Paris hésite à livrer des chars Leclerc à l’Ukraine
Isabelle Lasserre
Le Figaro
27/01/2023
ANALYSE -
Il ne manque plus qu’eux au palmarès. Après les Leopard allemands, les Challenger britanniques et les Abrams américains, la France va-t-elle livrer des chars Leclerc à l’Ukraine? Il s’agit du fer de lance de son armée de terre, considéré comme l’un des meilleurs blindés au monde. Officiellement la question n’a pas été tranchée. Elle est toujours en «discussion» et fera l’objet d’une décision dans les jours ou dans les semaines qui viennent. Mais alors qu’en début de semaine, Emmanuel Macron jugeait qu’un transfert n’était «pas exclu», les hésitations ont depuis repris de plus belle. Dans les états-majors militaires et les quartiers généraux politiques, nombreux sont ceux qui considèrent que les coûts dépassent largement les avantages. Pourquoi?
D’abord pour des raisons opérationnelles. Ni Paris ni Kiev ni Berlin ni même Washington n’en ont jamais fait mystère: depuis que les Occidentaux envisagent de livrer des armes lourdes à l’armée ukrainienne, pour affronter la prochaine offensive des forces russes et repartir à l’assaut pour libérer les territoires occupés, la cible principale est le Leopard. Pas le Leclerc, ni le Challenger, ni même l’Abrams, de l’autre côté de l’Atlantique. Le blindé lourd de fabrication allemande équipe vingt-deux armées, dont quinze en Europe pour un total d’environ 2000 pièces. Il est le seul pouvant être fourni en nombre suffisant et relativement rapidement pour permettre une efficacité maximum sur le champ de bataille.
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Le char Leclerc, lui, s’est exporté aux Émirats arabes unis et en Jordanie mais pas en Europe. Quant au parc français, avec environ 200 chars dont 50 en rénovation, il est déjà jugé trop étroit par l’état-major. Y compris pour pouvoir assurer le niveau d’entraînement nécessaire aux tankistes français. Contrairement aux Leopard qui sont soutenus par une industrie, les Leclerc ne sont plus fabriquées depuis 2008. Leur remplaçant n’est pas annoncé avant 2040. Enfin, les Leclerc sont robustes mais aussi fragiles. «Pour un qui roule, deux sont au garage en réparation», résume un officier de l’armée de terre.
Emmanuel Macron avait encadré de trois conditions l’éventuelle livraison de chars Leclerc à l’Ukraine. Qu’elle ne soit pas «escalatoire» vis-à-vis de la Russie. Cette première clause est respectée: à l’issue d’un revirement, l’Élysée considère désormais que la livraison de chars lourds n’aggravera pas la colère de Moscou puisqu’ils «ne seront pas utilisés sur le territoire russe» explique une source diplomatique. Les deux suivantes en revanche - la nécessité «de ne pas affaiblir nos capacités de défense» et l’impératif d’apporter «un soutien réel et efficace aux Ukrainiens» - ne le sont pas. «La présence des Leclerc sur le terrain ukrainien ne ferait que rendre plus complexe l’organisation militaire», poursuit le diplomate.
En fait, le débat entourant les Leclerc est depuis le début entièrement politique. La livraison éventuelle de chars lourds français à l’Ukraine visait avant tout à faire bouger les Allemands, les plus hésitants de tous les Occidentaux. Ils ne veulent pas partir seuls au front, même par procuration, en raison de leur histoire et de la force du courant pacifiste qui traverse les partis politiques. L’annonce, début janvier, de la livraison prochaine de chars de combat légers AMX par la France n’avait pas suffi à faire sauter le verrou allemand. Berlin y avait vu un nouveau coup de communication de Paris. «Les Ukrainiens attendaient les Leopard. Nous, on était prêt à sortir douze Leclerc pour aider les Allemands à prendre une décision. Mais ça n’a servi à rien car les Allemands ont exigé une garantie américaine», raconte un diplomate.
Depuis que l’annonce de la livraison des chars Abrams a entraîné celle des Leopard, le bénéfice politique d’un transfert de Leclerc paraît considérablement réduit pour la France, qui serait sans doute taxée de «suivisme» sans offrir de plus-value sur le terrain tout en affaiblissant son armée de terre. D’autres arguent du fait que se joindre au club restreint des pays livreurs de chars lourds, qui vont peser dans la balance militaire, est au contraire indispensable pour améliorer l’image de la France à l’est de l’Europe. Ils rappellent que Paris n’avait pas hésité à envoyer des Leclerc en Roumanie à l’automne dernier pour renforcer le flanc est de l’Otan… Quant aux Ukrainiens, ils continuent à dire qu’ils leur réserveront «le meilleur accueil» …
Si la France tergiverse au sujet des Leclerc, elle pourrait fournir bientôt des équipements dans les domaines de l’artillerie et de l’antiaérien, y compris pour défendre Kiev, la capitale. La répartition de l’aide en fonction des besoins des Ukrainiens et des possibilités des pays occidentaux fut l’un des objets de la réunion de Ramstein, en Allemagne. Sur la base américaine, les états-majors des pays alliés de l’Ukraine ont travaillé sur un programme d’aide courant sur toute l’année 2023. Un effort sur le long terme, permis par l’engagement collectif des Occidentaux à arrêter les Russes. Souvent critiquée par Varsovie à cause de l’ambiguïté de sa politique russe, la France renoue aussi avec la Pologne, dont la diplomatie et les forces armées montent en puissance.
Finalement, les réticences de Paris à livrer les Leclerc en disent davantage sur les faiblesses de l’armée française qui, après avoir subi des coupes budgétaires pendant plusieurs décennies, doit affronter des trous dans la raquette et un épuisement des stocks. Elles révèlent aussi l’état dégradé du couple franco-allemand: entre Paris et Washington, même pour une livraison de chars lourds, Berlin choisit les États-Unis.
echo 'em.mp@xamadanac' | rev
1 ansMais comment expliquer un député LR qui explique calmement que "les Leclerc ne sont plus fabriquées depuis 2008. Leur remplaçant n’est pas annoncé avant 2040." alors que le sang coule à flots jacent notre mur oriental. Nous sommes débornés. En 2020 les polonais voulaient acheter nos chars. Le parc industriel vidé lors de l'administration Hollande. Y'a t'il quelqu'un? Les Polonais se satisfirent en achetant 800 chars Coréens, et cela pour un prix chacun la moité de celle que nous eussions pu leur offrir. Et vous voulez parler d'un leadership français, et ce dans l'Eurodéfense? C'est scandaleux. Les chars nous ont bel-et-bien sautés pour de bon. Félicitations M Le Maire.