Passages à niveau, lignes de dessertes fines du territoire et sécurité.
Lors d’une conférence récente consacrée aux lignes de desserte fine du territoire, j’ai entendu évoquer les règles de sécurité aux passages à niveau (PN )par une responsable régionale, et qui s’inquiétait du coût que représentait la sécurisation des passages à niveau dans le budget de réouverture d’une ligne fermée.
Ayant travaillé longtemps à la SNCF, et ayant participé, à des titres divers, à la suppression de plus de 350 passages à niveau, ainsi qu’à la sécurisation d’une centaine d’autres, je me propose de partager ici mon expérience… pour mieux appréhender le coût et la difficulté de la sécurisation des passages à niveaux.
Le risque au passage à niveau : réalité et mythes.
Le risque… vu du coté train.
La sécurité ferroviaire en France, quoiqu’on ait pu dire après Bretigny, Eckversheim, etc est plutôt bonne, dans le peloton de tête des pays européens… ce qui malheureusement peut se décrire, en terme de probabilité, comme une espérance de 0,4 accident mortels par an, suivant une loi de Poisson. Compte tenu de la gravité moyenne des accidents, cela donne environ 0,6 morts par an parmi les passagers et le personnel de la SNCF.
C’est à la fois très peu… et beaucoup trop : les accidents ferroviaires font la une des journaux… le même jour qu’à Brétigny, un accident de voiture dans le Sud-Ouest avait fait le même nombre de décès, mais il était enfoui à la dernière page, et par contre, Bretigny a fait l’actualité pendant des mois, et a traumatisé le monde Cheminot.
On stagne à ce niveau depuis au moins 20 ans : descendre en dessous de 0,4 accidents mortels par an est très difficile.. ; quasiment impossible avec des méthodes classiques de sécurité : il faudra sans doute que je fasse une chronique sur ce sujet un jour… Pour aujourd’hui, contentons-nous de dire que le risque d’accident avec morts dans le train à un PN est inférieur à 0,1 par an… inférieur en moyenne à 0,15 morts par an personnel SNCF + clients.
Le risque… vu du côté routier
Si, coté ferroviaire, on est plutôt dans les bons élèves , c’est un peu moins vrai coté routier : Nous sommes un peu meilleurs que la moyenne Européenne, très bons par rapport aux USA, à l’inde… mais médiocres comparés au Royaume uni, à l’Italie, au Japon.
L’idée de « profiter » d’une réouverture de ligne pour réduire le risque PN n’est donc pas si « aberrante » que cela... le problème me semble plutôt dans les méthodes pour y arriver.
Le risque au niveau PN : variabilité individuelle du risque et facteurs de risques.
C’est là le vrai problème…Lorsque nous avions regardé, avec le Dr Ghazel et une jeune mathématicienne chinoise (le Dr LIANG Ci) les accidents aux passages à niveau de la SNCF, nous avions trouvé que le risque à un passage à niveau « donné » présentait une très grande variabilité… et que les paramètres classiques ( le nombre de trains/jour, le nombre de véhicules jour) utilisés par les modèles de prévision de risque donnaient de très mauvais résultats.
Un PN comme celui-ci, en Ville, avec de nombreuses voiries ( dont des voiries // à la voie), un carrefour très proche du PN peut présenter un risque d'accident 3 à 10 fois plus élevé, voire plus, que le PN "médian"
Pourquoi ? Tout simplement parce que la très grosse majorité des accidents aux PN ( de l’ordre de 99%) n’est pas due à un dysfonctionnement coté ferroviaire, mais à une cause routière, et que les paramètres « routiers » n’étaient pas décrits dans les fichiers de la SNCF, et pas pris en compte dans les modèles classiques
Cela ne veut pas dire que la conception du PN n’a pas d’importance : entre un PN à croix de St André et un passage à niveau à 2 1/2 barrières (SAL2), le risque moyen et de 1 à 7, entre un SAL 2 et un passage à niveau à 4 1/2 barrières ( SAL4 )de l’ordre de 1 à 2… simplement qu’entre 2 SAL 2 ou 2 SAL4 avec les mêmes trafics , suivant l’environnement routier, on peut avoir des écarts de 1 à 3, voire 1 à 10….
