par ailleurs, certains échos mettent en évidence que l'expérimentation ne se déploie pas de la même façon dans toutes les juridictions concernées par le dispositif. Nos différences s'expliquent sans doute par des contingences locales, le fonctionnement interne des juridictions, les questions budgétaires... Sans doute manque t-il de lieux, d'occasions pour partager sur nos pratiques, d'une part pour s'enrichir les uns les autres de nos avancées et de nos difficultés, d'autre part pour tenter d'harmoniser, si cela est souhaitable, nos façons de faire.

Par exemple, la dispense pour cause de distance géographique entre les parents n'est pas partout appliquée de la même façon. Avec le risque d'un discours contradictoire pour les personnes. Le manque de dialogue autour de la TMFPO peut conduire à certaines incohérences et soulève des questions : faut-il chercher à harmoniser les pratiques ? En cas d'application différente du dispositif, lequel doit prévaloir sur l'autre ? A mon sens, il devrait s'agir de la pratique entérinée par le tribunal compétent. Or, tenir compte de ce paramètre n'est pas habituel dans l'exercice de notre métier de médiateur familial.

Le travail du médiateur

A la question qui nous est souvent posée : est-ce que la TMFPO a occasionné une augmentation des demandes de médiation ? La réponse est : oui.

Est-ce que ça modifie notre posture ? Les réponses varient. Certains médiateurs sont clairement déstabilisés dans leur pratique, leur déontologie, tandis que d'autres ne voient pas de changement notable. Quel que soit le ressenti de chaque professionnel, il n'en demeure pas moins nécessaire de garder à l'esprit les questions que suscitent la TMFPO : comment la médiation familiale s'adapte t-elle à la dimension "obligatoire" de sa pratique ? Comment concilier cette obligation et le principe déontologique de libre adhésion ? Le médiateur devient-il un auxiliaire de justice ? Qu'en est-il de son indépendance ? Ces questions ont-elles un effet sur les personnes en médiation et sur le processus ?

Une autre question se pose pour les médiateurs familiaux, entre ceux qui vivent l'expérimentation et ceux qui ne sont pas encore concernés, décalage perceptible dans nos échanges entre médiateurs, et qui peut donner l'impression d'une division au sein même de notre pratique et de nos préoccupations.

Enfin, plane pour tous la fameuse question : l'expérimentation sera t-elle généralisée ? Les bruits de couloir sont nombreux et à ce jour, on ne sait dire ce qui sera finalement décidé. On évoque les problématiques financières que cette question soulève et qui pourraient constituer un frein à son expansion. A priori, l'expérimentation devrait être prolongée pour laisser le temps à toutes les juridictions concernées de faire remonter des chiffres permettant d'en faire le bilan. Ce qui est certain pour les médiateurs familiaux concernés, c'est que la TMFPO loin d'être marginale, est entrée dans notre quotidien et prend une place importante dans notre travail.

L'intérêt du dispositif pour les personnes

Dans la mesure où la médiation doit être tentée avant le dépôt de la requête – sans cela, la requête sera irrecevable – ce passage obligé a plusieurs effets possibles :

- certains y voient la possibilité d'éviter un nouveau passage devant le juge et donc un gain de temps et d'argent. Dans ce cas de figure, les personnes sont motivées et mettent à profit cette opportunité pour se parler et tentent de se mettre d'accord. Il peut arriver que ces personnes renoncent ensuite à engager une procédure, ou choisissent l'homologation.

- d'autres y voient une formalité contraignante dont il faut s'acquitter au plus vite pour pouvoir déposer leur requête. Ils l'annoncent clairement : on vient, parce qu'on n'a pas le choix, on veut le papier (traduction : l'attestation selon laquelle la tentative de médiation a été faite). La question que l'on peut se poser est : sachant désormais qu'il y a ce passage obligatoire par la "case" médiation, cela freinera t-il leur élan procédurier ? Hésiteront-ils à déposer une nouvelle requête ultérieurement ? Y aura t-il moins de procédure interminable ? Le temps le dira. Pour ma part, je vois actuellement arriver la 2ème vague de TMFPO, c'est-à-dire les personnes qui ont déjà connu le dispositif et qui "jouent le jeu"... à terme, iront-ils jusqu'à entrer dans le processus de médiation ?

- d'autres enfin, tentent sincèrement la démarche. Il est de moins en moins rare d'avoir plusieurs séances de médiation dans le cadre de la TMFPO. Les personnes prennent conscience qu'elles ont des choses à se dire, et qu'elles n'ont pas d'autre espace pour se transmettre les informations concernant leurs enfants, se parler sans s'insulter, prendre des décisions communes matérielles ou sur l'éducation des enfants... L'espace de médiation leur donne aussi l'occasion de mettre des mots sur ce qui fait conflit entre eux, ce qui, bien souvent, n'a jamais été fait depuis la séparation.