Paris Europlace veut créer une "marque" pour exporter les atouts de la place de Paris en matière de finance verte

Paris Europlace veut créer une "marque" pour exporter les atouts de la place de Paris en matière de finance verte

Par Ana Lutzky / 02/11/2016

Le lobby de promotion de la place financière française Paris Europlace présente, mercredi 2 novembre 2016, son rapport : "Initiative Finance verte et durable". À quelques jours de la COP22 (du 7 au 18 novembre), et du Climate Finance Day qu’il co-organise le 4 novembre à Casablanca, il s’agit pour "l’écosystème français" d’avancer groupé et de faire valoir ses atouts en la matière, dans un environnement très concurrentiel. Ce rapport a été coordonné par Philippe Zaouati, DG de Mirova, après des auditions lancées en mai d’une quarantaine d’entreprises, investisseurs, banques, gérants, assureurs, fédérations et autorités publiques. Parmi les 15 recommandations du document, l’idée d’une "marque française" autour de laquelle les acteurs pourraient faire valoir leur conception de la finance verte, attachée par leur expertise, à "la qualité et une sorte d’intégrité du marché".

"Ce rapport est le fruit d’un groupe de travail ayant réuni l’ensemble des acteurs de la place : académiques, société civile, entreprises, banques, assureurs, agences de notation", décrit Philippe Zaouati. "L’objectif était de comprendre les enjeux vus par ces acteurs. Nous sommes en quelque sorte à la croisée des chemins avec des défis contradictoires. D’une part, on a clairement besoin d’augmenter les volumes. Les green bonds représentent moins de 1 % du marché obligataire. Cela ne correspond pas aux besoins énormes d’investissement dans la transition bas carbone. Et au-delà des volumes, nous avons besoin d’élargir le spectre en matière d’innovation financière. Le secteur bancaire, l’assurance, les infrastructures, le private equity doivent se développer. D’autre part, nous devons conserver une qualité pour ce marché. Si l’on accepte tout et n’importe quoi, ce marché risque de péricliter parce que les accusations de greenwashing vont s’accélérer."

Une profusion d’atouts

Dans ce contexte, la place de Paris a énormément d’atouts, liste le directeur de Mirova. "Une forte maturité des actifs durables, qui prend sa source dans l’ISR et les reportings développés ces 10-15 dernières années. La tradition de collaboration forte entre les pouvoirs publics et la sphère privée dans ce domaine, qui a amené l’article 173 de la loi transition énergétique, les labels ISR et fonds verts, en co-construction. La dynamique d’investissements verts initiée par la Caisse des dépôts, l’Erafp, l’Ircantec et d’autres, repris par les acteurs privés, notamment les entreprises."

"La France est l’un des plus gros émetteurs de green bonds, avec 15 milliards émis sur un marché global de 70 milliards. Nous sommes le numéro 2 mondial derrière les États-Unis et devant la Chine. Nous avons des leaders dans l’audit et la vérification (agences de notation, mesure carbone), dans l’industrie bancaire, investissement, gestion d’actifs : l’écosystème français s’est positionné sur l’ensemble du spectre. La France a développé de nouvelles méthodes pour mesurer l’empreinte carbone des investissements", juge-t-il.

Des recommandations selon trois axes

Dès lors, comment faire de Paris un cœur et un moteur de la finance verte européenne et mondiale ? Le rapport cite 15 recommandations selon trois axes.

Premier axe : le positionnement. "Dans le débat volume versus qualité, il existe un fort consensus pour différencier la place de Paris par son expertise, la qualité et une sorte d’intégrité du marché : la finance verte a des objectifs clairs, des impacts mesurables et mesurés", décrit Philippe Zaouati. Afin d’y parvenir, le rapport juge nécessaire de mieux coordonner les travaux académiques et de recherche, au sein du pôle de compétitivité dédié. Autres propositions : "Créer et fabriquer un indice mondial des places financières vertes, qui serait publié régulièrement", et "définir une initiative internationale sur comment on mesure l’impact carbone d’un investissement".

