Chronique d'une aventure professionnelle et humaine

Il y a un an, le groupe Pierre Fabre m'a sollicité à travers Tarateyna pour concevoir un guide pédagogique sur les soins de support en oncologie destiné aux pharmaciens d'officine. 9 mois plus tard, naissait l'OncoGuide, un ouvrage de plus de 130 pages qui a fait intervenir 15 experts – et aussi des personnes malades – convaincus par l'intérêt de l'approche intégrative pour les patients atteints d'un cancer. 

Derrière ce concept se dessine le fait de placer le patient au centre de tout puis à l'entourer par des personnes bienveillantes qui vont l'accompagner dans son traitement. Cet accompagnement s'effectue par des professionnels de santé bien évidemment, mais aussi par d'autres spécialistes qui vont tout simplement lui faire du bien. Il s'agit par exemple de socio-esthéticiennes, de coaches sportifs ou de coiffeurs habitués à s'occuper de personnes suivant des traitements oncologiques. Éclairage sur le rôle d’un coiffeur spécialisé ? Anticiper notamment la prise en charge de la chute des cheveux avec des coupes adaptées et surtout éviter au conjoint de s'en occuper quand les cheveux commencent à tomber.

J'ai ainsi découvert le travail que l'Association Tout le Monde contre le Cancer effectue sur le terrain à travers son initiative "L'échappée rose". C'est humainement magnifique avec des personnes qui retrouvent pour certaines le sourire grâce à des soins et de l'écoute tellement nécessaire. Pour les personnels de santé, c'est également le moyen de disposer d'un temps d'échange si rare. Derrière cette association, comme bien souvent avec cette maladie, il y a une très belle histoire personnelle.

«La difficulté de rendre un document attractif sur un sujet qui suscite des peurs profondes»

Les interviews ont enrichi en permanence ce document voulu simple, accessible et attractif. Je dis attractif car cette maladie fait peur immédiatement et est très rapidement assimilée à la mort. Alors pour en parler, il faut prendre ce point en considération au risque sinon de rater son objectif. Conscient de cette difficulté, nous avons réalisé de nombreux reportages photos destinés à rendre toute leur humanité aux personnes... en dépassant leur statut trop "naturel" de malade. Car oui, ce sont avant tout des personnes et surtout pas, ce que j'ai entendu trop souvent, des "patients cancéreux". Ce terme à lui seul est selon moi extrêmement stigmatisant et tombe comme un verdict.

Exemple d'information utile et surtout facile à partager grâce à une rencontre avec un médecin du sport. Il nous a permis de comprendre pourquoi l'exercice physique est bénéfique pour lutter contre la maladie. Cela passe par la chimie du corps et notamment la réduction de la sécrétion des cytokines qui découlent des phénomènes inflammatoires liés au cancer. Je profite de cet éclairage pour souligner que je ne suis ni médecin, ni scientifique mais que mon oreille attentive a entendu des propos extrêmement pertinents que j’ai retranscrits avec la plus grande fidélité. 

Comme je le soulignais, la conception de ce guide m'a permis de rencontrer de nombreuses personnes touchées par cette maladie. J'ai été surpris par leur énergie, leurs histoires et leur humanité. J'ai surtout vécu de très beaux moments de partage, marqués par une réelle profondeur et de beaux sourires. Dans un monde qui va vite, cet arrêt sur image donne tout son sens à la vie. Tous ont souhaité passer un message à travers ma plume : que le regard change sur les personnes malades et que l'on respecte le temps de chacun... notamment celui d'accepter la maladie face à son entourage. Car, dans cette loterie génétique, tout le monde est concerné. Et rien n'est plus terrible qu'un regard compatissant, encore plus peut-être que pas de regard du tout. Comme il est difficile de ne pas se projeter, je me suis moi-même interrogé sur mon regard avec la volonté que cette prise de conscience bénéficie aux personnes concernées. Je me rappelle de cette phrase qui claque. "Les malades me rapportent souvent que leur entourage leur dit ce n'est pas grave de perdre ses cheveux. Et bien si c'est grave !" Ces quelques mots méritent d'être partagés car ils ouvrent la porte à la nécessité d'être accompagné par des professionnels quand on est confronté à cette maladie (comme patient ou aidant). Je parle ainsi de psychologues formés à cette approche et surtout bienveillants. Le réseau et le bouche-à-oreille jouent en cela un rôle déterminant.

J'écris souvent sur la RSE, l'engagement sociétal, la raison d'être… À travers ce dossier, j'ai été immergé dans ces dimensions… humainement avec une responsabilité professionnelle majeure. C'est dur, c'est violent, mais c'est tellement enrichissant personnellement. Avec des vies qui basculent, des personnes qui se transcendent à la suite de la maladie, des associations qui se créent pour agir avec force et sans compromis, des entreprises qui se créent parce qu'il est intolérable de voir un proche se dégrader sans solution acceptable. Tous ont l'énergie de la vie et surtout, s'appuient sur une farouche volonté, tellement communicative.