En France, le PN "standard" est le SAL2 ( PN automatique à 2 demi barrières, sans signal de protection coté train, et avec un cycle de fermeture "court" de l'ordre de 21 à 35s
On peut donner quelques éléments quantitatifs quand à la dispersion du risque : si l’on admet ( et il y a quelques bonnes raisons théoriques pour cela) que les accidents à un PN donnés suivent une loi de Poisson, on peut évaluer la distribution du risque et sa dispersion sur l’ensemble des passages à niveau du réseau ferroviaire français.
Comment interpréter cette distribution ?
Tout d’abord, on s’aperçoit qu’elle n’est pas très différente entre les SAL2 ( 2 demi barrières ) et les SAL 4( 4 demi barrières….) ce qui interpelle, car dans l’interprétation « traditionnelle », les causes d’accidents sont différentes, chicanes d’un coté, blocage sur voie de l’autre… J’en dirai davantage plus loin.
En France, les PN à 4 1/2 barrières ont, à fréquentation égale, un risque deux fois plus faible d'accident que les PN à 2 1/2 barrières... mais la variance du risque est pratiquement la même que pour les PN à 2 1/2 barrières.
On voit aussi que la distribution n’est pas du tout symétrique : la moitié des PN ( Fréquence 0,5, en rouge sur le graphique) a un risque inférieur à 60% du risque moyen, 10% des PN ( en bleu) ont un risque supérieur à 2,3 fois le risque moyen 5% un risque supérieur à 3,3 fois le risque moyen…
Dans le monde germanique ( Allemagne, Suède, Suisse) , les "gros" PN sont équipés de 4 barrières, et un signal de protection coté voie arrête le train ou impose la marche à vue en cas de disfonctionnement (classiquement la non fermeture, de plus en plus un détecteur d'obstacle), avec un taux d'accident de l'ordre de 10% du SAL2 français pour ceux équipés de détecteurs d'obstacles.
Le risque à un PN donné dont on connaît l’historique
Malheureusement… on se heurte à la limitation des fichiers de données SNCF : ils donnent bien le type de PN, la fréquentation, l’historique… mais pas la configuration routière, qui est le principal déterminant du risque…. Et si on est réaliste, il faudrait des années pour l’inclure, comme l’ont fait les anglais dans leur modèle de risque.
Mais, en ce qui concerne les PN existants, il y a possibilité de faire « presque aussi bien » dès maintenant en utilisant une méthode « bayésienne »
L’énoncé mathématique des méthodes Bayésiennes peut paraître complexe, mais en fait, elles consistent :
- Tout d’abord, à évaluer le risque le plus précisément possible, en fonction des données « incomplètes » que l’on possède . Dans notre cas, un modèle statistique intégrant les paramètres ferroviaires, ainsi que les quelques données « routières » (angle de traversée, présence de dos d’âne…) que l’on possède
- De réévaluer ce risque au niveau "individuel" en utilisant l’historique des accidents connus
- Et de continuer à le réévaluer en fonction des nouveaux accidents.
La méthode bayésienne est en fait très simple, une façon rationnelle de travailler quand les données ne sont pas suffisantes, dans notre cas, les données routières manquantes. Pour la majorité des PN le modèle statistique va donner une valeur compatible avec l’accidentologie, dans quelques cas, il y aura incompatibilité et il faudra corriger.
Prédire le risque… quand on ne connaît pas l’historique
Dans ce cas, c’est plus compliqué… mais on a quand même un certain nombre d’outils
Le premier est de prendre, parmi les PN, ceux qui ont la correction la plus importante, et de voir s’il se dégage des traits communs.
Il semble que ce soit bien le cas : les PN les plus « scélérats » présentent certains traits :
- Soit un environnement routier complexe :
o voiries// à la voie ferrées, distance voiries// voie faible, tourne à gauche
o dispositions pouvant attirer l’attention d’un conducteur ( et lui faire oublier la voie ferrée) par exemple publicités, affichage…
o proximité de gares ou de Pang…
- soit une variation de largeur au voisinage du PN : platelage plus large/moins large que les voiries encadrantes
- soit une configuration ligne secondaire, souvent non électrifiée, un PN dans un grand alignement routier
- Il faut aussi prendre en compte l’environnement :
o Des travaux dans la zone du PN sont un facteur d’aggravation de risque, notamment une circulation alternée proche d’un PN à ½ barrières
o Des événements temporaires (foire, marchés) pouvant générer un nombre de piétons supérieur à l’habitude
o certaines installations très fréquentées ( universités, boites de nuit…) peuvent augmenter le risque.
