Orientation et reproduction sociale
Un jour, ma sœur ainée, assistante sociale retraitée a déclaré : « J’aimais bien quand on parlait maths à la maison »
Cette sœur est titulaire d’un bac C, et ses 4 frères et sœurs ont fait maths sup puis maths spé, comme son père, et le père de celui-ci.
Sa remarque illustre un élément clé de la reproduction sociale : la transmission de savoirs et d’attitudes culturelles.
C’est en 1964 que Pierre Bourdieu a publié « les héritiers », dans lequel il montrait comment l’école reproduit les inégalités sociales en valorisant les compétences culturelles et sociales des classes aisées
Depuis d’autres études ont montré la permanence de ce processus de reproduction, particulièrement important en France si l’on en croit les études PISA, mais présent dans d’autres pays également.
Au-delà de la reproduction de la classe sociale, la reproduction à l’identique du métier parental n’est pas une nouveauté bien sûr. Après tout, il y a 500 ans, les fils de paysan devenaient paysans, les fils de charcutier ou de tisserand devenaient charcutiers ou tisserands, et la noblesse était évidemment héréditaire.
Cette réalité a bien sûr été bouleversée par les profondes mutations de la société française : quand le nombre d’agriculteurs, d’artisans ou de petits commerçants est divisé par 2 ou 5 en quelques décennies ou quand le nombre d’informaticiens, d’enseignants ou de vendeurs en grande surface explose, les enfants ne font plus forcément le même métier que leur parent !
Mais nous avons tous les jours des exemples de la reproduction professionnelle, et pas seulement chez les notaires ou les pharmaciens. Chacun pourra faire une liste, parmi ses voisins ou sa famille ou parmi des gens connus.
Cette réalité dépasse les antagonismes classiques. On l’a vu chez les Présidents des Etats Unis, avec les Roosevelt (oncle et neveu) ou les Bush (père et fils). On le voit avec la direction héréditaire en Corée du Nord. On le sait peut-être moins, Xi Jinping, président de la République de Chine, est le fils de Xi Zongzhun, qui fut un des proches compagnons de Mao et vice-président de l’Assemblée Populaire : il est représentatif de ceux qu’on appelle en Chine les « Princes rouges » les enfants de dirigeants communistes.
Mais ces exemples illustres ne représentant finalement qu’une proportion infime d’une génération, qui ne dit rien sur les choix des millions de jeunes qui doivent choisir une orientation chaque année, aux étapes clés de leur parcours.
Le contenu réel d’un métier ou d’une profession échappe de plus en plus aux jeunes : on voit bien ce que fait un coiffeur ou une institutrice, mais que peut bien faire un directeur des affaires financières ou un consultant en organisation (pour ma part, je n’ai jamais réussi à expliquer en quoi consiste mon métier, ni à ma mère ni à mes enfants !)
Alors, oui, le fait d’avoir été apprivoisé depuis son plus jeune âge par un domaine (par exemple les maths), ou d’avoir une connaissance de proximité d’un métier influence les choix. Au moment où les parents sont nombreux à déclarer que leur enfant peut choisir ce qu’il veut et non pas le métier que ses parents voudraient pour lui.
Une note optimiste pour terminer. Vous voulez aider votre enfant? Commencez par lui apprendre tout petit que "le livre est son ami", en lui lisant des histoires. Il y a aujourd'hui pléthore de livres illustrés de très bonne qualité, qu'il sera ravi de lire avec sa mère , son père, sa grand mère ou son grand père, ou toute personne bienveillance dans laquelle il est si bon de se pelotonner!