«Un guide valorisant la présentation de conseils pratiques, immédiatement utilisables, au service des personnes et de leur qualité de vie.»

Ce guide a soulevé des enjeux majeurs parmi tant d'informations essentielles. Tout d'abord, un enjeu de santé publique. Oui les traitements ont de terribles effets indésirables – pas secondaires car ils ne sont jamais positifs - mais non, ils ne sont pas sans solution pour la grande majorité. La prise en charge très tôt par des professionnels de santé ou des spécialistes impliqués est déterminante. Car hélas, les personnes se retrouvent souvent seules face à leur maladie. Seules ? Finalement pas tant que cela car la famille et les amis deviennent vite des victimes collatérales conscientes ou non. Eux aussi méritent une réelle attention car ils sont les partenaires du quotidien des malades. Et surtout, si l'aidant ne va pas bien, le malade n'ira pas bien. 

Une fois encore, je ne suis pas expert du cancer, mais j'ai entendu tellement de souffrance des personnes que j'ai envie de dire à celles qui vont entamer ce chemin de vie difficile que des solutions existent pour préparer leur corps à supporter des traitements. Car le cancer ne laisse personne indifférent. Je me souviens de certains clients venant me voir en fin de réunion quand ils ont appris au détour de propos que je travaillais sur ce thème pour obtenir des conseils... le regard bas, comme s'excusant. Et dans ces moments, l'empathie est déterminante en sachant parfois tout simplement écouter.

Il y a tellement de petites astuces utiles qu'il est difficile de toutes les nommer. Tout d'abord, prendre des forces – se nourrir – car le corps a besoin d'énergie pour supporter les traitements aux doses les plus fortes. Alors il faut veiller à la qualité de la nutrition et, quand c'est possible, faire du sport ou une activité physique... marcher. La peau est bien souvent la première à subir l'impact des traitements. La encore, des produits existent, disponibles en pharmacie d'officine. L’eau thermale d'Avène aux propriétés dermatologiques bien connues peut apaiser la peau notamment avec des compresses pour prolonger l'effet. Autre élément essentiel : l'accompagnement psychologique. Dans le cadre de la réalisation de ce guide, nous avons eu la chance de compter sur l'implication de Jasin Shaikh, psychologue. Bénévolement, elle a grandement contribué à la rédaction du chapitre sur l'accompagnement psychologique du patient. Son expertise est tout sauf théorique dans ce domaine. Elle a suivi de nombreuses personnes pour certaines jusqu'au terme de leur vie mais aussi des patients en rémission ou encore des parents de patients fortement traumatisés par cette expérience de vie. Et dans ce cas, l'EMDR peut faire des miracles. Là encore, en s'appuyant sur des professionnels reconnus.

Compte tenu des données chiffrées – 400 000 nouveaux cas en France en 2017 –, les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans l'accompagnement de leurs collaborateurs touchés par cette maladie. Car la conclusion de ce guide est positive. Grâce à l'avancée des traitements – on peut parler sans risque de se tromper de révolution au sujet des thérapies ciblées ou de l’immunothérapie – les personnes touchées vont pour une grande majorité vivre avec leur cancer plusieurs voire de nombreuses années. La maladie se chronicise.

Le débat d'idées a été déterminant dans la création de ce guide. J'ai eu la chance de rencontrer d'éminents oncologues qui ont nourri le contenu à travers leur vécu, leurs convictions et leur envie de partager leurs expertises auprès du plus grand nombre dans le sens d'une meilleure prise en charge du patient.

Si j'ai souhaité écrire cette tribune, c'est aussi pour remercier toutes les personnes qui ont vécu ce moment de vie avec moi, et tout d'abord mes interlocuteurs chez Pierre Fabre qui ont tout de suite partagé la vision ambitieuse proposée. Merci sincèrement à Jessica, Marc, Bernard – content de t'avoir aidé à tenir ta promesse – pour ce très beau moment professionnel et de vie. 

Au moment où ce guide démarre sa diffusion à travers toute la France, j'ai une pensée pour les femmes, les hommes et les enfants atteints par cette maladie. Rarement dans une vie professionnelle on a l'occasion de réaliser un dossier qui dépasse sa propre dimension en ayant dès le départ conscience qu'il peut impacter la vie d'un très grand nombre de personnes. J'ai eu la chance de vivre cet instant et je pense en être profondément transformé. Je souhaite une très belle vie à cet OncoGuide.

Certaines personnes me demandent parfois quelle musique j’écoute quand je rédige. Voici celle qui a porté des moments intenses de la conception de l’OncoGuide : Recomposed by Max Richter : Vivaldi, The Four Seasons, Spring 1 / https://spoti.fi/2E93hHT

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