Le PN de Millas présentait lui aussi de nombreuses caractéristiques d'un PN "scélérat", et notamment les voiries // à la voie ferrée, avec des seuils réduits. Il n'était pas en ville... en général, circonstance qui favorise la cécité d'inattention, mais le séparateur de chaussée , en focalisant l'attention de la conductrice, a probablement contribué , de même que la circulation ferroviaire modérée ( les habitués, qui sont la majorité des usagers aux PN, apprennent que le PN est toujours ouvert à l'heure de leur passage...)
Même si le risque est plus difficile à évaluer sur un PN fermé depuis plusieurs années, ce type de configurations induit un risque plus élevé, voire beaucoup plus élevé que le PN « moyen ».. et doivent donc être traitées.
Le traitement des passages à niveau, ou comment réduire les risques.
Les mécanismes des accidents de PN
En fait, le vrai problème est probablement que l’analyse des accidents aux PN est fortement erronée, et ce, depuis plusieurs années.
Le paradigme « traditionnel » est le suivant :
- les conducteurs respectent très mal les règles de sécurité routière
- en particulier, aux SAL2 ( PN à 2 ½ barrières), ils chicanent autour des barrières
- en particulier, aux SAL 4 ( PN à ¼ demi barrières), ils chicanent autour des barrières d’entrée, et peuvent rester coincés par les barrières de sortie
- il est important de réduire le temps de cycle des PN pour ne pas encourager le passage en chicane
Ce discours est très convaincant… il est en grande partie confirmé quand on fait des mesures sur simulateur de conduite…sauf qu’il ne correspond pas du tout à la réalité, et qu’on voit tout autre chose quand on observe «des « vrais » conducteurs, sur des « vrais » PN, et qui ne se savent pas observés.
Que se passe il donc dans la réalité ?
Tout d’abord, les feux clignotent pendant environ 7s… puis les barrières ( ou les barrières d’entrée) commencent à descendre, et sont descendues à t= 14s environ
Coté ferroviaire…. Pendant environ 5s, le flux des voitures restent constant. 2s avant le début de fermeture des barrières, il commence à diminuer pour devenir négligeable après t=10s… au moment ou les barrières sont suffisamment basses pour qu’une voiture ne passe plus dessous.
Sur le million de passages de voitures observé, sur 11 PN répartis sur toute la France, pendant 6 mois, nous n’avons jamais, je dis bien jamais, vu de passage en chicane.
D'autres mesures faites en Australie montrent elles aussi l'Absence de chicane stricto sensu: le flux de voitures arrête vers 10s, lorsque les barrières sont à demi descendues
En fait, nous en avons vu quelques unes… sur 1 PN seulement, dans un cas ou un train fret était immobilisé, au milieu de la nuit ( mais toutes les nuits…) dans la zone d’annonce d’un PN, avec des fermetures prolongées supérieures à 15 mn… mais jamais dans un fonctionnement « normal » de PN
Nous avons par contre constaté que, dans le cas de PN de gare, aux heures ou les trains stationnaient en gare, le flux d’automobilistes avait tendance à diminuer un peu plus tard… les usagers des PN sont essentiellement des habitués, ils savaient qu’ils allaient attendre, ils prenaient un petit peu plus de risques.
Alors, comment se passent les accidents ? Une voiture qui traverse le PN, et qui se trouve, pour une autre raison ( erreur de conduite, panne, remontée de file…)immobilisée dans la zone dangereuse
Un conducteur qui peut s’affoler, mettre plusieurs secondes, voir plusieurs dizaines de secondes pour s’échapper.
Dans une très grande majorité des cas (95 à 99%), il y arrive et s’échappe avec plus de peur que de mal.