Deuxième axe : "travailler tous ensemble". "Privés, publics, il s’agit de renforcer les synergies et la co-construction. Un élément clé est la définition de standards", explique Philippe Zaouati. "On sait ce qu’est un green bond, mais la définition de ce qui est vert fait l’objet de grands débats : cela ne peut être abordé qu’avec la collaboration des pouvoirs publics." De même qu’instaurer un cadre réglementaire pour "développer l’épargne longue".

Troisième axe : "faire savoir". "La communication, la visibilité pour renforcer le rayonnement de notre approche, est un domaine dans lequel nous Français ne sommes pas très bons, pourtant c’est crucial." L’objectif est dès lors de "créer une initiative finance verte et durable, et une marque dédiée". Les acteurs de la place française devraient également "être représentés dans les instances internationales, de manière plus systématique, à l’image de ce que Philippe Desfossés [directeur de l’Erafp], qui siège à l’IIGCC, fait à titre individuel. Autre piste pour la place financière de Paris : "lui donner des moyens financiers et élargir son spectre d’action, en discutant avec la société civile".

"Reste à passer à l’action"

"Ce n’est qu’une première étape, reste à passer à l’action", souligne Philippe Zaouati. L’initiative prend la forme d’un "comité sous l’égide de Paris Europlace, avec budget dédié et présidence tournante. Le calendrier sera celui des 15 actions à mettre en œuvre." Un plan d’action devrait être présenté au prochain conseil d’administration de Paris Europlace, puis une fois validé, être "mis en œuvre entre la fin d’année et début 2017".

Quant à la marque imaginée, "elle n’est pas encore prête, nous voulons travailler dessus, car ça fait long pour twitter 'Paris green and sustainable initiative'. Dans l’esprit, il s’agit de mettre à disposition des acteurs une estampille à l’image du logo de la COP 21, afin de s’identifier autour d’une place financière verte."

Parmi les chantiers du futur comité : mieux intégrer des secteurs aujourd’hui moins représentés tels que le private equity et son association l’Afic, ou bien discuter avec les pouvoirs publics de "pistes d’évolution réglementaires", telles qu’un "facteur vert" dans la politique monétaire (lire sur AEF), ou encore le fait de "desserrer les contraintes imposées par la directive Solvency II pour les sociétés d’assurance, lorsque cela concerne des actifs de long terme et d’infrastructures."

Réactions d’Engie, l’Erafp, la Caisse des dépôts

"Nous avons été auditionnés pour ce rapport, que nous soutenons, nous sommes un groupe en pleine transformation", souligne la directrice développement durable d’Engie, Anne Chassagnette. Elle indique en marge de l’événement auprès d’AEF que le groupe "poursuit sa revue stratégique de ses actifs charbon". "La Caisse des dépôts a rejoint les acteurs financiers les plus engagés en verdissant l’ensemble de son activité", poursuit son conseiller climat Pierre Ducret. Le groupe prépare actuellement "une feuille de route science-based pour s’aligner sur une trajectoire 2°C".

Philippe Desfossés, directeur de l’Erafp, réagit à son tour : "Il serait dommage que la France, qui a souvent de très bonnes intuitions et un esprit pionnier, ne capitalise pas sur ses initiatives, alors que la Chine et le Royaume-Uni posent des actes. Ces questions vont structurer le débat politique au plus haut niveau pendant les 30 à 50 années à venir, et que des stratégies d’influence se mettent en place ou pas, c’est maintenant que ça se joue."

"En France, il n’y a pas de fonds de pension", remarque encore le directeur de l’Erafp : "faute d’avoir des acteurs ayant un passif long, il faut voir qui peut s’y substituer. L’éléphant dans la pièce est un peu l’assurance vie. C’est là que se situent les masses."

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