Régularisations sur le compte bancaire saisi : le banquier tiers saisi victime collatérale ?
Lorsque la saisie ou le nantissement porte sur le solde d’un compte bancaire, ce solde est susceptible d’être affecté par la régularisation de certaines opérations effectuées avant la saisie ou la réalisation du nantissement (art. L.162-1 code des procédures civiles d’exécution et 2360 c.iv.).
Un récent arrêt de la Cour de cassation (cass. civ. 2, 24 mars 2022, n°20-12.241, RDBF n° 3, mai 2022, comm. 104, obs. S. Piédelièvre) retient l’attention en ce qu’il concernait des ordres de virement passés quelques heures avant que la saisie-attribution fût pratiquée. La Cour de cassation, reproduisant dans ses motifs l’article L.162-1 qui énonce les opérations susceptibles d’affecter le solde saisi ou nanti, en déduit qu’il « résulte de ces dispositions que les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte avant la saisie, qui ne sont pas au nombre des opérations limitativement énumérées à l'article L. 162-1, 2°, précité, ne peuvent affecter le solde saisi attribué au préjudice du saisissant ».
On se souvient pourtant qu’en 2003 la Cour de cassation avait jugé qu’un virement effectué mais non encore inscrit sur le compte bancaire, dès lors qu’il était exécuté, devait être pris en compte dans la détermination du solde saisi (Cass. 2e civ., 28 mai 2003, Procédures n° 7, Juillet 2003, comm. 169, obs. R. Perrot).
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Or, pas plus que pour les opérations débitrices, le virement créditeur ne figure dans les opérations visées au 1° de l’article L.162-1. On avait pu considérer que, s’agissant en réalité de la régularisation comptable d’une opération juridiquement définitive (Ph. Théry et R. Perrot, Procédures civiles d’exécution, Dalloz, 3e éd., n°454, p.455-456), il paraissait logique de la prendre en considération. On pouvait alors en déduire que, symétriquement, les virements au débit non encore inscrits doivent également être pris en compte dans la détermination du solde (notre thèse, 2006, n°318).
Si l’on comprend que c’est une interprétation littérale du texte qui doit être faite (dont au passage on comprend mal les exclusions), cela signifie alors que la solution retenue en 2003 n’a plus cours et que les virements créditeurs ne devraient pas non plus affecter le solde. Mais la Cour de cassation ne vise dans l’arrêt commenté que le 2° (opérations débitrices) et non pas le 1° (opérations créditrices) de l’article L.162-1. Certes, l’enjeu du débat se cantonnait aux opérations débitrices. Pour autant, qu’est-ce qui justifierait que des opérations non listées puissent être prises en considération pour la seule raison qu’elles sont créditrices ? On aurait enfin pu s’interroger sur la question de savoir si le virement ordonné avait été exécuté, mais il apparaît que cette question n’était pas débattue, ce qui veut dire qu’il importe peu qu’il s’agisse ou non d’une régularisation comptable.
L’incertitude qui entoure selon nous la décision est dommageable car l’enjeu est bien réel. En l’occurrence, le banquier tiers saisi s’est vu reprocher d’avoir fait une déclaration inexacte ce qui a conduit à sa condamnation à réparer le dommage subi par le saisissant.
Guillaume Ansaloni