Dans une minorité des cas, il ne s’échappe pas, et c’est l’accident. Il va de soi que, plus tard il est rentré sur le PN, moins de temps il lui reste pour s’échapper, et plus grand est le risque : un véhicule qui rentre sur le PN avant que les feux ne clignotent aura presque 100% de chances de s’échapper si un problème l’immobilise en zone dangereuse, un véhicule qui entre sur le PN à T= 10s… très peu de chances de s’échapper
L’écart d’accidentologie entre PN à 2 barrières et PN à 4 barrières ? les 4 barrières ont 2 fois moins d’accident… parce qu’un véhicule immobilisé a deux fois plus de temps pour s’échapper... l'absence de barrière de sortie dans les SAL2 ne joue pas , car le problème est que le temps avant arrivée du train est insuffisant.
Dans un des accidents analysés par le BEATT, sur un SAL2, la conductrice s'était mise hors de danger en reculant au maximum son véhicule... mais, ayant vu qu'il n'y avait pas de barrière de sortie, elle a redémarré... et c'est fait prendre par le train.
Le mécanisme ci dessus ne recouvre pas tous les accidents : il existe un deuxième mode, rare ( on n’en a pas vu sur Moripan) mais très mortel, la cécité d’inattention : le conducteur ne remarque pas le PN ou le remarque trop tard…
Sur un gros PN très fréquenté, il y aura des voitures devant… un accident de voiture. Sur une ligne secondaire, ou si on n’a pas de chance, accident de PN
Et les circulations douces dans tout cela?
Les mécanismes d'accidents piétons, vélos, etc sont malheureusement beaucoup plus mal connus. Contrairement aux voitures, camions, et autres circulations lourdes, il semble qu'au contraire, pour les piétons, et dans une moindre mesure les cyclistes passent effectivement beaucoup "en chicane", souvent tardivement, et qu'ils comptent sur leur "agilité" pour échapper à l'accident.
Pour les circulations douces, le mécanisme d'accident serait donc bien la "chicane", même si on a pu là aussi constater quelques cas de cécité d'inattention (portables....)
Réduire les accidents aux PN
L’ergonomie « routière »
Tout d’abord, et comme on le fait quand on crée une ligne de tramway, il FAUT COMMENCER PAR REGARDER LES PLANS DE CIRCULATION DANS LA ZONE DU PN, avec les mêmes méthodologies qu’utilisent nos collègues des tramways…. Et ramener, autant que faire se peut, le risque au niveau du risque « médian »
On peut aussi en profiter pour éviter de faire passer les bus, notamment scolaires, ou les camions sur les PN.
Dans certains cas urbains, cela peut être difficile… mais un gain de sécurité de 40/ 50% en moyenne est réaliste.
Les méthodes « alternatives » de suppression des PN
Le meilleur PN, celui qui ne vous emm(censuré) plus jamais, c’est celui qui n’existe plus.
Mais supprimer les PN coûte une fortune me direz-vous…
Oui, et non. C’est vrai si on doit construire un ouvrage d’art. Ce n’est pas le cas pour un PN de champs, utilisé par deux ou trois agriculteurs… l’idée n’est pas de faire un remembrement général mais acheter un champ pour le revendre, voire pour l’échanger avec un agriculteur vivant du bon coté de la voie ? un coût de quelques milliers d’Euros d’achat ou d’échange , mais parfois beaucoup de salive…créer un chemin empierré sur centaines de m peut couter moins cher qu’un ouvrage, et même moins que d’automatiser un PN à croix de St André situé au diable.
MAIS CELA IMPOSE QUE NOUS ACCEPTIONS DE CESSER D’ETRE DES GAULOIS TEIGNEUX.
J’ai eu la chance, dans les années 90 en Basse Normandie, grâce aux projets de modernisation de Mantes Cherbourg et de Dreux Granville, de pouvoir mettre à plein temps un jeune agent dynamique et motivé, pour supprimer des PN.
Mais il n’aurait pas suffi. J’ai été aussi aidé par tous nos partenaires, service du conseil régional, services départementaux, DDE qui se sont motivés, qui nous ont accompagné, tenu le même discours auprès des maires, obtenu l’aide de ceux-ci… qui sait mieux que le maire d’un village, que ce PN n’est utilisé que par M Dupont pour aller faire son champ, ou par madame Durand pour faire passer son troupeau de vaches ?
