Passer du conflit à la synergie
Certaines entreprises, sous couvert de meilleure intégration et d’alignement sur les valeurs corporate, favorise le « clonage » des salariés (en favorisant le recrutement par parrainage par exemple, ou en excluant du groupe ceux qui se distinguent par des points de vue trop différents). Pourtant, se retrouver en « circuit fermé » -asséché d’idées nouvelles et incapable de remettre en question ses modes de fonctionnements- ne semble pas judicieux dans un environnement mouvant où se réinventer est une question de survie.
D’autres entreprises, plus audacieuses, font le pari que la diversité dans les équipes créera de la richesse.
Leur challenge et ceux de leurs collaborateurs : transformer les conflits inhérents aux différences de points de vue en synergie.
Pour explorer le processus qui mène à la synergie, partons des postures personnelles les plus courantes dans une situation de conflits :
- la fuite ou l’inertie : « j’ai un caillou dans la chaussure mais je peux marcher avec »; en d’autres termes : le problème est mineur, donc je l’ignore. Hélas, il y a fort à parier que, tôt ou tard, ce petit caillou devienne insupportable et alors, lorsque l’entaille au pied est faite, il est peut-être déjà trop tard pour continuer à avancer.
- l’attaque : je décide d’entrer en conflit. Mais avec quelle intention ? Celle de donner une « leçon » à l’autre ? De vouloir le changer ? J’observe que, souvent, en incarnant un « camp » contre un autre (celui de mon interlocuteur avec lequel je suis en conflit), j’empire la situation; car chacun se retranche dans son « camp » et défend sa cause, sans s’ouvrir aux besoins de l’autre.
La 3ème voie est celle de la synergie*; elle suppose d’accepter que ma vision du monde diffère de celle de mon interlocuteur, que ni l’un ni l’autre n’avons raison a priori et que le point de vue de l’autre va me permettre d’enrichir ma propre perception du monde.
Les 4 étapes vers la synergie sont les suivantes :
Etape 1 : avoir une conscience aigüe de mes besoins et les communiquer; souvent un conflit latent déclenche des émotions (la colère notamment). A quel(s) besoin(s) non satisfaits répondent ces émotions ? Le besoin d’être rassuré ? de me sentir respecté ? reconnu ?
Etape 2 : écouter et respecter les besoins de l’autre; il ne s’agit pas d’embrasser les modes de fonctionnement ou les valeurs de l’autre, mais de reconnaître qu’en tant qu’être humain, il a des besoins spécifiques pour son équilibre et son développement.
Etape 3 : décider avec l’autre d’aller par-delà les idées et modes de fonctionnement de chacun et de trouver des solutions, des voies nouvelles, plus performantes que chacune des voies prises indépendamment. Pour valider cela, chacun doit renoncer a priori à avoir raison et doit être prêt à faire évoluer son point de vue initial. L’échange entre les deux personnes doit être clair, sincère et viser un objectif commun.
Etape 4 : élaborer des idées nouvelles et de nouvelles façons de travailler ensemble; à la manière des « brainstormings » créatifs, il s’agit d’ouvrir le champ des possibles, de ne pas se censurer, de bâtir des options comme s’il s’agissait d’un jeu, en lâchant ses a priori et ses croyances.
Quelles sont les compétences et qualités individuelles requises pour atteindre la synergie ?
- savoir identifier ses émotions et celles de l’autre, comprendre les besoins sous-jacents et apprendre à les exprimer
- renoncer au narcissisme en acceptant que chacun ne détient qu’une partie de la réalité du monde et que l’on agit en inter-dépendance avec les autres
- affronter sa peur de changer de point de vue, de sortir de son monde, et donc de sa zone de confort
Au niveau d’une organisation, favoriser les synergies, c’est bien sûr décloisonner en horizontal les départements, mais c’est aussi insuffler une culture où les leaders/managers n’ont pas raison a priori par rapport à leurs équipes, où la position hiérarchique ne donne pas de « voix » supplémentaires dans la résolution des problèmes.
*Stephen R. Covey décrypte superbement cette posture et ce processus dans son livre « La 3ème voie ».