Mes services et moi-même ont aussi beaucoup appris : Sur Mantes Cherbourg, pour pouvoir aller à 200 km/h, nous avons créé beaucoup d’ouvrages. Sur Dreux Granville, nous avons supprimé 50% des PN sans construire d’ouvrage.
Mais c’est parce que nous avons travaillé TOUS, ENSEMBLE, « FRATERNELLEMENT », entre ferroviaire, routier et élus… Volontairement, sur Paris Granville, le ferroviaire n’a jamais été maître d’ouvrage des suppressions de PN: Pour ce type de projet, les communes, les autorités routières étaient plus compétentes que nous.
Pas facile en France, mais quand on y arrive, cela permet des résultats extraordinaires.
Vers un concept de PN « intelligent » ?
Nos PN sont obsolescents. Ce sont des produits remarquables… les barrières de parking les plus fiables du monde, si on ne les brise pas, si on ne leur rentre pas dedans, des millions de manœuvres sans défaillance…
Mais est ce de cela qu’on a besoin ? Non, c’est de minimiser les accidents
D’où l’idée de reconcevoir nos PN, de passer de la Rolls-Royce des barrières de parking à un « gardien intelligent », un système qui pourrait réagir à son environnement, augmenter l’intensité de ses feux clignotants à contre-jour ou à midi en juillet, les baisser la nuit, avertir le train si un obstacle existe, avertir la voiture qui ne ralentit pas… contacter le gamin qui traverse le nez sur son smartphone…
Actuellement, encore une utopie… pas complètement : certaines des fonctionnalités décrites ci-dessus existent déjà ( les détecteurs d’obstacles) , d’autres pourraient exister avant 10 ans… et l’expérience de ce qui se fait, par exemple au Japon, montre déjà une réduction très importante avec simplement les détecteurs d’obstacles, de l’ordre de 90% des accidents par rapport à nos SAL2 classiques.
Certes, cela n’est pas compatible avec quelques-unes de nos règles actuelles, mais cela tombe bien… La règle au Japon est de freiner vigoureusement, et d’aller en marche à vue jusqu’au point protégé, alors que la règle Française est freinage d’urgence, arrêt du train, inspection du train… et en général, quelques heures avant de redémarrer, car les voyageurs sont descendus sur les voies. Comme disent mes amis Japonais, arrêter le train n’est pas forcément la position la plus sûre : lorsqu’il y a, comme c’est le cas sur un détecteur d’obstacles, 95% de chances que le véhicule se soit échappé, la marche à vue et réarmement automatique si on franchit le PN, qui évite le risque de clients sur les voies n’est pas une mauvaise solution… et dans certains cas au Japon ou en Italie le signal "spécial" associé au détecteur a deux aspects, le conducteur peut reprendre sa vitesse lorsque l’alarme s’éteint si le bon fonctionnement est allumé.
Le guide de réouverture des lignes, trop exigeant ?
Je ne suis peut-être pas objectif : après tout, j’ai participé à l’élaboration du guide original. Mais je pense que le problème est moins dans l’objectif que dans les méthodes pour y arriver.
Le réflexe des concepteurs va être de supprimer d’abord les « gros » PN, les plus fréquentés. Ce reflexe peut paraître juste… mais il est en fait catastrophique. Si vous prenez un très gros PN, avec un moment de 500 000… au pire, il a une probabilité d’accident de 0,1/an… et il a toutes les chances d’être en ville, de nécessiter pour sa suppression au moins un 1 pont rail… un investissement de l’ordre de 10 M€
Comparez à un tout petit PN de champs… un croix de St André, avec un modeste moment de 15… un tracteur et 15 trains. Compte tenu de sa fréquentation modeste, le risque d’accident va être plus bas que pour notre gros PN… mais ce n’est pas linéaire, le risque va être de l’ordre de 3,9 10-3 par an.
Mais avec un peu de chance… un agriculteur pas loin de la retraite, pas de successeur, quelques cafés et beaucoup de discussions…pour 3000 € vous pouvez acheter son champ… Si vous arrivez à revendre correctement le champ, le coût principal va être de rétablir une clôture et d’enlever le platelage. Une fois, j’ai supprimé un PN pour moins de 1000 € hors travaux de voie et de clôture… Supprimer des PN de champs est des milliers de fois plus efficace que de supprimer des PN de ville…mais, comme je le disais ci-dessus, beaucoup de salive, et un travail collectif des élus, des routiers, voire des associations… de tous les hommes et femmes de bonne volonté.
Les PN de ville, ce sont ceux qui souvent, ont une configuration routière peu ergonomique, qu’il faut améliorer. Et si améliorer le « carrefour » ne suffit pas ou est trop difficile, ce sont ceux ou adopter un PN intelligent, des détecteurs d’obstacles, des jupes sous barrières et des plots anti-franchissement ( en ville, les piétons sont non négligeables…) peut être beaucoup plus efficace qu’une suppression lorsqu’elle est coûteuse... C'est comme celà que l'on peut progresser.
En complément: la simulation numérique plutôt que le simulateur de conduite?
Si j'ai de très gros doutes sur l'utilisation des simulateurs de conduite, doutes motivés par le retour d'expérience ( les conducteurs aux PN réels sont des riverains qui passent tout les jours, et les conducteurs sur simulateurs non, les arbitrages risques/ gain de temps n'ont aucune raison d'être identiques sur simulateurs et dans la vie réelle... et on voit des chicanes sur simulateur qu'on ne voit pas dans la vie réelle), Nous avons commencé à réfléchir à la simulation numérique appliquée aux PN avec l'IFSTTAR et le Dr Ghazel.
La conclusion de nos premiers essais est qu'il reste encore beaucoup de travail, mais qu'au moins, dans des situations simples, un modèle de simulation probabiliste (modèle de Monte Carlo) pourrait être efficace... et celà permettrait aussi d'accélérer le progrès.
Article particulièrement instructif et bien documenté merci ! Un cas d'étude intéressant est celui des 28 "intersections barrierées" (PN) du tramway T3 de Lyon. Environnement urbain, vitesse de franchissement importante, interface avec la signalisation routière... Un systèmes unique réalisé sous l'égide du STRMTG.
Consultant associé chez FLPConsultant
3 ansTrès pertinent, ton article!
Responsable de projets et de politiques d’infrastructure de transport
3 ansBonsoir Olivier, Étude très intéressante qui rappelle quelques « évidences ». L’approche très ferroviaire du sujet de la sécurité des PN montre clairement ses limites. Ex-gestionnaire de voirie et maître d’ouvrage de projet tramway (avant de faire du ferroviaire), je partage la nécessité d’appréhender le risque sous l’angle routier et comportemental. Trop longtemps on a conçu la sécurisation par la création d’ouvrages dénivelés. Or, reconfigurer l’aménagement routier et la signalisation des PN reste un axe largement sous investigué, même si on peut noter des évolutions récentes qui vont dans le bon sens. Les aménagements chez les autres, les nouvelles technologies constituent des bases pour aller plus loin dans l’amélioration de la sécurité des traversées à niveau. Reste que pour échapper aux contraintes du ferroviaire, cela implique que l’approche routière ne doit pas techniquement s’imbriquer au système du RFN. Enfin, la mise en place d’une supervision centralisée des PN reste un challenge. Traitons les PN comme on le fait pour les tunnels (routiers).
Membre de la Commission Nationale Patrimoine et Architecture (Classement des Monuments Historiques) Ministère de la Culture
3 ansCher Olivier, ton article est passionnant, documenté, et parfaitement clair. Une fois que l'on l'a soigneusement lu, plus rien n'est à dire, à ajouter, à commenter. C'est définitif, c'est à appliquer d'urgence. Juste une toute petite suggestion en toute amitié: rappelle, chaque fois qu'ils apparaissent pour la première fois, la signification des habituels et innombrables mais nécessaires "sigles" SNCF": par exemple, SAL1 et SAL2, je connaissais, mais d'autres sigles ne sont pas évidents à deviner. Mais tu as mes chaleureuses félicitations. Bien à toi, Clive.